Accueil > Altermondialisme > Contre la marchandisation ? > Contre la marchandisation de la force de travail. > Contre l’envolée des profits et des hauts revenus > Reconnaissance : Le sentiment d’admiration détourné et perverti. C Delarue

Reconnaissance : Le sentiment d’admiration détourné et perverti. C Delarue

jeudi 1er novembre 2012, par Amitié entre les peuples

Reconnaissance : Le sentiment d’admiration détourné et perverti.

Pour l’homme, écrit Francisco Albéroni dans L’érotisme (p77) « la séduction n’est pas un motif de triomphe mais d’émerveillement. Elle engendre un sentiment de reconnaissance et non de supériorité ».

x

Le sentiment d’admiration participe d’une philosophie de la reconnaissance (1) mais avec une qualité supérieure du regard. Il valorise et élève la personne regardée en vertu de ses qualités : sa gentillesse, son amour, son intelligence, sa délicatesse, etc... La personne admirée n’est évidemment pas sans défauts, les personnes « sages » ou émancipées n’étant pas de ce monde, (le seul que nous connaissons par ailleurs). Mais les qualités sont regardées comme admirables et importantes et les défauts comme secondaires et négligeables.

Mais il ne suffit pas de valoriser le regard admiratif ou plus simplement reconnaissant contre le regard méprisant car ce regard peut être détourné et perverti. Il y a au moins quatre grandes sortes de perversion du sentiment d’admiration qui devrait nous guider vers des formes plus vraies, plus authentiques d’admiration.

1) L’admiration détournée par le capitalisme et la « méritocratie ».

 L’admiration, le respect et même la vénération des hauts dirigeants politiques (grands élus) et économiques (grands patrons) s’est largement retourné avec la crise en mépris et colère. Faut-il s’en étonner ? Cette admiration n’était-elle pas largement surfaite auparavant ? N’était-elle pas produite artificiellement, construite mensongèrement ? Non pas qu’il n’y ait pas des entrepreneurs admirables. Ils existent bien souvent dans la mesure ou ils peuvent encore ou savent encore se montrer compréhensifs, inclusifs, non autoritaires et ce contre l’obsession productiviste qui pousse à l’exploitation de la force de travail (travaillisme) et de la nature.

L’admiration des dirigeants méritants ne peut être globale. Elle ne se remarque que dans le regard porté sur une résistance soutenue d’un dirigeant privé ou public aux impératifs de l’exploitation capitaliste.

 L’argent et les médias soumis au pouvoir de la finance savent très bien dresser des portraits élogieux pour des personnages qui ne le sont pas autant qu’il y parait. Le sarkozysme a largement participé à cette vénération des grands entrepreneurs et des riches au détriment des « petites gens » du peuple-classe, notamment les fonctionnaires mais plus encore les couches pauvres marginalisées comme les roms, les résidents étrangers extracommunautaires.

2) L’admiration détournée par le nationalisme et le racisme.

Le mépris ici évoqué par le sarkozysme montre en creux une admiration biaisée pour les « français de souche », ceux et celles appartenant à une civilisation respectueuse des droits humains, des droits des femmes, de la laïcité. Cet identitarisme masque une haine coupable contre les autres civilisations toujours perçues comme homogènes. Une telle vision globalisante est incapable de voir la diversité des situations et empeche notamment de voir le « noir » en Occident (le sexisme, le racisme et le classisme) et le lumineux en Orient (tous les musulmans ne sont pas des intégristes autoritaires). La survalorisation identitaire est le symptôme d’un regard handicapé incapable de voir la diversité humaine dans toutes sa richesse. Cela ne signifie pas acceptation de nommer « différence » ce qui est oppression ou domination.

3) L’admiration détournée par le travaillisme et le productivisme.

Le mépris évoqué en fin du paragraphe 1 (les fonctionnaires mais plus encore les couches pauvres marginalisées comme les roms, les résidents étrangers extracommunautaires).par le sarkozysme montre également en creux une autre admiration biaisée, celle de « la France qui travaille », ou celle des « français qui se lèvent tôt ». En quoi ceux et celles qui se lèvent tôt - français ou non -, seraient-ils admirables ? Ce sont souvent des gens zélés, des travaillistes. Quand il ne s’agit pas de cela, ce sont alors des personnes contraintes à un surtravail pour vivre. On trouve aussi les « addictifs au travail » qui ne savent plus s’arrêter de travailler, ne savent plus vivre avec une compagne ou en en famille. Pourquoi ? Dans nos sociétés il y a en la matière le « tout ou rien ». Le rien c’est le chômage ou le travail précaire à salaires de misère. Le tout c’est l’activisme au travail dit encore travaillisme soit à minima les 35 h à haute intensité et le plus souvent le dépassement des 35 heures.

4) L’admiration détournée par le sexisme.

En lien avec les lignes précédentes, s’ajoute la survalorisation de la beauté qui concerne les cadres masculins possesseurs de belles voitures (des attributs très extérieurs et massifs) mais aussi et surtout les femmes ; soit du fait d’une beauté physique naturelle soit du fait d’une beauté physique artificielle (avec des attributs extérieurs près du corps). Cette survalorisation du corps physique est fausse admiration et fausse reconnaissance lorsqu’elle est globale et non attachée à une personne particulière avec toutes ses qualités ou avec ses capacités relationnelles.

Il faut noter ici que le jugement global, admiratif de beauté se retourne fréquemment en son contraire, tout aussi nuisible. Beaucoup de jolies femmes blondes sont ainsi méprisées par des hommes ambivalents qui dans un même regard les admirent et les dénigrent car à priori inaccessibles pour eux mais aussi par des femmes surtout jalouses de leur beauté. Car contre le spiritualisme rigoriste, il faut dire que la beauté n’est pas qu’intérieure ni en dépouillement systématique des menus artifices de séduction.

5) L’admiration détournée par le militarisme. (ajout le 1 NOV 2012)

Que l’on puisse dresser des couronnes pour des généraux qui ont torturé en Algérie au lieu de le faire pour les rares qui ont dénoncé ces procédés barbares est une perversion de la reconnaissance ;

Christian DELARUE

1) Outre ma « Note sur le »Parcours de la reconnaissance« de Paul Ricoeur »

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1085

lire Fabrice FLIPPO sur Mouvements .