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« Antiracisme relié » vers l’intersectionnel en restant sur une base universaliste - C Delarue

vendredi 6 mai 2016, par Amitié entre les peuples

ESSAI - TRAJET THEORIQUE : « Antiracisme diversement relié » vers l’intersectionnel en restant sur une base universaliste.

Sur l’intersectionnalité j’ai lu nombre de textes, dont certains fournis par Philippe Corcuff (que je remercie). A partir de ces textes j’ai exposé à l’université d’été d’ATTAC 2015 à Marseille (atelier du groupe « culture et société » du Conseil scientifique d’ATTAC, animé par Martine Boudet), ce que j’ai appelé un « antiracisme relié ».

Ce « relié » est multiple - couleur, genre, textile comme lieu d’oppressions et dominations - mais avec un ancrage maintenu avec l’antiracisme universaliste.

Le MRAP (dont je suis) lutte contre toutes les formes de racisme et je tiens à maintenir cette référence. Ma tentative est personnelle et n’engage pas le MRAP. Je ne suis plus membre de sa direction et je peux donc me permettre plus de tentatives et d’essais hors de l’orthodoxie... mais pas trop.

L’intersectionnel n’est pas dans le bagage antiraciste du MRAP ni d’ailleurs des autres associations antiracistes françaises.

Concrètement, la notion de peuple-classe (99%) a été reprise car elle permettait un ancrage social de lutte aux côtés de ceux et celles d’en-bas. Le trajet vers l’intersectionnel a été marqué par un complément référentiel de solidarité et de lutte qui interpelle « les femmes du peuple 99% d’en-bas multicolore et multitextile avec combat contre les intégrismes religieux ».

 La référence aux femmes appartenant socialement au 99 % n’empêche pas de défendre une femme du 1% d’en-haut agressée, qu’elle soit blanche ou non blanche, voilée ou non, en mini-jupe ou non. A dire au cas ou ! Simplement les femmes du 99% d’en-bas et plus encore celles des couches sociales modestes (précaires, smicardes, chômeuses, etc) subissent plus que les hommes les agressions économiques du capitalisme néolibéral. La défense des homosexuels et lesbiennes face aux réactionnaires en tout genre relèvent aussi de ce registre même si je ne l’ai pas formalisé.

 Le multicolore renvoie lui à une racialisation très soft, acceptable me semble-t-il car on ne nomme pas de couleur de peau (racialisation explicite) et surtout on n’oppose pas de façon raciste des blancs et des non blancs. Certains - Philippe Corcuff notemment - explique que c’est le rapport racial qui est conceptualisé, pas une essence biologique ou sociale. Bien. Il n’empêche que le sens commun, peu averti des subtilités de la sociologie, voit lui des individus de couleur. Et il pratique l’exclusion concrète à partir de là ! Il y a bien un usage militant raciste à partir de cette distinction théorique qui sert en pratique à légitimer un apartheid racial et raciste inversé difficile à approuver. Mettre le petit doigt dans cet engrenage me parait dangereux.

 La référence au « multitextile avec refus de l’intégrisme religieux » a été ajouté pour tenir compte du débat sur le voile des musulmanes. Multitextile permet de prendre en charge et reconnaître l’ensemble du « spectre textile » du string seulement (sexe masculin et féminin) en été (à légaliser hors des plages) au voilage qui laisse apparaitre que le visage. Cette ouverture d’esprit aux diverses apparences-différences n’est pas et ne doit pas admettre le relativisme culturel (baisse des droits humains et de la dignité humaine au profit d’un patriarcat fortifié) dans la mesure ou il est dit nettement qu’il faut combattre les intégrismes religieux, notamment sa forme sexoséparatiste qui se généralise partout, bien au-delà du wahabbisme (plan doctrinal) et bien au-delà du « sud » (plan géographique). On peut aussi mobiliser la catégorie de « contre-mouvement réactionnaire » et de « sous-culture sexoséparatiste autoritaire », le sexoséparatisme connaissant deux formes, la hard (réclusion à la maison) et la soft (mise sous hypertextile du matin au soir, de la jeunesse à la mort).

En outre on peut aussi mobiliser, pour un antiracisme éducatif et pratique, l’outil dit du « double regard » qui permet lors d’une intervention de terrain, de mettre l’accent sur la similitude, la ressemblance, l’humain par delà les différences et apparences immédiatement perçues, aussi bien les apparences attirantes (le sexy ou l’hypotextile) que les apparences dégoutantes ou répugnantes (l’hypertextile selon certains).

Christian DELARUE

Alexandre Jaunait et Sébastien Chauvin, « Représenter l’intersection. Les théories de l’intersectionnalité à l’épreuve des sciences sociales », Revue française de science politique, vol. 62, n°1 ; février 2012, pp. 5-20, [http://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2012-1-p-5.htm

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