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Crise du sens : militant, méditant, moi flottant. C Delarue

dimanche 2 mars 2014, par Amitié entre les peuples

Crise du sens !

Militant, méditant, « moi flottant »

Suite de : Changer le monde... en agissant comme des brutes ? !

La question a été posée dans ce texte :

Nantes NDDL : Les autonomes ne sont pas des altermondialistes

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/230214/nantes-nddl-les-autonomes-ne-sont-pas-des-altermondialistes

I - Trois cercles, trois « moi » : le militant, le méditant et le moi flottant.

 Le militant est ici celui qui veut, avec d’autres, changer le monde, l’Europe, la France. Je laisse chacun choisir l’ordre ou les préférences. Il est communiste, altermondialiste, écologiste, vraiment socialiste, « décroissantiste », etc. Voilà pour les étiquettes les plus courantes !

 Le méditant réfléchie à ce qu’il est, ce qu’il fait et met en place des pratiques spirituelles, individuelles ou en petits groupes. Là ou le militant élargit son « moi » à des questions globales et collectives, le méditant approfondit son moi et la qualité de ses relations.

 L’individu à « moi flottant » ne médite pas et ne milite pas. Cet individu est quasiment seul au monde - lui, le couple, la famille - et il ignore les appartenances à des communautés humaines plus larges lesquelles sont clivées par des rapports sociaux. Ces termes de « rapports sociaux » sont d’ailleurs confondus pour lui avec relations humaines choisies. Il vit au jour le jour en suivant le flot des multiples sens que le monde marchant lui offre. Face à la crise du sens, Il vit dans la résignation et navigue dans le sens du courant dominant. Il espère (et prie le Ciel éventuellement) que demain sera mieux qu’aujourd’hui. Il peut être de droite réactionnaire - le « beauf » macho, raciste, etc - ou de gauche vaguement progressiste mais sans engagements résolus.

Derrière ces trois types abstraits d’individu se trouvent souvent des contextes sociaux différents.

A) Des points communs

Le point commun entre le méditant et le militant est qu’ils disposent en principe d’un sens fort à leur existence mais ce n’est pas le même. Il faut quand même remarquer que méditer n’est pas nécessairement contraire à militer. J’ai dit souvent qu’Erich Fromm était un des rares intellectuels à permettre un passage entre esprit et actions individuelles mais aussi collectives de transformation sociale. Il est dommage qu’il ne soit pas mieux connu. Il a un petit côté austère et « curé » mais moins, je crois, que Pierre Rahbi. Il s’agit avec Fromm et d’autres - cf III - de trouver une alliance de la réflexion et de l’action, individuelle et collective. Donc de réfléchir sur le monde, sur soi, sur nos relations, nos amours, nos pratiques sociales et écologiques... en pensant aussi que cela participent des modalités de nos actions individuelles et collectives.

Les méditants, pour se libérer de l’aliénation sociale et de leur histoire individuelle pesante, vont vouloir sortir de l’emprise de l’argent, de la publicité, du travail intensif, de la surconsommation addictive. Les militants vont eux critiquer les institutions, les logiques de domination, celle du capital, celle du productivisme, celle de la marchandisation, de la financiarisation. Ils vont remarquer que l’Etat démocratique se réduit au profit d’une oligarchie et qu’il en est de même pour l’Etat social. Que les financements manquent pour la transition écologique. Lutter contre le capitalisme productiviste et pour un écosocialisme est souvent considéré comme une utopie et de l’énergie dépensée en pure perte pour changer le monde. Les méditants préféreront changer de petites choses : aller à vélo ou à pieds plutôt qu’en voiture à tel endroit. De ce fait, il pratiqueront l’écologie en acte quand d’autres, pas forcément les premiers, en parlent mais pour plus tard.

B) Usage du temps.

Qui prend le temps de méditer ? Qui prend le temps de militer ? Qui prend le temps de faire les deux ? Qui prend le temps de faire son jardin ? De faire son footing ? De lire, de s’instruire et d’écrire ? J’ai l’impression que ce n’est pas la majorité. Certains manquent de temps car ils travaillent trop ; d’autres ont du temps mais sont pris par des dépressions mezzo voce faute d’avenir.

Changer l’être humain est une chose (qui diffère de se changer soi), changer les rapports sociaux en est une autre. Se montrer plus compréhensif, plus doux, plus cordial, plus tolérant participe effectivement de l’amélioration des relations humaines proximales et même celles plus éloignées mais ne changent pas les rapports sociaux qui sont souvent à la racine des injustices sociales. Et puis il y a les dispositifs abstraits qui surplombent les humains, certains plus que d’autres.

Des patrons connaissent le stress, l’épuisement et l’envie de se suicider mais vont-il critiquer en théorie et en pratique le concurrentialisme européen, cette logique marchande folle qui met chacun contre chacun et surtout les plus faibles, les employés et les ouvriers. Vont-ils réfléchir à une RTT sans perte de salaire ou simplement se mettre pour eux à temps partiel car ils le peuvent, car ils gagnent encore beaucoup plus avec 80 % de rémunération mensuelle que le salaire moyen à temps plein.

II- Bonheur, sexe et rencontre !

Nous refusons la prostitution mais considérons le sexe sans violence comme important qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel !

A) Amour faible et amour fort.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article3974

Sans doute ce genre de distinction est le privilège de l’âge ; celui qui permet des comparaisons lorsqu’il se tourne vers son passé.

Les amours forts sont rares. Ils se déclenchent sur un regard ou un timbre de voix et forment parfois - lorsque c’est réciproque - un accord sentimental fort qui débouche possiblement (pas nécessairement) sur un accord des corps et des jouissances. Ces amours vifs, attentionnés, intenses s’inscrivent souvent dans la durée car ils sont entretenus quotidiennement. Amours officiels ou non officiels, ce sont des beaux amours, des amours lumineux et authentiques. On en connait peu dans une vie : un ou deux ! Ils laissent une marque, une empreinte. Même plusieurs années après la rupture ou la mort de l’un des deux.

Les amours faibles peuvent être plus fréquents. Ils peuvent naître à partir d’une discordance : l’un aime plus que l’autre. L’amour faible part d’un effet de sympathie, d’un amour léger, « faible » comparativement à l’autre. S’y ajoute l’effet d’une attraction plus physique. Mais si la séduction débouche sur la complicité physique et charnelle alors un amour durable peut s’installer. Rien de nécessaire. Mais la science confirme cet aspect qui semble contraire aux préjugés communs. Le sexe peut déboucher sur de l’amour. L’amour comprend la sexualité mais est plus large que le sexe.

B ) La question de la séduction est de « civilisation »

Ce qui caractérise l’humain civilisé, c’est qu’il n’y a pas le mâle (en rut) qui prend une femelle (en chaleur) ; c’est donc que les hommes (surtout eux) ne se servent pas, ils doivent demander. Mais il faut allez plus loin que de demander le consentement ainsi . Car il ne s’agit pas de simplement présenter une demande explicitement sexuelle mais avec les mains bien au fond des poches. Non il s’agit de rencontrer l’autre tout en admettant que la relation sexuelle est possible. Pas une rencontre où la chasteté est obligée et le sexe impensable !

Dans cette perspective, il ne s’agit pas d’ignorer ce qui attire chez l’autre, fille ou garçon - il faut ici bien admettre que l’attirance est naturelle - même si il existe évidemment des codes sociaux et des stéréotypes culturels d’ailleurs variables dans l’histoire - et cette attirance sexuée n’est pas en soi le « mal » mais au contraire une composante possiblement agréable de la vie humaine, hétérosexuelle ou homosexuelle et donc briser le tabou - mais il s’agit AUSSI de s’interesser aux AUTRES aspects de sa personne. Je reprends là ma théorie du « double regard » contre le double réductionnisme (1) mais dans une autre perspective.

Il s’agit de voire la jeune-fille sexuée attirante, voire sexy (pourquoi pas), mais voir aussi ses gouts, ses sentiments, ses sensibilités, ses principes moraux, ect. Voilà qui n’est pas évident pour certain(e)s ! Voilà qui méritent sans doute quelques mots soit des parents soit des enseignants. Car il peut y avoir « dérapage » dans la vraie vie :

 soit la rencontre ignore totalement, par une sorte de fermeture rigide du « surmoi » (crispation morale), la séduction physique des corps et des postures . Ce qui fait plaisir à tout ceux qui veulent surtout, par principe, amputer les jeunes de rencontres sexuelles.

 soit, au contraire, le « çà » (pulsion non retenue) commande une adresse trop explicitement sexuelle. Ce qui marche parfois, mais pas toujours !

GENDER : Qui instruit les adolescents ? Les parents ?

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/160214/gender-qui-instruit-les-adolescents-les-parents

III- D’autres réponses générales à la crise du sens !

La triple aliénation d’ A BIHR

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article813

De Guillebaud et Chouraqui à Morin et Bihr.

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/290111/de-guillebaud-et-chouraqui-morin-et-bihr

La conception de l’humain selon Eric FROMM (note C Delarue)

http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2010/01/31/1915740_la-conception-de-l-humain-selon-eric-fromm-note-c-delarue.html

Crise du sens et tentation autoritaire, par Alain Bihr (Le Monde diplomatique)

http://www.monde-diplomatique.fr/1992/05/BIHR/44364

Christian DELARUE