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Il y a 10 ans naissait l’antimondialisme contre un nouvel impérialisme. C Delarue

mardi 1er décembre 2009, par Amitié entre les peuples

Il y a 10 ans naissait l’antimondialisme contre un nouvel impérialisme

Retour sur notre passé et sur quelques articles « repères ».

nb : Antimondialisme concerne ici un très vaste mouvement général hétérogène, avec ses contradictions qui éclateront rapidement entre altermondialistes et anti-mondialistes.

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Si ATTAC est né en juin 1998 à la suite d’un article d’Ignacio Ramonet de décembre 1997 (1) l’antimondialisme est lui véritablement né à Seattle en fin novembre 1999 . Après le rejet de l’AMI (2) un mouvement de refus s’affirme pour dire « stop » à la « marchandisation du monde » mise en place par l’OMC née en avril 1994. Il y a dix ans Susan George écrivait son article sur Seattle dans le Monde diplomatique (3).

Quel antimondialisme ? Ce mouvement de contestation n’est pas très majoritairement de facture nationaliste d’extrême-droite mais anti-marchandisation et anti-privatisation. Ce n’est pas le commerce entre nations qui est contesté même si des relocalisations sont pensés comme nécessaires . Ce qui est critiqué c’est la soumission autoritaire de plus en plus de biens et services à la commercialité d’abord puis à la finance ensuite. Il faut en conséquence et à minima « remettre l’OMC à sa place » c’est à dire sous les ordres de l’ONU. Ensuite faire prévaloir un autre contenu . La gestion publique des biens publics devrait avoir une reconnaissance qu’elle n’a pas suffisamment. La perspective de lutte contre le triptyque « privatisation, marchandisation, financiarisation » se déploie du local au mondial et à tous les niveaux intermédiaires au plan national et continental (européen ici).Tout ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers est à remettre à l’endroit dira la Fondation Copernic.

Ce mouvement de fond né à Seattle n’a pas tout inventé. Déjà en 1994, naissait le mouvement zapatiste (4) véritable fondateur de l’altermondialisme par les valeurs positives qu’il portait d’emblée dans sa résistance au néolibéralisme. En Europe le mouvement a pris la suite des mouvements anti-G7 de 1789 et de 1996 à Lyon (5). Ce n’est qu’ensuite que l’on parlera d’altermondialisation, une altermondialisation qui néanmoins conservera ses fermes refus d’une mondialisation privatiste et marchande qui enrichie les riches de tous les pays et appauvrit les peuples-classes de la planète et pour un autre monde constructeur de services publics et protecteur des biens communs dans divers domaines, qui protègent aussi les conditions de travail des salariés face aux firmes multinationales, favorisent la démocratie.

Quel est ce nouvel impérialisme ? Certains le nomme mondialisation capitaliste et impériale pour souligner le changement. . L’impérialisme qui a pris la suite des indépendances à la fin des années 60 lâchait les rapports de pouvoirs coloniaux visibles mais renforçait en sous-main une domination multiforme économique, sociale, culturelle, militaire et politique qui a été portée contre les peuples du tiers-monde mais pas frontalement contre les couches moyennes occidentales. Le « nouvel impérialisme » des années 90 n’est qu’un cran de plus dans la mondialisation marchande : elle étend plus systèmatiquement encore ses privatisations et libéralisations contre les pays du nord après l’avoir fait au sud. C’est là le principal changement. Les couches moyennes subissent ses politiques au sein de la Triade (USA, Europe, Japon). Au plan strictement économique c’est difficile à percevoir . On voit néanmoins, d’après la courbe de Duménil et Lévy dans Economie marxiste du capitalisme (Repères 2003) qu’une seconde montée vertigineuse des profits démarre en 1988 pour sortir de la crise de rentabilité du capital (O Castel) mais les graphiques du même ouvrage mis en perspective par Jean-Marie Harribey (6) montre que l’accumulation du capital prend son envol en 1978/79 sous le régne Reagan-Thatcher. En somme à partir de 1990 le capital transnational attaque plus durement encore et partout ! Ce n’est pas un tournant c’est une accélération-extension. Mais il y a des résistances.

I - Qui subi ces politiques impériales ?

Le « sud » principalement ; mais il y a du SUD PARTOUT ! Au sud mais aussi au nord !

En l’espace d’ une quinzaine d’années un appauvrissement a frappé l’Afrique et l’Amérique latine (7). On peut dire qu’une forme d’impérialisme dit néolibéral s’est affirmé en théorie et en pratique au début des années 90. On voit nettement depuis deux ans que la force destructrice du néolibéralisme porte non seulement contre les peuples-classe du sud mais aussi contre les peuples-classes du nord. Une seule classe en est bénéficiaire la bourgeoisie internationale et notamment celle de la triade et plus récemment celle des BRIC (8). Il n’y a donc pas que les paysans et salariés du sud qui subissent les effets des politiques impériales il y a aussi les travailleurs du nord les salariés du privé et du public et les agriculteurs. C’est ainsi qu’apparurent les notions de multitudes et pour ceux qui ne voulaient abandonner le mot peuple il y eu la notion de peuple-classe pour donner un nom à cette fraction de peuple qui dans chaque pays subie la mondialisation impériale. Elle trouve sa justification dans le fait de l’appauvrissement relatif des couches moyennes au nord et de l’enrichissement des bourgeoisies partout.

Une nouvelle configuration du monde du nouvel impérialisme : Peu à peu un monde inégalitaire et hiérarchisé se construit sous la forme « il y a du nord au sud et du sud au nord ». Il s’agit d’une formule pédagogique bien utile qui néanmoins euphémise le clivage dans chaque pays de la planète entre une bourgeoisie et son peuple-classe. Il y a toujours eu du sud au nord mais l’existence de couches moyennes aisées bien intégré et stabilisé dans le capitalisme social empêchait de parler de peuple-classe aussi nettement que maintenant. On évoquait alors, outre les chômeurs moins nombreux qu’aujourd’hui (9), la classe ouvrière de l’industrie puis on y ajouta les employés du privé et les techniciens. Aujourd’hui les syndicats de salariés y compris la CGT pour la France syndicalisent aussi les cadres tant du privé que de la fonction publique. Ce ne sont pas les plus actifs dans les grèves et manifestations. Le haut encadrement n’est guère cotisant à la CGT. Ce qui change aussi c’est le fait que des paysans et des travailleurs indépendants subissent frontalement la marchandisation impériale. On ne peut l’ignorer. C’est le mérite de l’anti et altermondialisme et d’ATTAC d’avoir permis la rencontre de deux composantes du peuple en lutte : le salariat et les paysans. Auparavant les deux syndicalismes s’ignoraient. Il faut ne pas oublier que la paysannerie se dote en mai 1993 d’une organisa tion représentative mondiale nommée Vía Campesina. Dans de nombreux pays les paysans sont encore nombreux.

Aujourd’hui le peuple-classe avec ses travailleurs salariés et ses travailleurs indépendants, nationaux ou non, représente en quelque sorte le sud de tous les pays de la planète. Le peuple-classe c’est le peuple dirigé, dominé et assez largement celui qui subit les politiques pro-capitalistes. Il est le peuple moins la classe dominante. Pour s’émanciper, il doit s’unir. Cela arrive parfois comme lors de l’élection du 29 mai 2005 qui refusa le projet de traité constitutionnel européen.

II - Qui les mène ?

Le NORD PARTOUT : Comme le sud, le nord n’est pas que géographique, il est surtout une classe sociale.

Une classe dominante et agissante partout sur la planète. Il y a politiquement deux sortes de bourgeoisie, celle qui planifie les libéralisations au plan mondial et celles, dites compradores, qui les appliquent en émargeant à la mondialisation marchande. La bourgeoisie se compose socialement d’une fraction passive - les rentiers - qui mènent une activité de réseau pour accroitre leurs privilèges : ils téléphonent, dînent, rencontrent leurs serviteurs avérés ou potentiels : les journalistes, les économistes, les hauts fonctionnaires. Il y a la fraction active - les capitalistes - qui s’activent techniquement dans la finance, les fusions d’entreprises, l’extension des marchés, etc. La séparation n’est évidemment pas stricte et formelle.

Les acteurs de l’impérialisme : Les acteurs permanents économico-politiques sont « Le trio BM, FMI , OMC » (10) plus les directions proprement politiques que sont le G7 depuis 1975 devenu G20 ensuite (11). Depuis plusieurs années déjà la BM et le FMI menait contre les peuples du sud de sévères politiques d’ajustement structurel. L’impérialisme néolibéral a pour fondement théorique le « Consensus de Washington » de 1990. Il s’appuie sur les grandes organisations financières et marchandes qui se renforcent hors de la sphère onusienne.

Alors que la CNUCED et le PNUD relèvent de l’ONU qui respecte la règle 1 Etat = 1 voix, la BM et le FMI sont des institutions financières internationales soumises aux grandes puissances de par la règle 1 dollar = I voix. Le FMI et la BM ont connu une longue dérive qui les ont fait passer d’outil pour la stabilisation des changes et pour la reconstruction à des outils au service des firmes multinationales et des banques de la triade. Entre temps il y a toute une série d’évènements transformateurs de la doctrine de ces IFI. D’abord il y a eu la suspension de la convertibilité du dollar en or en 1971 par les USA ;. Cela a débouché sur un flottement des monnaies pendant trois ans de 71 à 73. ¨Pendant cette période le taux de change des principales devises n’était plus déterminé par les banq,ues mais par le marché. C’est le premier acte de libéralisation. Le second évènement se rapporte aux libéralisations financières de Reagan et Thatcher au début des années 80 suivies par celles de Delors en 86 pour l’institution d’un marché unique en Europe (Acte unique européen) et de Bérégovoy la même année pour la France. De 1986 à 1994 se tinrent les négociations du Cycle d’Uruguay qui donna lieu à la naissance de l’OMC en 1995. Au début des années 90 une troisième étape se concrétisa avec le Consensus de Washington forgé par John Williamson qui débouchent sur la généralisation et un durcissement des plans d’ajustement structurel dit PAS dans les pays du Sud. Les PAS sont anciens mais les politiques menées sont plus dures qu’auparavant. La guerre économique impériale est ouverte contre le sud au moment même ou le campisme Est -Ouest tombe avec la chute du mur en 89 et la fin de l’URSS en 91. L’Union europénne n’est pas restée neutre dans cette dynamique de mondialisation du capital . Elle a participé à l’offensive pour maintenir son rang, notamment en Afrique, Caraïbes, Pacifique.

Christian DELARUE
Altermondialiste.

1)Dans le Monde diplomatique Ignacio Ramonet appelait à « désarmer les marchés ». La crise financière qui venat de frapper quelques pays d’Asie avait plongé dans la misère de nombreuses personnes.

Décembre 1997/Décembre 2007 : désarmons la bourgeoisie !

2) AMI ou l’accord multilatéral sur l’investissement négocié dans le cadre de l’OCDE à l’insu des citoyens
lire l’article majeur de Lori M Wallach dans le Monde Diplomatique du 1 fev 1998.Le nouveau manifeste du capitalisme mondial

http://www.monde-diplomatique.fr/1998/02/WALLACH/10055

IL faut remonter aux traités coloniaux les plus léonins pour trouver exposés avec autant d’arrogance dominatrice que dans l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) les droits imprescriptibles du plus fort - ici, les sociétés transnationales - et les obligations draconiennes imposées aux peuples. A tel point que les négociateurs gardent le secret sur un texte, élaboré au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que le gouvernement français s’apprête à signer, si l’on en croit le communiqué des services du premier ministre du 7 janvier selon lequel / « les règles de l’AMI contribueront à assurer la solidité du cadre juridique des échanges »./

3) La publication de Susan George dans le Monde Diplomatique en nov 1999.
FUITE EN AVANT DANS LA « MARCHANDISATION »
Le commerce avant les libertés

Le gouvernement français et ses partenaires de l’Union se sont mis d’accord sur un mandat de négociation donné au commissaire Pascal Lamy pour la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce mandat peut se résumer ainsi : d’accord pour une libéralisation tous azimuts des échanges, mais avec quelques clauses restrictives sur le respect de la diversité culturelle, du principe de précaution et d’un dialogue avec l’Organisation internationale du travail (OIT) sur des normes sociales minimales. C’est signifier que le libre- échangisme doit demeurer la règle et les dérogations l’exception. Le bilan néfaste de cinq années de déréglementation du commerce depuis les accords de Marrakech de 1994 devrait conduire à contester les principes mêmes qui régissent l’OMC. Cette remise en cause, que l’Europe refuse, est voulue par des millions de citoyens de la planète, qui se mobilisent, notamment en France, et, sur place, à Seattle.

http://www.monde-diplomatique.fr/1999/11/GEORGE/12658

Les 10 ans peu reluisants de l’OMC
de Claude Vaillancourt

http://www.attac.org/fr/blogs/claude-vaillancourt/6-11-2009/les-10-ans-peu-reluisants-de-lomc

4) Avec Josep Maria ANTENTAS et Esther VIVAS ont peut dire que « le soulèvement zapatiste a marqué symboliquement le début d’un nouveau cycle international de luttes et de contestation du « nouvel ordre mondial » proclamé par Bush père en 1991 pour définir la réorganisation du monde consécutive à la chute du Mur de Berlin en 1989 ; à la première guerre du Golfe en 1991 et la désintégration de l’URSS » Lire ici :L’insurrection zapatiste au Chiapas, 15 ans après.

http://www.legrandsoir.info/L-insurrection-zapatiste-au-Chiapas-15-ans-apres.html

5) 1996 Sommet des sept résistances Bernard Dréano
http://www.reseau-ipam.org/spip.php?article1028

6) Jean-Marie Harribey Rupture -tournant
http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/soutenabilite/cesr.pdf

7) Pauvreté dans les pays du tiers-monde a fait l’objet d’une schématisation parlante connue sous le nom de « coupe de champagne ».
Lire Les destins du tiers-monde de Thomas Coutrot et Michel Husson publié en 1993.

17 octobre et misère : Le second fossé de la paupérisation partout.

http://www.legrandsoir.info/17-octobre-et-misere-Le-second-fosse-de-la-pauperisation.html

8) BRIC - Brésil, Russie, Inde, Chine
La perception du droit positiviste international qui ne connait que les Etat est critiqué notemment avec la formule : Il y a du « Sud au Nord » et du « Nord au Sud ». C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article807

9 ) En 1974 Gattaz évoquait les 400 000 chômeurs en France.

10) Lire ici « Le trio FMI - Banque mondiale - OMC » par Eric TOUSSAINT
http://www.cadtm.org/Le-trio-FMI-Banque-mondiale-OMC

Où en est la Banque mondiale ?
Un texte de Damien MILLET et Eric TOUSSAINT
Un autre de Jacques COSSART

http://www.france.attac.org/spip.php?article7054

11) Le G8, un club de riches très contesté par Gustave MASSIAH
http://www.monde-diplomatique.fr/2003/05/MASSIAH/10124