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La « rue » complément des « urnes ». C Delarue

dimanche 21 août 2011, par Amitié entre les peuples

La « rue » complément indispensable des « urnes ».

Critique « Du bon usage de l’idée démocratique  » de Sylvain Reboul (un fan de Ségolène Royal) sur Agoravox

Il y a une raison profonde à cette crise de la représentation inhérente à la procédure même de la représentation : celle qui oblige les représentants dit Sylvain Reboul à « se dégager des passions collectives particulières pour gouverner dans un sens favorable à la justice « par-dessus les factions et les partis » en vue d’un hypothétique intérêt général... »

 De l’usage des catégories abstraites.

Notons d’abord que les « représentants » ne sont que des « délégués », des « élus sans mandat impératif ». Ensuite, de quelles « passions collectives particulières » s’agit-il ? Plutôt flou comme notion. Enfin, y a-t-il un sens de la justice commun entre la classe dominante qui représente moins de 5 % de la population et le peuple-classe qui représente les 95 % restant. Sylvain Reboul ne semblent pas (ou très peu) évoquer les classes sociales et la classe dominante subjective et objective au-dessus du peuple-classe.

Quand à l’intérêt général, il n’est pensable en France que dans le cadre du droit administratif et uniquement lorsque les activités de service public viennent satisfaire les différents besoins sociaux du peuple-classe (qui représente 92 à 95 % de la population) et non la logique de profit et de solvabilité à l’instar des entreprises privées capitalistes. Les intérêts de la finance sont contradictoires avec l’Etat social qui en quelque sorte la « chose » du peuple-classe. La finance veut le privatiser et le marchandiser et donc le détruire alors que les différentes couches du peuple-classe entendent le préserver notamment en temps de crise. La contradiction n’a jamais été aussi forte.

 La représentation comme détournement. Lequel ?

Effectivement, comme le dit Sylvain Reboul « la procédure de la représentation est toujours menacée de détournement au profit d’une couche politique ayant des intérêts de pouvoir propres« . Notre auteur n’est qu’à moitié lucide. Car le »détournement" n’est pas une menace mais une réalité.

Vers ou porte ce « détournement » ? L’éloignement des élus par rapport aux citoyens se remarque au fait qu’ils s’octroient de meilleurs revenus quand une majorité de salariés connaissent le déclassement social, l’austérité salariale et des services publics au rabais. En même temps qu’ils s’éloignent des différentes couches populaires, et pas simplement des plus pauvres, ils se rapprochent fortement des plus riches et de ceux qui disposent de plus de pouvoirs économiques dans la société. Les grands élus forment de plus en plus une caste ploutocratique.

La science politique qui depuis Machiavel se préoccupe du rapport des élites au peuple la nomme oligarchie. La ploutocratie est une forme d’oligarchie fondée sur les hauts revenus, les gros patrimoines. S’agit-il d’une fatalité ? Ne peux-t-on résorber la fracture entre l’élite et le peuple ? C’est possible pour peu que des propositions en ce sens soient présentées aux citoyens.

 La « rue » comme « contre-démocratie » ?

Il poursuit : « un tel détournement peut conduire les citoyens à se détourner à leur tour de la vie politique, voire à contester plus ou moins violemment l’idée même de représentativité au profit d’une contre-démocratie de la rue ». Quand le gouvernement ne s’exerce pas pour le peuple mais pour la minorité d’en-haut il y a fort à parier qu’une forte critique se fasse entendre dans la rue. Cela se nomme résistance à la spoliation.

Cette résistance peut être révolutionnaire ou réformiste mais peut importe ici cette différence car il s’agit de sortir de la crise au profit du plus grand nombre et d’aller soit vers un autre monde (autogestionnaire) soit vers un monde meilleur (moindre écart oligarchique). Dans les deux cas « la rue » est le complément indispensable de la démocratie élective. Elle permet une meilleur citoyenneté plutôt que l’inverse. Elle permet précisément de combler l’écart oligarchique élus/citoyens en faveur d’un rapprochement plus démocratique.

Par ailleurs, une démocratie qui interdit « la rue » et ses manifestations est une dictature. Ici je pense que l’auteur en sera bien d’accord . Mais le fait est d’importance. Regardons le Portugal de Salazar, l’Espagne de Franco, la France de Pétain, l’Ialie de Mussolini, la Grèce des « colonels » pour ne rester que dans notre proximité territoriale.

 Le populisme du « centre » contre les extrêmes confondues.

Les élites définissent souvent le populisme du point de vue du « centre » (1). Et que fait Sylvain Reboul ? Il évoque pareillement « le refus extrémiste, de gauche ou de droite, de la démocratie ». Comme si le populisme de droite et celui de gauche était identique ! Venant de gauche, à fort contenu social, il ne s’agit pas d’un refus ! Il s’agit d’améliorer et d’étendre la démocratie au lieu de la laisser pourrir sous la forme d’une « gouvernance » oligarchique pour ne pas dire « de classe » et de plus en plus autoritaire. Un saut qualitatif est pensé ou pensable quand la démocratie pénètre dans l’entreprise et dans les appareils d’Etat, quand l’autogestion prend forme.

 La démocratie est dans son essence démocratisation (G Lukacs).

Venons-en à la critique de sa vision dominante . De quelle démocratie parle-t-il ? Il s’agit de la vielle démocratie libérale très restreinte à l’origine - censitaire et sans les femmes - mais qui a été constamment étendue par le mouvement ouvrier précisément contre les élites et la classe dominante.

Lorsque les femmes ont conquis de par leurs luttes le droit de participer comme citoyennes au choix des chefs il y a eu en quelque sorte une « alterdémocratie » pour l’époque. Autrement dit un saut qualitatif (positif) a été franchi. Il reste à approfondir pour qu’il y ait plus de femmes dans les instances de décisions comme il devrait y avoir plus d’ouvriers et employés. Il y a là une piste pour modifier la nature du Sénat. Certains préconisent même d’insuffler une part de tirage au sort. L’idée fait débat évidemment. Mais l’inventivité et le débat sont nécessaires face à la sclérose des institutions démocratiques. Les indignés ne sont pas dans la rue pour rien ! Ils ne font pas tous les mêmes propositions mais l’idée est bien plus de démocratie et plus de social. Beaucoup plus.

La démocratie est bien un combat pour son extension qui est loin d’être achevé ! La classe dominante ne veut qu’une démocratie rabougrie sans aspérité, sans la « rue », sans les grèves et manifestations, sans résistance face à son pouvoir, face à « sa guerre de classe » . La démocratie-oligarchie (de Sarkozy ou des principaux ténors du PS) sert beaucoup trop la classe dominante et sa fraction financière pour ne pas laisser place à une alternative qui respire le socialisme démocratique et non le « socialisme de caserne ».

 Le changement démocratique fait partie de l’alternative sociale !

De la crédibilité de cette alternative de société, notamment à l’égard des couches moyennes qui ont peur du déclassement social, dépend le reflux du populisme ethno-nationaliste d’extrême-droite. Le PS ne présente pas vraiment une alternative avec un Etat social et démocratique fort. Le PS se présente aux élections grâce à une sorte de rente de situation médiatique issue de sa propre oligarchie partidaire. Mais pour une véritable alternative sociale, démocratique et écologique c’est ailleurs qu’il faut regarder.

Christian DELARUE

1) Lire une excellente étude de 7 pages qui figure sur le web :
Populisme du peuple ou populisme des élites ? par Alfio Mastropaolo