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La finance « offshore » contre l’humanité-classe. C Delarue

vendredi 30 avril 2010, par Amitié entre les peuples

La finance « offshore » contre l’humanité-classe.

NB : L’humanité-classe rassemble les peuples-classe de la planète soit l’immense majorité de l’humanité prise dans un immense rapport social mondial d’assujettissement et de domination. (Delarue 2010)

http://amitie-enre-les-peuples.org/spip.php?article1062

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Plus que les paradis fiscaux au sens strict c’est l’ensemble de la finance « offshore » (1) qu’il importe de dévoiler et de combattre. La défense de l’intervention publique fiscale et judiciaire complète la défense des droits sociaux dont le code des pensions des fonctionnaires et la retraite par répartition des travailleurs du privé sont des éléments clés.

La finance n’est pas tout à fait le monde à part qui nous est présenté d’une part car elle tire ses surprofits de l’exploitation salariale mais aussi par sa collusion avec les milieux mafieux via les places « offshore ». On dépasse le stade de la délinquance financière en col blancs pour longer dans la criminalité mondialisée.

La finance offshore est celle placée hors des frontières de la politique formelle, de la démocratie, du contrôle et du droit. Ce sont les « paradis fiscaux » dans la mesure ou le fisc n’y porte aucune investigation et ou les dépôts de fond des firmes transnationales y trouvent les meilleurs garanties de protection. Ces places « offshore » sont aussi des paradis bancaires à cause de l’anonymat et du secret des transactions. Les voir comme des paradis judiciaires (hors contrôle d’un juge) est exact mais plus que cela ce sont des « paradis juridiques » car c’est tout le droit qui est instrumentalisé pour protéger cette finance cachée et derrière toutes les activités occultes et illégales.

Ce qui signifie que l’on aurait tort de ne voir les « paradis fiscaux » que comme de simples dépôts protégés du fisc. D’une part ces paradis n’investissent dans aucune dépense d’intérêt général, ce qui favorise le dumping fiscal et social, d’autre part et complémentairement, ces fonds participent à de multiples activités illégales et même criminelles comme le recyclage de l’argent de la drogue, de la prostitution, du trafic d’armes, etc. Le terme de recyclage ou de blanchiment signifie que l’argent sale est tout autant à l’entrée qu’à la sortie des paradis fiscaux. Au centre du circuit se trouvent des « sociétés écrans » qui cachent l’identité des administrateurs et des « banques coquilles » qui ne sont que des boites aux lettres sans personnel.

Ce monde emploie une armée d’expert-comptables et de juristes pour construire des montages visant à camoufler leur prédation contre l’ensemble de l’humanité-classe et de la planète-nature. Science sans conscience n’est que ruine… des peuples

1 - L’offshore n’est pas un monde à part.

Citons Alain Deneault dans son livre sorti ce mois d’avril 2010 (1) pour appuyer notre propos : Il critique ainsi le fait de « Limiter le phénomène offshore à la seule idée négative d’un ailleurs de la finance où fuient les capitaux et s’évadent ses titulaires, comme si cet exode ouvrait sur des économies parallèles qu’on s’entête à présenter comme marginales et anormales. Ces métaphores ne saisissent pas la réalité des paradis fiscaux, celle d’assises politiques positives et souveraines qui se déploient offshore et concentrent la moitié du stock mondial d’argent. Les fonds amassés là ne sont plus à concevoir tels des bas de laine de financiers rapaces et de filous de la grande industrie, qu’on planquerait à la façon des pirates, jadis, enfouissaient leurs trésors dans les îles.../... Au contraire, cet argent »travaille" : sans entrave aucune dès lors qu’il est comptabilisé offshore, sans réglementation syndicale ni professionnelle, sans mesures environnementales, sans supervision bancaire, sans encadrement boursier, sans contrôle réel sur les nombreux trafics, sans connaissance des ayants droits des sociétés privées et bien sûr sans fisc. (p8)

2 - Proximité des escrocs de la finance avec la mafia : L’évasion fiscale n’est que l’écume de l’activité offshore.

A Deneault poursuit « S’en tenir au problème offshore exclusivement en termes d’évasion fiscale, c’est faire l’impasse sur la façon dont ces fuites financières permettent précisément le financement d’organisations, de sociétés, d’acteurs, ainsi que des structures par lesquelles il devient de plus en plus aisé pour eux de dominer les Etats de droits et de mener hors la loi leurs politiques privées. Frauder le fisc ne se résume plus dès lors à économiser des coûts mais consiste à mettre à mal le financement des institutions publiques, et par conséquent la notion même de bien public, pour constituer offshore des pôles de décision occultes sur les questions d’envergure historique ».

3 - L’offshore à Paris.

La finance offshore ne se réduit pas aux îles et autres pays connus pour être des « paradis fiscaux et bancaires. La juge Eva Joly (2) estime que la moitié des quarante sociétés et institutions financières les plus importantes à Paris »opèrent sur des marchés où les pratiques répétées de corruption, de commissions occultes et de rétro-commissions ont été observées et reconnues par les principaux intermédiaires« et que »la moitié de nos grandes entreprises françaises sont donc directement et quotidiennement confrontées à la délinquance financière"

4 - La gouvernance offshore .

La souveraineté offshore est fondée sur une gouvernance clientéliste qui met en rapport les Etats et la clientèle des paradis fiscaux à savoir les banquiers, investisseurs, assureurs, industriels, trafiquants, armateurs et notaires souhaitant développer des activités affranchies du droit qui sont aussi des opérations de blanchiment de l’argent sale. La haine de la démocratie va de pair avec l’enfer social de ces lieux. Cette gouvernance participe à l’élaboration de textes via des lobbies comme la European Round Table pour l’Europe qui du fait de sa structure démocratique faible et de l’orientation des élus (de droite) est un terrain propice aux mesures de libéralisation des règles sociales, fiscales et environnementales.

5 - Les soft paradis fiscaux ?

Le GAFI organisme intergouvernemental (4) a établi une liste noire des « paradis fiscaux » qui in fine a conforté l’existence des paradis fiscaux en hors liste (les gris). Le Forum de la Stabilité financière (FSF) soutenu par le G7 et le FMI a établi des « règles de bonnes pratiques » qui sont laissées à la libre appréciation et application de la finance offshore. La liste a été dressée dans la plus grande opacité, comme de coutume dans le milieu. Par ailleurs, elle a son siège à Bâle en Suisse un grand paradis fiscal. La liste noire a été supprimée.

6 - Argent et moindre scrupule selon Georg Simmel.

Scrupulum c’est le petit cailloux qui gêne dans la chaussure et qui empêche de marcher. C’est aussi ce qui empêche de transgresser des règles sociales ou individuelles. Ces transgressions sont cependant plus aisées dans les relations abstraites que dans les relations concrètes. G Simmel précise : « Ainsi, des personnes par ailleurs d’une grande honorabilité personnelle ont pris part aux »fondations de sociétés« les plus opaques, et bien des gens sont enclins à se comporter avec beaucoup moins de conscience morale et de manière plus louche dans de pures affaires d’argent que lorsqu’il s’agit de faire quelque chose de douteux éthiquement dans d’autres relations » (5).

Christian Delarue

1) in OFFSHORE Paradis fiscaux et souveraineté criminelle par Alain Deneault , ed La Fabrique

2) in Notre affaire à tous Les arènes 2000

3) En comparaison lire : OCDE / Les critères des paradis fiscaux

http://www.paradisfj.info/spip.php?article1403

4) Qu’est-ce que le GAFI ?

5) in L’argent dans la culture moderne Presses de l’Université de Laval

Les classiques sur la question
OXFAM : Les paradis fiscaux : questions-réponses

http://www.oxfamfrance.org/evasionfiscale/questions_reponses_paradis_fiscaux.php

* - Délinquance financière et blanchiment des capitaux

Mission d’information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe (11 avril 2002)

http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/blanchiment.asp

Le capitalisme clandestin. L’illusoire régulation des places offshore par Thierry Godefroy et Pierre Lascoumes ed La Découverte 2004

Les paradis fiscaux par Christian Chavagneux et Ronen Palan ed La Découverte 2006