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Front populaire ? par Denis COLLIN
jeudi 17 septembre 2020, par
Front populaire ? par Denis COLLIN
le 7 juillet 2020
Le Front populaire a une histoire, presque toujours tragique. Il y eut deux fronts populaires en France et en Espagne dans les années 30. Les fronts populaires correspondaient à la stratégie proposée, après le triomphe du nazisme en Allemagne, par l’Internationale communiste sous l’impulsion du communiste bulgare Dimitrov. Le Front populaire a pour but de résister au fascisme en alliant les partis ouvriers (socialistes et communistes) et les partis bourgeois antifascistes. La stratégie du Front populaire fut sévèrement critiquée par les trotskistes qui lui reprochaient de mettre la classe ouvrière à la remorque des partis bourgeois, préparant ainsi la défaite de la classe ouvrière. Pour les trotskistes, seul le « front unique ouvrier » luttant contre le capitalisme pouvait vaincre le fascisme. De fait, les fronts populaires finirent mal. En France, la chambre du Front populaire finit par laisser tout le pouvoir aux radicaux de Herriot et Daladier, interdit le parti communiste et vota les pleins pouvoirs à Pétain. En Espagne, tout occupée à lutter contre les révolutionnaires du POUM et de la FAI, la coalition du Front populaire fut militairement défaite par les troupes franquistes soutenues par les nazis et les fascistes italiens. On peut aussi placer le CNR dans la lignée des Fronts populaires, mais cette fois un front populaire victorieux... avant sa dislocation sous la pression de la guerre froide. Au Chili, dans les années 70, c’est une autre variante du Front populaire dirigé par Salvador Allende qui était écrasée par le coup d’État militaire de Pinochet soutenu par les États-Unis. L’Union de la Gauche française lancée en 1973 par l’accord entre Marchais, Mitterrand et Fabre eut une fin moins tragique, mais après à peine deux ans de réformes sociales, le « tournant de la rigueur » mettait fin aux espoirs soulevés par la victoire de Mitterrand en 1981.
On peut penser ce que l’on veut de l’histoire des fronts populaires, mais l’expression « front populaire » est très clairement connotée historiquement. Elle fait appel à un imaginaire (en France, les 40 heures, les congés payés et l’ébauche de la sécurité sociale) qui est celui des exploités et fait partie intégrante de l’espérance révolutionnaire et de la tradition du mouvement ouvrier. L’opération médiatique Onfray-Simon qui lancent une revue et un site baptisés « Front populaire » n’a évidemment rien à voir avec le Front populaire, rien, absolument rien ! C’est une véritable escroquerie d’avoir choisi ce nom et on aurait dû commencer par dénoncer cette escroquerie. Onfray et Simon auraient pu baptiser leur aventure de presse « Souveraineté », « Défense de la nation », « unité nationale » ou tout autre terme de ce genre, comme « front national » (le front national était à la Libération une organisation satellite du PCF) ! Ces termes auraient clairement annoncé la couleur. Mais non ! « Front populaire », comme s’il s’agissait d’une organisation (alors qu’il s’agit simplement d’une entreprise de presse) et comme si cette entreprise se situait dans la tradition ouvrière — ce que ses initiateurs refusent avec la dernière énergie, eux qui pensent que le socialisme et le communisme sont encore pires que le fascisme.
Laissons de côté les positions politiques de M. Onfray ainsi que ses exploits antérieurs de faussaire et de calomniateur, propulsé par les médias officiels. Laissons aussi de côté les accusations ridicules du Monde, de Libé et autres journaux de la propagande officiels qui veulent faire croire que tous ceux qui participent à l’entreprise Onfray-Simon sont des fascistes. C’est à l’évidence faux et même Onfray qu’ils lynchent maintenant après l’avoir promu est tout sauf un fasciste. Mais politiquement, il serait temps de dissiper les confusions que cette opération — aux lendemains problématiques — a produites.
En ce qui nous concerne, la seule souveraineté possible est la souveraineté du peuple et cela s’appelle république. Et comme il n’y a pas de véritable république qui ne soit la république sociale, pour nous, la souveraineté est étroitement liée à la lutte contre la classe capitaliste, nationale et transnationale, c’est-à-dire à la lutte pour le socialisme. Nous sommes contre le « girondinisme » parce que nous sommes pour la république une et indivisible, et hostiles à tout ce qui conduit à « L’Europe des régions ». Nous sommes contre l’alliance capital-travail, parce que nous sommes opposés à toute forme de corporatisme qui soumet la classe ouvrière aux intérêts patronaux. Et si nous pensons que face au danger on peut s’allier avec le diable et même avec sa grand-mère, encore faut-il qu’il y ait lutte réelle, sur des objectifs précis — par exemple sortie de l’UE, de l’euro et de l’OTAN et non des palinodies et des exercices de virtuosités rhétoriques sans autre visée que de procurer un public à des stars vieillissantes. Entre le « girondin » Onfray et un Chevènement qui continue d’apporter son soutien à Macron, de quelle lutte parle-t-on ? Le prétendu « front populaire » n’est qu’un salon mondain où se précipitent des gens qui croient que caméras et micros se tournent souvent vers l’allumé du bocage (normand), ils pourront en profiter pour se faire connaître. Mais, même cet objectif minuscule est une illusion.
Faire la clarté dans les idées et lutter pour regrouper le peuple, nous continuons cette tâche.
Denis Collin — le 7 juillet 2020.