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Décroissance ou alterdéveloppement

vendredi 15 août 2008, par Amitié entre les peuples

Décroissance ou alterdéveloppement

Bernard GUIBERT

Congrès Marx international section écologie octobre 2007

http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/cm5/m5ecolo.htm#1

« Le vieux se meurt et le neuf n’est pas encore né ».

Introduction : la mondialisation économique mise en perspective historique

En quoi le développement peut-il être un alterdéveloppement sinon une décroissance ?

Le productivisme se meurt. Le productivisme c’est la croissance du PIB pour la croissance du PIB. C’est là la forme fétichisée de l’accumulation du profit pour le profit, elle-même forme fétichisée du mode de production capitaliste, dont l’irrésistible ascension a commencé il y a à peine un peu plus de deux siècles. Le productivisme se meurt.

Ce que Marx appelait « la loi et les prophètes » : « Accumulez ! Accumulez ! » et Guizot : « Enrichissez-vous ! Enrichissez-vous ! », ce fantasme délirant de toute-puissance se heurte aux limites naturelles de la planète et aux révoltes de plus en plus explosives des laissés-pour-compte du Tiers-monde.

La croissance se meurt donc.

Mais le neuf, la décroissance conviviale, la frugalité heureuse du vivre ensemble, n’est pas encore né.

Entre les deux, ni développement, ni décroissance conviviale, se perpétue dans une demi obscurité « l’alterdéveloppement », la forme provisoire du compromis entre notre aspiration à échapper aux catastrophes sociales et écologiques et le principe de réalité qui nous fait courber la tête devant les fourches caudines de la dictature médiatico-sondagière du capitalisme financier planétaire.

Pour que le développement de chacun soit vraiment « alter », il faut qu’il devienne synonyme de décroissance des addictions économiques collectives.

Telle est ma thèse en résumé.

Ma grille d’analyse est la même que celle de Jean-Marie Harribey.

Notre outillage conceptuel commun pour analyser sérieusement et même scientifiquement l’histoire des sociétés contemporaines à long terme est une problématique marxienne.

Marxienne et non marxiste. Pour aller vite, pour moi, comme pour Jean-Marie Harribey certainement, le marxisme, la langue de bois qui est devenu le fétichisme du socialisme réel, est une caricature de la pensée marxienne comme outil irremplaçable d’analyse historique de nos sociétés contemporaines. Cette caricature de la pensée marxienne, le marxisme dogmatique est en d’autres termes le « stalinisme » qui a régné entre 1923 et 1989.

Le règne du marxisme entend que caricature criminelle de la pensée marxienne, en particulier chez les partis révolutionnaires, coïncide historiquement avec le petit 20e siècle. Je fais allusion ici à l’historien britannique « marxien » Éric Hobsbawm lorsqu’il pose que le « petit 20e siècle » a commencé en 1914 et s’est terminé en 1989 avec la chute du mur de Berlin.

Ceci permet d’éclairer la conjoncture actuelle. Elle est la rencontre de deux fins de cycle. Selon un cycle historique long, qui correspond à deux cycles de Kondratieff si on veut, nous vivons l’agonie du petit 20e siècle. Ce XXe siècle a été la succession de deux guerres, la « nouvelle guerre de 30 ans » entre 1914 et 1945, ou encore la « guerre civile européenne » (de 30 ans) du XXe siècle, et la « guerre froide » de pratiquement un demi-siècle entre 1945 et 1992. Cette deuxième fin de cycle est celle de levée définitive de l’hypothèque que faisait peser le « socialisme réel » sur le mouvement d’émancipation de l’humanité.

La deuxième fin de cycle est interne à la sphère politique des démocraties occidentales, de la France notamment. Elle correspond à la fin de la « démocratie de parti » (la démocratie représentative à travers le Parlement et un mode d’élection à peu près proportionnel de représentants sélectionnés par des partis politiques) et au basculement dans la « démocratie d’opinion ». Celle-ci n’est pas plus démocratique que la démocratie parlementaire où le pouvoir de la bourgeoisie est relayé par une coalition de partis au service de sa politique de classe. Elle n’est autre que la dictature médiatico-sondagière qu’il ne faut pas confondre avec la « démocratie participative et délibérative » à laquelle tend spontanément tout mouvement d’auto émancipation populaire. On observe ce basculement dans toutes les sociétés capitalistes développées. Elle coïncide avec le triomphe de la contre-révolution néolibérale symbolisée par les noms de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher en Angleterre, puis de Berlusconi en Italie, à nouveau de Toni Blair en Grande-Bretagne et enfin de Nicolas Sarkozy en France.

La fin du premier cycle nous fait-elle revenir simplement à la domination des oligarchies que connaissait le monde capitaliste développé avant la guerre de 14 18 ? Ce serait trop simple. L’histoire ne se répète jamais elle bégaye.

En réalité nous héritons, dans cette France du début du XXIe siècle, de trois cultures politiques de « séparation » relativement distinctes à gauche. La première est celle de la charte d’Amiens qui sépare les syndicats des partis politiques. La seconde est celle du congrès de Tours de 1920 qui sépare les partis réformistes, sociaux-démocrates dans le langage aujourd’hui, des partis révolutionnaires (communistes, puis trotskistes et enfin maoïstes). La troisième culture fait irruption sur la scène médiatique en 1968 avec les thèmes spécifiques du XXe siècle, les « fronts secondaires » qu’examinent avec condescendance les partis de tradition léniniste qui s’autoproclament révolutionnaires, avec principalement d’une part le féminisme et d’autre part l’écologie politique et les révoltes de tous les « sens » (sans travail, sans papier, sans-abri etc.). cette troisième culture est celle de la séparation de la société civile et de la société politique.


I. La mondialisation économique

A. Les traits nouveaux du XXIe siècle par rapport au 19e siècle

La conjoncture actuelle correspond également à un phénomène sans précédent de mondialisation quantitative de toutes les formes du capital. Il y a eu déjà, depuis que le capitalisme existe, des phases d’internationalisation de la production depuis le commerce triangulaire au XVIIe et au XVIIIe siècle jusqu’à la première phase d’émergence du capitalisme financier à la fin du XIXe siècle, conjointement au colonialisme et à l’impérialisme. Mais ce qui caractérise la fin du XXe siècle c’est l’émergence d’une « oligarchie financière mondialisée » relativement unifiée par les firmes multinationales d’un point de vue économique et par le mode de vie de la jet-set du point de vue sociologique, sans contre-pouvoir politique et sans forme d’État congruente avec elle. Désormais règne la « valeur actionnariale » qui réclame un profit financier à deux chiffres (sinon à 15 %) qui « tire » un profit industriel qui ne peut guère dépasser sur le long terme trois à 4 % par an. On a donc assisté à un déplacement quantitatif sans précédent du partage salaires profit. Ainsi la classe des rentiers, contrairement à l’euthanasie que leur avait prédit Keynes après la guerre de 14 — 18, est en train de ressusciter à l’échelle planétaire.

Cette mondialisation amplifie de manière exponentielle des tendances aussi anciennes que le capitalisme mais aussi induit des ruptures qualitatives. Désormais la valeur réclame un profit sans intermédiaire commercial ou industriel. C’est le cycle argent (A-A’) autonomisé à l’échelle de la planète tout entière. Cela se traduit dans le langage des financiers par la « titrisation » des créances commerciales et par l’autonomie et la fluidité à l’échelle mondiale des fonds de pension.

1. Généralisation des rentes à l’échelle mondiale

Comme l’a montré Thomas Piketty (dans sa thèse) on assiste désormais à la résurrection d’un capitalisme rentier où l’argent se féconde lui-même sans voir, sinon très indirectement, que cette valorisation met en place un processus invisible d’exploitation des différentes classes ouvrières des différents Etats-Nations à l’échelle mondiale.

En particulier se développe une économie de services. Il existe désormais une armée de réserve à l’échelle mondiale, essentiellement localisée et concentrée dans les mégapoles des pays du Sud, dans ces immenses banlieues dépourvues de tout équipement collectif et où s’entassent des millions de chômeurs qui ne peuvent survivre que grâce à des économies parallèles, plus ou moins illégales, plus ou moins mafieuses et plus ou moins criminelles. Sur les prolétariats des pays du centre s’exerce un chantage au dumping social et à la délocalisation qui explique le déplacement durable et massif du partage salaires profits aux dépens des salariés.

La forme qualitative du revenu dominant devient celui de la rente. On s’en aperçoit avec la multiplication des bulles spéculatives notamment dans l’immobilier et dans les spéculations sur les matières premières et les stock-options et toutes les sophistications des « marchés dérivés » (valeurs d’options, valeur actionnariale etc.) qui reviennent à « titriser » les prises de risques au point de court-circuiter tout « principe de précaution ». Ceci est un phénomène nouveau par rapport à la mondialisation. En effet lors de la Grande dépression de la fin du 19e siècle, celle qui a couru en gros pendant 25 ans entre 1870 et 1895, la mondialisation a été essentiellement une mondialisation commerciale (cycle de la marchandise, M…P…M’-A’-M’) dont l’apogée se situe en 1905, année également de la première tentative de révolution en Russie. Après la deuxième guerre mondiale on a assisté à une mondialisation de la production (cycle de la production P…M-A-M…P) par la multiplication de firmes multinationales c’est-à-dire essentiellement des firmes à siège social américain, mais dont les segments de production étaient décentralisés à l’échelle des continents. Désormais, au début du XXIe siècle, on assiste à une recentralisation des différents segments de la production dans des continents ateliers comme la Chine ou l’Inde. On assiste désormais à la mondialisation du cycle argent (A-M..P…M’-A’) qui décolle de la simple production (P) pour s’autonomiser d’une manière complètement virtuelle et fantasmatique (A-A’) dans une espèce de paroxysme fou du fétichisme du capital : la personnification des marchés, la « dictature des marchés ».

2. Les enclosures à perpétuité

Le deuxième phénomène nouveau est que le mode de production (c’est-à-dire le mode d’accumulation du capital par la conversion des profits en capital) rencontre des limites « naturelles » : ce sont les crises écologiques.

Il faut relativiser ce phénomène dans la mesure où le capitalisme à l’échelle mondiale a toujours eu deux fers au feu, en même temps qu’un mode de reproduction relativement équilibré (une espèce de régime de croisière d’un capitalisme « politiquement correct » qui respecte aujourd’hui la « responsabilité sociale et environnementale » (RSE) des entreprises) une exploitation « minière » des autres ressources naturelles ou sociales et en particulier de la « force de travail » (accumulation primitive).

Et historiquement cette exploitation « minière » de la force de travail mondialisée a pour précédents historiques une succession ininterrompue « d’exploitation minière » ou « d’accumulation primitive » : les esclaves du commerce triangulaire, les peuples autochtones de l’Amérique du Sud et de l’Amérique du Nord après 1492, les artisans de l’Inde, et en particulier ses tisserands qui tissaient les fameuses « indiennes » au XVIIIe siècle, la Chine de la guerre de l’opium, etc. Plus près de nous rappelons-nous l’économie totalitaire des camps de concentration et d’extermination nazie au milieu du XXe siècle, le travail forcé du goulag dans l’ancienne Union soviétique, et de nos jours le travail, éthiquement irresponsable, des enfants et des femmes du tiers-monde. L’exploitation minière des ressources naturelles de nos jours c’est le changement climatique, la raréfaction progressive de l’eau potable, la privatisation des connaissances, le pillage de la biodiversité et le perfectionnement pervers des droits de propriétés qui répètent la confiscation des biens communaux, les "enclosures”. Ce sont nos nouvelles enclosures.

Il y a donc bien continuité par rapport aux grands schémas énoncés par Marx il y a presque un siècle et demi.

3. La valeur continue à devenir de plus en plus imaginaire

L’expansion du mode de production capitaliste à l’échelle de la planète « mange son capital » naturel. La valeur, c’est-à-dire le processus de valorisation économique à l’échelle mondiale, — l’accumulation pour le profit —, de valeur substantielle devient une valeur spéculaire, sinon spéculative, une valeur imaginaire comme dirait Baudrillard. De même le « développement des forces productives » n’a jamais atteint un tel rythme et n’a jamais autant bouleversé en profondeur la vie quotidienne de milliards d’êtres humains. Enfin la transformation de la nature n’a jamais été autant médiatisée par la connaissance et n’a jamais été autant abstraite, scientifique et en même temps subjective. Néanmoins il y a une grande rupture qualitative par rapport à cette description classique de l’expansion quantitative du mode de production capitaliste, c’est que de plus en plus les catégories qui ont été véhiculées par le marxisme académique, les catégories du positivisme, du productivisme et du progrès scientifique n’ont jamais été aussi peu adéquates aux transformations en cours de ce mode de production.

B. Traits caractéristiques de la contre-révolution néolibérale

Dans les trois domaines précédents en effet la rupture postmoderne, qui devient manifeste avec la naissance du XXIe siècle, se traduit :

* par la dématérialisation de la valeur. Cette « dénaturation » de la valeur qui se valorise elle-même résulte du fait qu’elle rencontre des limites « naturelles ».
* par la substitution à une causalité physique et mécanique, aveugle et linéaire, d’une causalité historique et politique du progrès scientifique et technique. Les « techniques de domination » sont occultées par les techniques issues des sciences de la nature. Celles-ci se présentent fallacieusement et insidieusement comme « neutres » politiquement. Elles dissimulent ainsi la lutte des classes échelles mondiales. Par contre les techniques de domination (que Michel Foucault appelle le biopouvoir) sont les techniques centrales qui permettent de reproduire la « servitude volontaire » de la force de travail, bref la force de travail « libre », comme pseudo—marchandise centrale du capital, comme l’a montré Carl Polanyi.
* par la substitution de la subjectivité de la force motrice du désir à l’objectivité dans l’exploitation de la force de travail. Cette substitution a été mise en évidence par les travaux de l’école de Francfort et en France par ceux de Michel Foucault, de Gilles Deleuze et de Félix Guattari. Cette force motrice du désir devient la condition sine qua non de la dynamique du capital. En même temps elle offre une « nouvelle frontière » (intérieur, interne voire intimes) à des investissements économiques rentables d’un type nouveau qui se substitue à la "nouvelle frontière fermée les guillemets anglais géographiques qui a disparu lorsque l’expansion géographique de l’impérialisme s’est heurtée à la finitude de la planète. Et pourtant cette subjectivité désirante ne s’est jamais autant montrée à l’œuvre comme condition nécessaire de l’affranchissement du règne de la nécessité.

Bref la révolution n’a jamais été autant à l’ordre du jour au moment où on en parle si peu. C’est même devenu une vieillerie que l’impératif de modernisation se doit de ranger au magasin des accessoires et des ringardises.

C. Les caractéristiques économiques nouvelles de la mondialisation postmoderne

Désormais la lutte des classes se déroule à l’échelle mondiale. Elle transcende les frontières des Etats-Nations. Avec la contre-révolution conservatrice issue du consensus de Washington de 1979 on a assisté à la fin du keynésianisme, c’est-à-dire la fin d’un contre-pouvoir étatique à l’expansion incontrôlée des forces du marché. L’État keynésien classique avait des moyens d’intervention régulateurs, le budget et la création monétaire.

1. La privatisation de la création monétaire à l’échelle mondiale

Désormais la monnaie est créée par des banques commerciales privées à l’échelle mondiale, à une échelle quantitative qui n’a aucun précédent historique. On a assisté à une privatisation mondiale de la création monétaire. La seule manière de reconquérir un certain contrôle sur les forces irrationnelles déchaînées du marché consisterait à « déprivatiser » cette création monétaire et à refaire du « privilège régalien de battre monnaie » un bien public. Cela ne signifie pas automatiquement une nationalisation, comme le pouvoir socialiste l’a cru naïvement en 1981. Déprivatiser la dette monétaire consisterait à déprivatiser le pouvoir de créer de la monnaie en le restituant à des collectifs locaux, ce qui impliquerait notamment un fractionnement de ces émissions monétaires. Celui-ci introduirait d’ailleurs la viscosité nécessaire au système monétaire pour qu’il puisse y avoir une régulation des échanges économiques et des échanges de capitaux.

2. Le capitalisme mafieux

La deuxième caractéristique de cette mondialisation est sa dématérialisation. Désormais le PIB est constitué en France et dans la plupart des pays développés par des services non marchands à hauteur de 70 % environ. Cette dématérialisation de la production et de la richesse n’aboutit pas pour autant à un arrêt de la marchandisation de la planète. Pour donner un coup d’arrêt à cette marchandisation, il conviendrait de combattre la monétarisation des services en relocalisant la production matérielle. Cela revient à donner un coup d’arrêt à la croissance à l’extérieur de ces productions relocalisées, c’est-à-dire dans l’imaginaire marchand à la croissance du PIB. D’ailleurs la définition élémentaire du PIB, du moins au début de la comptabilité nationale, avant qu’on ne valorise les services publics au « coût des facteurs », c’était la somme des transactions marchandes sur les différents marchés. Mais dans tous les cas ne figure pas dans le PIB tout ce qui relève du secteur informel. Or à l’échelle mondiale il y a trois économies souterraines colossales monétisées, mais illégales, le commerce des armes, le commerce des différentes drogues et le commerce de la prostitution, le trafic des êtres humains, en attendant celui des organes.

3. La destruction des régulations keynésiennes nationales

Comme l’a montré Thomas Piketty on assiste, contrairement à ce qu’avait pronostiqué Keynes, la résurrection de la classe des rentiers qui avaient été ruinés par la guerre de 1914 — 1918. Pendant les « 30 glorieuses » trois noms propres symbolisaient les régulations de ce capitalisme, les noms propres de Keynes, de Ford et de Beveridge. Keynes était le penseur de la régulation publique. Ford était, avec le taylorisme, le sculpteur des rapports micro-économiques de production asservissant la force de travail au bureau d’organisation et de méthode de l’organisation scientifique du travail (OST), aux gains de productivité et au salaires au rendement. Enfin Beveridge symbolisait le système des assurances sociales destiné à amortir les à-coups dans la reproduction de la force de travail.

Cette régulation relativement équilibrée du capitalisme a volé en éclats avec la fin du consensus de Washington (Washington est le siège des institutions de régulation keynésienne de la mondialisation qui ont été mises en place après la deuxième guerre mondiale). Désormais le capitalisme financier qui n’a plus aucun garde-fou à l’échelle mondiale demande des taux de rentabilité de l’ordre de 15 %. La question n’est donc pas tant de savoir combien de temps un tel rythme d’accumulation des profits, qui prend la forme fétichisée du productivisme, est possible que quand la décroissance devra fatalement commencer.

II. La remise en cause du progrès technique

Le mode de production capitaliste a un caractère progressiste qui consiste à révolutionner en permanence les forces productives. Ceci se passe dans la concurrence entre les capitaux. Classiquement les innovations techniques des entrepreneurs schumpetériens aboutissent à des rentes différentielles, formes métamorphosées des plus-values relatives. Ces rentes différentielles sont appropriées momentanément par les premiers entrepreneurs qui appliquent les innovations ce qui leur fait baisser momentanément les prix. Puis au fur et à mesure que les innovations diffusent via la concurrence cette appropriation collective de l’innovation aboutit à une croissance générale des valeurs d’usage produites et donc à une diminution du travail socialement nécessaire pour les produire. C’est ce qu’on appelle, dans le langage marxien classique, la socialisation des forces productives, autrement dit le caractère collectif et coopératif de l’accroissement des connaissances techniques et scientifiques, accumulation collective de « puissance d’agir » (selon le langage de Spinoza), ce qu’on appelle encore de nos jours « capitalisme cognitif ».

Si on analyse de plus près ce qu’est la productivité dans la théorie marxienne classique, on s’aperçoit que les concepts qu’utilise Karl Marx dérivent de manière très étroite des conceptions de la mécanique classique : il parle de force, de force de travail, d’énergie humaine, de dépense des muscles, comme à la même époque on caractérise la puissance des machines par des chevaux vapeur. De même au XVIIIe siècle on projette sur les travailleurs le concept d’animaux-machines de Descartes : le prolétaire, au début du 19e siècle, dans l’économie classique de Smith, Ricardo et même Marx, est un « homme-machine », accumulateur d’une énergie purement mécanique, une « force de travail ». La mécanique qui est derrière est la mécanique des boules de billard des libertins du XVIIe siècle, où la loi fondamentale est celle de la conservation de l’énergie mécanique, sans qu’il y ait encore de possibilités de transformation de cette énergie mécanique en des énergies qui n’ont pas été encore découvertes, comme l’énergie électrique, l’énergie chimique, l’énergie électromagnétique et évidemment l’énergie atomique. Certes on sait en pratique transformer de l’énergie thermique en énergie mécanique avec des machines à vapeur. Mais on possède à peine la théorie de cette transformation et de son rendement. On est même en deçà des lois de la thermodynamique comme le remarque Nicolas Georgescu-Roegen un siècle et demi plus tard. Les écologistes ressuscitent quelque sorte une conception vitaliste de la production, conception vitaliste qui était celle des physiocrates au XVIIIe siècle, et que les philosophes de la fin du 19e siècle (Nietzsche, Bergson, etc.) reprendront à la suite du développement fantastique des sciences de la vie. Une telle lecture vitaliste appliquée à Marx est celle par exemple de Michel Henry qui utilise pour cela les concepts de la phénoménologie mis au point par Husserl et Heidegger.


A. La rupture avec la conception mécanique de la nature et la conception positiviste du progrès

Au 19e siècle l’idéologie positiviste du progrès aboutit à une conception mécaniste de l’histoire selon laquelle le développement des forces productives se déroule inexorablement par étapes : la succession linéaire des cinq modes de production. Il se heurte aux limites des rapports sociaux de production. Il ne peut que finir par la faire éclater, selon l’image, popularisée par Friedrich Engels, de la coquille de noix qui se brise sous la pression intérieure de l’amande incarnant l’élan vital irrépressible. La conception maoïste de l’histoire ne fait qu’inverser mécaniquement ce déterminisme. Il pose de manière dogmatique, en sens inverse, que le développement des rapports sociaux de production entraîne celui des forces productives. Il suffit dans ce cas d’avoir un volontarisme politique, par exemple celui de l’industrialisation des campagnes, pour déclencher et s’approprier les progrès techniques dont on a besoin. On connaît les conséquences catastrophiques d’une telle conception qui a abouti à un authentique génocide. Mais dans les deux cas on a un modèle linéaire de causalité déterministe de l’histoire. Il n’y a pas de place pour la liberté politique et pour l’action révolutionnaire.

Or le XXe siècle est le siècle des limites.

Limite d’abord du déterminisme de Laplace. Celui-ci au début du 19e siècle se vantait de pouvoir calculer l’évolution de l’univers si on lui donnait les positions initiales de tous ses points matériels et les vitesses de ces derniers. Or à la fin du 19e siècle le passage de la science moderne à la science postmoderne s’est traduit par une rupture avec ce déterminisme classique et en particulier une rupture avec la conception galiléenne de l’espace comme espace homogène et isotrope de la géométrie et du temps comme temps continu des horloges. En particulier les atomes ne sont plus conçus comme des boules de billard ou comme des corpuscules, mais également comme des ondes. À la mécanique classique se substitue la « mécanique ondulatoire » suivant l’expression heureuse de Louis de Broglie pour nommer ce qu’on appelle encore la « mécanique quantique », c’est-à-dire la mécanique qui fait des sauts contrairement à ce qu’enseignait la philosophie scolastique médiévale.

De même en mathématiques les hypothèses de départ de Laplace se sont trouvées infirmées. Aucune machine aussi puissante soit-elle ne pouvait décrire avec une précision infinie les situations et les vitesses initiales de tous les points de l’univers. Ne serait-ce qu’à cause des relations d’incertitude de Heisenberg il est impossible de localiser absolument tout point matériel. Et à supposer qu’on puisse localiser avec une précision infinie un point matériel à un instant déterminé l’incertitude ne serait pas moins infinie sur la grandeur de sa vitesse. A fortiori pour la totalité des points matériels de l’univers. En outre la procédure mathématique de calcul se heurterait elle-même à des limites intrinsèques qui sont symbolisées par les théorèmes d’incomplétude de Gödel.

B. Les limites à la domination mathématique du monde et le principe de précaution de l’écologie politique

Dans le domaine du calcul des probabilités Keynes et Knight dans leurs thèses de mathématiques de 1921 ont démontré que tout ne pouvait pas être calculable. Les risques d’un côté peuvent être calculés et donc être assurés par des compagnies d’assurances. Mais il y a fatalement des incertitudes radicales pour lesquelles il faut utiliser non pas le calcul actuariel, mais le « principe de précaution », des délibérations, de nature essentiellement politique, permettent de dégager ce que conseille la prudence collective et ainsi d’assumer les conséquences imprévisibles des choix d’un libre arbitre souverain. Ainsi dès 1921 les mathématiciens anticipaient les intuitions des écologistes des années 70 et invalidaient définitivement les modèles anachroniques des économistes néoclassiques.

La complexité des systèmes techniques et industriels modernes a engendré en outre une incertitude (par opposition à des risques calculables) intrinsèques, liés à un excès de complexité, à l’origine de possibilités de "crises systémiques”. Désormais la rationalité (substantielle) elle-même rencontrait des limites. D’où une blessure narcissique supplémentaire pour l’orgueil humain. Plus modestement les théoriciens de la rationalité limitée (Herbert Simon notamment) se sont contentés de rationalité procédurale et ont renoncé à la rationalité substantielle.

L’histoire a donné tragiquement raison à ceux qui ont posé des limites à la rationalité humaine avec des catastrophes qui ont remis en cause profondément la croyance optimiste dans un progrès indéfini. Ces catastrophes ont été chronologiquement la Shoah de l’Allemagne nazie et les deux explosions de Hiroshima et de Nagasaki en 1945. Désormais c’était l’homme qui était la cause directe de catastrophes essentiellement morales et politiques avant d’être la cause de catastrophes dites « naturelles » comme le changement climatique et la destruction de la biodiversité.

C. L’impuissance de l’économie classique, comme « économie apolitique »

Selon les paradigmes économiques de l’économie néoclassique la maîtrise du progrès technique et des effets négatifs sur l’environnement dit naturel devrait se traduire par « l’internalisation » des externalités négatives. Selon sa définition classique, le développement durable est le mode de développement qui permet de satisfaire les besoins des générations présentes sans porter atteinte à la satisfaction de ceux des générations futures. Mais l’axiomatique de l’actualisation au moyen d’un taux d’intérêt positif interdit, par construction que les générations présentes puissent prendre en compte les intérêts des générations futures, pour peu que l’horizon temporel excède une ou deux générations. Le problème du stockage des déchets nucléaires ou du rythme de reproduction de la biodiversité, qui a mis des millions d’années pour aboutir à la diversité actuelle grâce aux lois de la sélection naturelle, fait alors que exploser l’étroitesse des limites temporelles des économistes pour lesquels, suivant le mot cynique de Keynes, « à long terme nous sommes tous morts ».

D. La seule solution est donc politique

Puisqu’il ne peut pas y avoir « d’économie non politique » du progrès technique, — autre nom du productivisme qui est la forme fétichisée de l’accumulation pour le profit —, et de ses effets négatifs sur l’environnement naturel, il faut réhabiliter l’économie politique dans ce qu’elle a d’essentiellement politique. Et comme désormais l’économie matérielle s’est étendue à l’échelle de la planète et qu’elle inclut les non-humains dans l’économie et la reproduction naturelle et sociale de la Terre et de ses habitants, — les êtres humains —, l’économie matérielle n’apparaît que comme un secteur relativement périphérique et subordonné de l’écosystème de la planète. L’écologie de cette partie du monde dont la texture est celle des relations sociales apparaît ainsi fondamentalement et totalement politique. Elle est politique non seulement lorsqu’elle s’applique au petit secteur économique de la satisfaction des besoins matériels humains, mais surtout et encore lorsqu’elle s’applique à l’administration à l’échelle de la planète entière des rapports entre les êtres humains et les êtres non-humains. En conséquence le paradigme de l’écologie politique est amené à phagocyter celui de l’économie non politique pour lui substituer la planification du progrès technique et des rapports des humains avec les non-humains. Quand l’humanité menace de se détruire elle-même en détruisant le climat et la biodiversité la seule manière de se sauver elle-même consiste pour elle à gérer directement ses rapports avec la nature.

III. La prolétarisation de la subjectivité fait passer d’une économie de la production à une écologie de la consommation

Dans la deuxième fin de cycle la démocratie représentative (représentation par des partis politiques) bascule dans la « démocratie d’opinion ». Cette dernière est la forme fétichisée de la dictature exercée par le capitalisme financier mondialisé par l’intermédiaire des médias et des sondages.

Autrement dit la subjectivité de la force de travail postmoderne bascule dans la passivité et dans la consommation.

A. Vue panoramique historique cavalière

Cette perspective a été développée par l’école de Francfort, par Marcuse et par Érich Fromm entre les deux guerres. Il s’agissait de reprendre la problématique de la fétichisation et de l’aliénation grâce aux apports de la psychanalyse. Une nouvelle synthèse se fera dans les années 80 grâce aux travaux générés par mai 1968 chez Michel Foucault d’un côté et Gilles Deleuze et Félix Guattari de l’autre. Au lieu de partir d’une mécanique du fétichisme, à savoir la réification des rapports de production, l’école de Francfort partira de la personnalisation des choses. Il y aura à cela l’influence des anthropologues, des ethnologues et des psychanalystes. Cette conception sera reprise à notre époque par Bruno Latour et Philippe Descola. Ceux-ci montrent comment les rapports des humains aux non-humains se modulent suivant les civilisations. L’observation, suivant les canons des sciences naturelles, des ontologies des différentes sociétés humaines montre qu’elles combinent des conceptions animistes, totémistes, « naturalistes » et enfin « analogistes ». Dans ce dernier cas le microcosme est à l’image du macrocosme comme dans les grandes civilisations de la Chine et de l’Inde à notre époque, ou à la Renaissance pour nos sociétés européennes occidentales) pour reprendre la terminologie de Philippe Descola. Nos sociétés sont « objectivistes » ou encore « naturalistes ». Il nous semble évident que nos sociétés sont « objectives » ou encore « naturalistes » parce que ce sont les nôtres et que notre ontologie est « supérieure » à celle des autres sociétés parce qu’elle est « scientifique ».

Désormais la subjectivité des individus apparaît comme une « nouvelle frontière » à l’intérieur de chacun des individus : cette nouvelle frontière du clivage du sujet entre un sujet de désir et une forte travail objective permet de relancer l’expansion indéfinie de la marchandise à l’échelle mondiale, le monde du microcosme se substituant au monde du macrocosme.

B. Retour sur les 30 glorieuses

Ce retour sur soi de l’auto valorisation de la valeur ne faite que parachever la réflexivité du mode de production antérieure, le fordisme. En effet la grande révolution du fordisme a consisté à vendre aux ouvriers les voitures qu’ils produisaient. Il y avait ainsi une « réflexivité » du mode de production capitaliste, un feed-back négatif, qui faisait reposer la croissance indéfinie de la production (le productivisme) sur une marchandisation de la subjectivité en remplaçant la satisfaction des besoins, la reproduction simple de la force de travail prolétaire, par l’exacerbation indéfinie des désirs, ces derniers étant à l’origine d’une demande. Cette demande a un double sens. Il s’agit d’abord d’une demande « en paroles subjectives », moléculaire, destinée à être indéfiniment frustrée selon les concepts fondamentaux avec lesquels la psychanalyse éclaire notre microcosme psychologique. Il s’agit également d’une demande molaire, demande économique, à l’origine d’une demande solvable adressée au macrocosme de la production capitaliste. La prolétarisation de la consommation qui a succédé historiquement à la prolétarisation de la production a substitué ainsi le désir condamné à rester inassouvi et frustré aux besoins.

Nous sommes aux antipodes de la sagesse d’Épicure qui limitait la satisfaction des besoins à ceux qui sont à la fois naturels et nécessaires. D’où l’idéal, complètement anachronique à notre époque, d’une « frugalité heureuse », la frugalité des Béatitudes, du Discours sur la montagne. C’est ce retour à l’anthropologie antique auquel nous invite également Hannah Arendt qui relativise le travail en considérant que c’est le degré le plus bas de l’ascension de l’être humain sur les degrés de son développement personnel : « l’alterdéveloppement » psychologique, culturelle et spirituel de chacun. Les autres degrés, Hannah Arendt les appelle ceux de « l’oeuvre » et de « l’action politique ». Dans l’Antiquité le travail était d’ailleurs dévolu aux esclaves, à ceux qui en tant « qu’instruments parlants » (comme disait Aristote) n’étaient même pas considérés comme des êtres humains. Le deux degré suivant de l’accomplissement de l’être humains est celui de l’œuvre, l’œuvre de l’artisan ou de l’artiste, produit de la technè. Le degré ultime est celui de l’action politique, seule activité digne de l’homme libre, le citoyen à part entière de la cité. L’action politique c’est la praxis (par opposition à la poésie ou à la technique). Son objet consiste à élaborer l’ensemble des rapports sociaux et plus particulièrement les rapports politiques par opposition à la technè dont l’objet de travail est la matière. Le modèle idéal de l’action politique était Périclès.

Même si c’est de manière mutilée et mystifiée, la question du bien-être fait retour à travers la question du « développement durable » et des « indicateurs de développement humain » (IDH) Inspirés par les travaux d’Amartya Sen. Elle ressuscite la question des critères de la « vie bonne » ou de la « vie heureuse », comme l’a rappelé Hannah Arendt. Rappelons-nous que pour Saint-Just, « Le bonheur est une idée neuve en Europe ».

Selon les enseignements des dégénérescences monstrueuses du « socialisme réel » au XXe siècle, il ne faut surtout pas remettre la « jouissance » aux « lendemains qui chantent » et il ne faut pas rabattre les besoins spirituels et altruistes sur les seuls besoins matériels. Mais dans ce qu’indiquent les degrés d’épanouissement de la nature humaine selon les canons de l’Antiquité, l’œuvre et l’action politique, selon Hannah Arendt, dans les deux cas l’homme libre est aux antipodes du consommateur passif et du jouet des sondages et des médias.

Le basculement dans la démocratie d’opinion, — la dictature médiatico-sondagière —, montre comment chaque citoyen est invité à basculer d’un contre-pouvoir passif, — la résistance —, à un contre-pouvoir positif par l’intermédiaire d’une délibération, cultivant de manière délibérée et égalitaire le débat public et contradictoire. Ceci repose ainsi la question, posée par Jean-Jacques Rousseau il y a deux siècles et demi, de la formation de la « volonté générale ». L’écologie politique nous rend sensibles aux catastrophes humaines et sociales qui s’annoncent. Notre raison de ce XXIe siècle commençant a été durement étrillée par les catastrophes morales de la Shoah et d’Hiroshima ou XXe siècle. Nous avons ainsi chèrement acquis une sagesse que les anciens appelaient une « prudence » contre une vanité humaine toujours renaissante. Nous avons même fondé en toute rigueur mathématique, grâce à Keynes et Knight, cette prudence en opposant à la toute-puissance délirante de nos calculs et de nos assurances sur l’avenir (hybris) l’incertitude radicale de nos connaissances, la faiblesse tragique de notre volonté morale et politique et le caractère tragique de la présence du mal dans l’histoire humaine. Ce que nous appelons de manière pudique le « principe de précaution » fonde théoriquement l’écologie politique. L’écologie politique reprend ainsi au XXIe siècle le rationalisme matérialiste marxien du XIXe siècle tempéré par l’expérience tragique des limites morales et politiques du XXe siècle et la théorisation des limites de la connaissance et de la rationalité humaine. Dès lors la rationalité n’est plus la caractéristique d’un individu « maître de lui-même comme de l’univers » et appelé à « dominer et à exploiter la nature » sans limite mais la rationalité distribuée et limitée d’un collectif en train de se créer lui-même par la délibération sur un pied d’égalité. La démocratie participative et délibérative devient ainsi l’instrument et la fin de l’émancipation de chacun par l’émancipation de tous et réciproquement.

Conclusion

Cette perspective historique cavalière brossée à grands traits met en évidence la conjonction de deux tournants, deux fins de cycle.

La fin du second cycle, le basculement dans la démocratie d’opinion, pose la question de la forme d’organisation adéquate au contre-pouvoir à opposer à une oligarchie financière mondialisée qui relaie sa domination par l’intermédiaire de dictatures nationales médiatico-sondagières. À toute chose malheur est bon, comme dit le proverbe, puisqu’il n’existe plus de forme partidaire anachroniquement isomorphe à la domination bourgeoise lorsqu’elle était organisée sous la forme de partis politiques au service de la classe dominante.

La fin du cycle stalinien, qui est une deuxième surprise heureuse, est la levée de l’hypothèque de la conception positiviste et mécaniste de l’histoire. Désormais dans ce champ de ruines nous sommes peut-être plus libres qu’auparavant. Mais libres pour quoi faire ?

Sommes-nous libres pour construire une croissance à 15 % par an à perpétuité ? C’est impossible. La question qui se pose réellement est de savoir quand la décroissance va devenir urgente et incontournable.

La deuxième liberté sera alors de maîtriser le progrès des techniques, le « développement des forces productives » en langage marxien, de plus en plus socialisées, par l’intermédiaire d’une planification démocratique qui sera le corrélat de la démocratie délibérative et participative.

La troisième liberté sera celle de la « délibération ». En jouant sur le mot « délibérer » qui contient le verbe libérer, il s’agira de « délibérer » du contenu de la « décroissance » pour nous libérer délibérément et nous donner mutuellement un bonheur frugal nous ouvrant la porte à une croissance indéfinie de nos progrès moraux, spirituels et culturels.