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Le « plaisir d’être » en altercroissance . C Delarue
dimanche 11 octobre 2009, par
Le « plaisir d’être » en altercroissance (*) .
publié par Christian DELARUE
Il se développe un discours (1) en faveur des circuits très très courts, contre la grande distribution et l’agriculture intensive qui fournit de nombreuses pistes pour adopter un nécessaire profil de néo-consommateur compatible avec l’alterdéveloppement (2), terme souvent préféré à celui « officiel » mais plus ambigu de « développement durable ». Reste que ce dernier terme a le mérite de proposer depuis le rapport Brudland (1987) une définition générale connue du « DD » qui est « le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
Ce discours juste du « consom-acteur » tend souvent (pas toujours) à valoriser une perspective exclusivement individuelle et focalisée sur le versant consommation en ignorant l’autre face : la production et la distribution . Il propose aussi parfois en filigrane, lorsqu’il porté par les décroissants, une philosophie de la consommation issue d’Eric Fromm (3) : S’affranchir du désir d’avoir et retrouver le plaisir d’être. Or cette philosophie n’est pas aussi misérabiliste qu’il y paraît car elle est socialement plus aisément pratiquée lorsque l’on dispose d’un avoir suffisant pour subvenir à ses besoins fondamentaux, lesquels sont variables selon les pays et l’état de leur développement. C’est donc lorsque l’on dispose du nécessaire en toute quiétude, de façon sécurisée, que l’on peut décider librement de se désencombrer de biens inutiles, de consommer bio (plus cher), de choisir de bons engrais pour son jardin, etc...
Ces pratiques sociales utiles ne constituent pas pour autant une politique alternative à la croissance capitaliste qui privilégie massivement la logique du profit des entreprises et la surpossessivité des dirigeants et des riches contre la logique de besoins des prolétaires, ceux qui disposent de moins de 2600 à 3000 euros par mois selon la situation de la personne. Une personne seule en charge d’une famille nombreuse peut n’avoir que peu d’économie en fin de mois avec 3200 euros par mois. Il importe donc d’œuvrer à une forte redistribution des richesses qui frappe tous ceux au-dessus de 3000 euros par mois en commençant par les plus riches. Et si les prolétaires doivent eux aussi participer à un quelconque impôt alors il convient de s’assurer qu’outre les riches les entreprises participent fortement à l’effort redistributif surtout quand celui-ci est sensé avoir aussi des vertus écologiques.
Pour autant, contre une sorte d’anti-économisme frustre ou primaire (4) il faut se garder de poser une conception qui confond l’économie capitaliste ou l’économie marchande avec l’économie sans adjectif. « La crise climatique est bien plus qu’une crise environnementale, elle est une crise de la domination de l’économie (sans adjectif) sur l’ensemble de la vie sociale et politique, domination que le néolibéralisme a porté à son extrême en en faisant un véritable projet politique » (5 p3) Ce que le néolibéralisme a porté à son extrême ce sont la financiarisation, les privatisations et la marchandisation du monde via les processus de libéralisation des tendances existantes de l’économie capitaliste.
Dés lors retrouver le plaisir d’être ne peux pas passer seulement par une réflexion sur nos relations interindividuelles qui sont certes importantes. Il importe de changer voire d’abolir les rapports sociaux au sein desquels nous sommes nécessairement pris . Ainsi les rapports marchands (accès aux produits et services marchands) et le rapport de service public (accès aux biens à tarif réglementé) sont bien de nature différente. Le premier doit être circonscrit et réglementé pour diminuer sa porté négative. Le second doit être démocratisé de deux façons via le mécanisme d délégation et via l’intervention citoyenne directe.
Retrouver le plaisir d’être, c’est penser et agir – nous y revenons - sur les rapports hommes-femmes dans des cadres divers (violence, amitié, amour, relations charnelles autres) et par suite logique sur les questions du patriarcat, du machisme, de l’intégrisme, de la laïcité, du racisme. Toutes ces questions là relèvent de l’émancipation de l’être par rapports aux conditionnements aliénants qui ne sont pas uniquement le fait de l’avoir.
Christian DELARUE
(*) Croissance de la valeur d’usage comme première et insuffisante approche. cf conf de sept 2005 : Altercroissance/alterdéveloppement : de la critique du mal-développement aux pistes alternatives.
Plus récemment : Quel productivisme ? Quelle décroissance ?
Notes :
1. La plaquette d’ATTAC 44
2. Alterdéveloppement : Une autre économie orientée vers le développement humain - Christian Delarue
3. « Etre ou avoir » tel est le titre de l’ouvrage d’Eric Fromm. Un ouvrage riche mais qui peut être interprété selon une conception globalisante et misérabiliste du monde. Une telle conception est injuste socialement et nuisible pédagogiquement car elle induit une résistance à l’observation de justes préceptes de vie pour la consommation . En effet, « choisir d’être » ne signifie pas dépossession maximale, dépouillement christique et dans la société capitaliste apologie du misérabilisme politique adressé par les riches aux moins riches. Il s’agit sans doute de se désencombrer des biens inutiles. Mais c’est là une délibération individuelle ou familiale et non une injonction sociale. Par contre si l’humain est fondamentalement social alors le choix d’être portera sur l’amélioration du relationnel et sur l’émancipation des rapports sociaux de domination ou d’oppression.
4. Conclusion de « L’économie, les économistes et la démocratie » dont le sous-titre plus explicite est « l’économie dominante, les économistes orthodoxes et l’oligarchie qui nous gouverne ». Christian Delarue
5. Une autre plaquette d’ATTAC - Libérons le climat des marchés financiers -