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« Dépasser franchement le capitalisme »... par une transformation socialiste. C Delarue
mardi 16 juin 2009, par
« Dépasser franchement le capitalisme »... par une transformation socialiste !
* Suite du débat sur le rapport Stiglitz à Paris le 15 juin 2009.
* Contribution sur le débat stratégique en vue de l’Université d’été à Arles fin aout 2009.
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article712
NB : La partie III a été ajoutée ensuite. Elle est modifiable car il s’agit d’une tâche en principe collective.
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Les peuples-classes sont quasiment absents au niveau mondial. Seules les élites y agissent. Le plus souvent néo-libérales, parfois néo-keynésiennes. Très rarement, une figure connue de l’altermondialisme y donne son point de vue. Comme François Houtard en ce mois de juin 2009.
Les peuples-classes ont plus de chances de faire aboutir leurs droits et intérêts au plan continental et national. Mais les combats sont à mener sur tous les terrains, y compris au niveau mondial. Une régulation mondiale est nécessaire mais celle qui est proposée par la commission
Stiglitz semble très limitée ( en mandat comme en propositions) et minoritaire. Par ailleurs, le pouvoir d’agir des altermondialistes est très réduit. Le socialisme-communisme mondial est une perspective lointaine.
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I - DEPASSEMENT DU CAPITALISME SANS ÉVOQUER LE NEO-SOCIALISME !
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La question des alliances avec les néo-keynésiens - ceux de l’ONU (Commission Stiglitz) ou ceux agissant au niveau continental ou national - bien discutée par Gustave Massiah, Pierre Khalfa et Jean-Marie Harribey, ne doit pas être un prétexte pour cacher notre drapeau, celui d’un nouveau socialisme directement en prise d’inversion des logiques actuelles (Lire contribution 1).
Il ne s’agit donc pas d’évoquer le socialisme à la moindre occasion sans rapport avec le sujet . Il ne faut pas avoir honte de vouloir une autre société à construire sur d’autres logiques. Les tracts CGT datant de 20 ans n’oubliaient pas de mentionner à l’occasion le socialisme. Mais il n’était pas question de logique mais de modèle. C’est ce qui a changé.
A) Le drapeau de « l’autre monde » se déploie ici et maintenant !
Pas de retour en arrière : conservons la boussole d’un autre monde nécessaire et possible. C’est une donnée de fait, pas une utopie. C’est une exigence portée par des millions de personnes dans le monde. Ce n’est pas une question de théorie !
– Une bataille idéologique récurrente
Dans ATTAC, une position de congrès votée en juin 2006 à Rennes (2) précise que nous avons, par définition, dans le nom même du mouvement dit altermondialiste, une perspective alternative : l’autre monde n’est pas simplement ce monde-ci en mieux . C’est réellement un autre monde fonctionnant sur d’autres logiques que nous voulons. Et nous avons de bonnes raisons de le vouloir !
A la question classique de l’altermondialisme (3) est venue s’ajouter celle plus récente issue de la crise systémique. Faut-il rompre avec le capitalisme ou le refonder ? (4) Là encore c’est la rupture franche déjà présente dans le Manifeste de 2007 qui marque notre orientation. Rompre, c’est autre chose que dépasser. C’est là qu’intervient la distinction de la théorie et de la pratique. Une certaine logique distingue la théorique ou la rupture est pensée de la pratique ou seul le dépassement est admis. Il y a un blocage épistémologique.
– Dépassement vers quoi ? Le nom de l’autre monde !
Son nom c’est le néo-socialisme ou l’éco-socialisme pour celles et ceux qui mettent l’accent sur sa dimension écologique.
ATTAC ne théorise pas un dépassement vers un alter-capitalisme ! Il nous faut donc nécessairement choisir entre transformation sociale et transformation socialiste, entre République sociale et République socialiste. Et faire un tel choix ne signifie pas absence de participation à des combats communs avec des acteurs à objectifs différents. Mais on peut s’abstenir voire s’opposer à certaines orientations qui ne vont pas dans la bonne direction.
Évoquer sans plus de précision le dépassement du capitalisme est fort ambigu et même insuffisant quand certains visent simplement à remplacer « à froid » (par en-haut) la forme du capitalisme existant par une autre forme, par un « alter-capitalisme ». C’est là la perspective des keynésiens de la refondation verte du capitalisme. Elle a le mérite d’être annoncée clairement.
B) La question des pratiques, et le mouvementisme respectueux de l’ordre existant.
Le dépassement du capitalisme est fondé lui sur deux orientations complémentaires qui sont d’une part la critique du capitalisme au plan théorique mais d’autre part un soutien aux diverses actions dites « alternatives » au plan pratique. Mais ce positionnement n’est pas toujours suffisant ou satisfaisant. Il suscite la critique.
Il n’est pas suffisant pour deux raisons : d’une part parce que l’éclatement des pratiques sociales plus ou moins alternatives dans chaque micro champ social ne favorise ni la vision d’ensemble d’une alternative ni même la convergence des acteurs sociaux impliqués, et ce malgré les tentatives dans les Forum. D’autre part parce que la période de crise incite quasi naturellement à proposer une perspective alternative globale.
Comme ce positionnement en deux volets ne suffit pas alors on ajoute que les modèles post-capitalistes sont des épouvantails totalitaires. C’est à la fois indigne intellectuellement 1 et c’est surtout une marque aussi de défaitisme 2.
1 - C’est indigne intellectuellement car on excite le cerveau reptilien de l’anticommunisme primaire alors que d’une part le risque totalitaire vient aujourd’hui de l’Etat sécuritaire et xénophobe et que d’autre part on feint d’ignorer les propositions démocratiques et émancipatrices du néo-socialisme qui se bat contre le sexisme et le racisme ce que n’ont pas fait les versions autoritaires du pseudo-socialisme
2 - Cela fait le jeux des dominants, qui eux défendent leur système malgré la déroute. Évoquer simplement le dépassement sans même parler de post-capitalisme c’est céder au mouvementisme qui par définition ne se fixe pas de but mais des conquêtes partielles. Seul le mouvement compte. Ne pas se fixer de but c’est ne pas proposer de perspective alternative. Cela fait beaucoup de défauts !
Or dépasser l’existant à partir des pratiques sociales ne suffit pas. Toutes les pratiques ne tendent pas à dépasser l’existant et encore moins à rompre. Certaines pratiques sociales dites micro-alternatives s’accommodent fort bien du marché et du capitalisme. Elles demandent
juste de la place pour exister aux marges du cœur capitaliste . Par contre, les mouvements de grève et de manifestations de l’hiver 1995, du printemps 2003 et du printemps 2009 malgré leurs limites peuvent en pointillé montrer qu’une autre société car ils sont porteurs de
revendications qui prennent le contrepied de la financiarisation, de la marchandisation et de l’appropriation privée.
Formuler une pespective pour notre temps ne reviens pas à formaliser un modèle totalement préconçu. Mais entre le le flou et le modèle abouti il y a place pour ce que l’on peut appeler l’alternative socialiste.
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II - LA MONTEE DE LA TRANSFORMATION SOCIALISTE.
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Sortir du capitalisme suppose un projet et des forces sociales à unir mais aussi une inscription dans le temps. Mais le temps ne s’écoule pas de façon linéaire ; il connaît des accélérations tout comme des reculs et des avancées. Les accélérations fournissent des opportunités de créer
de la rupture franche.
– Rompre ou dépasser
Le problème central du peuple-classe c’est que toutes les forces sociales et politiques normalement requises pour son émancipation ne souhaitent pas rompre. Et la « non rupture » elle même connaît des nuances qui vont de l’accompagnement pure et simple des « réformes »
néolibérales à une stratégie fort modeste du dépassement du capitaliste . Par exemple lors du printemps 2003 en France, une opportunité de porter plus en avant l’affrontement contre le pouvoir était possible. Bien que réalisée sur une base nationale la volonté de poursuivre et d’intensifier la lutte aurait débouché sur un autre paysage politique. 2003 est le signe d’une opportunité manquée et d’une crise de direction pour les mobilisations populaires, dont les syndicats et les partis politiques ne sont pas sortis. On pourrait, c’est à vérifier, en dire de même pour le premier semestre 2009 en France. Les mots ont donc une importance : Rompre, dépasser, refonder.
Le dépassement n’est pas la rupture. Mais la rupture n’est pas non plus « le »grand soir’ ou le basculement violent en un jour dans « l’autre société ». Encore que rien n’interdise de penser que dans une succession d’événements l’un d’eux puisse être vu à posteriori comme moment décisif de rupture. Le dépassement laisse entendre une très longue période de changements ou des conquêtes peuvent succéder à des reculs. En somme le dépassement laisse entendre, à mon avis, qu’il n’y a pas de réformes radicales opérant « effet cliquet » de par sa constitutionalisation ou par
un puissant soutien social. La phase de rupture signifie pour reprendre la formule de Lénine que les dominants ne veulent plus du pouvoir et que les dominés, le(s) peuple(s)-classe, y sont candidats.
– Le peuple-classe devient peuple-nation.
Dans cette période on approche de la formule, considérée comme utopique, du « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Sans doute faut-il penser qu’une nouvelle couche sociale va émerger du peuple-classe mais sans se constituer réellement en élite ou en bureaucratie donc sans se séparer de trop par l’usage de dispositifs qui l’éloignent des tâches ordinaires du peuple. Le peuple-classe devient peuple-nation dans la mesure ou il fait prévaloir ses intérêts globaux comme matrice de l’intérêt général du territoire considéré. Ce faisant « les dominés de rien deviennent tout ». Ils gagnent en liberté, en égalité et en fraternité dans une société plus respectueuse de la nature mais aussi laïque, non raciste, non sexiste.
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III - PROGRAMME DE SORTIE DE LA CRISE SYSTEMIQUE
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Concrètement, il s’agit de proposer face aux crises des ponts vers le néo-socialisme à l’échelle nationale, continentale et mondiale.
A) Un bouclier social.
1 - Application des normes de l’OIT dans le plus grand nombre de pays à commencer par l’Union européenne. Respect des droits contre le racisme et le sexisme. Respect de la laïcité.
2 - Soumettre la finance, réhabiliter la sphère productive : Nationaliser les grandes banques et créer un pôle public financier et bancaire.
3 - Réhabilitation des productions non marchandes, réhabiliter la production de valeur d’usage, promotion des biens publics : Nationaliser et créer des SPN pour le logement, l’eau, l’énergie, l’instruction, la santé, les transports, etc. puis favoriser la mise en réseau public en Europe.
4 - Réhabiliter le travail et la richesse : Suppression des stock-options, Salaire minimum en Europe qui serait à 1500 euros en France . Interdiction des licenciements
5 - Défendre le salaire direct et socialisé : Abroger les réformes de capitalisation des retraites. Défendre le salaire socialisé.
6 - Réhabiliter l’impôt juste : Reconfigurer l’impôt sur le revenu et lui donner plus de place, diminuer les impôts indirects (TVA) ; Prendre sur les profits et les riches. Ne pas toucher au moins de 3000 euros par mois. Réduire les budgets militaires.
7 - Défendre la Sécurité sociale, la rendre aux travailleurs.
8 - Interdire les délocalisations
B) Un bouclier écologique
Création d’une Organisation mondiale de l’environnement.
Application de la Convention sur la diversité biologique (1992)
Création d’un fond global de financement pour le climat sous l’égide de l’ONU
Adoption d’un programme contraignant et différencié de réduction des émissions de gaz à effet de serre
Interdiction du brevetage du vivant et abrogation de la directive européenne qui l’autorise
C) Un bouclier démocratique
– Limiter la gouvernance dans divers secteurs (intervention de patrons, de syndicalistes, de religieux, d’associatifs mais pas des citoyens) au profit d’une démocratisation des territoires et des structures.
– Favoriser l’intervention citoyenne pour les grands choix de « développement durable » à divers niveaux de territoire et dans divers champs d’activité. Donc ouvrir les secteurs d’activité (entreprises et branches) à cette intervention citoyenne.
– Ouvrir des débats pluriels en lien avec ce renouveau démocratique.
– Limiter le nombre des mandats.des élus
– Octroyer des revenus raisonnables aux élus entre ni trop ni pas assez (entre 2000 et 7000 euros en Europe)
D) En finir avec l’impérialisme contre les peuples du Sud
– Réhabiliter l’ONU (à réformer) contre l’OTAN (à détruire)
– Réduire et détruire les armes nucléaires.
– Rendre possible la sortie de l’OMC. Réformer l’OMC et la placer sous l’égide de l’ONU.
– Annulation de la dette des pays périphériques (cf CADTM)
– Pour des accords de partenariat économique nord-sud plus respectueux du développement des peuples, donc à inégalité favorable aux dominés.
– Autonomie de décision quand à la participation à l’économie mondiale. Possibilité de sortir de façon sélective des échanges marchands mondiaux.
– Favoriser et promouvoir la solidarité entre les peuples-classe. Défense des peuples durablement dominés de la planète afin qu’ils puissent prendre en main leur destin.
– Combattre les élites maffieuses ici et las-bas.
E) Contre la crise alimentaire.
– réduction de l’agriculture productiviste et destructrice des ressources naturelles,
– soutien des systèmes agricoles autonomes, économes en énergie fossile et en intrants et soucieux de préserver le patrimoine naturel commun (eau, biodiversité, fertilité des sols…),
– une régulation du foncier visant l’installation de nouveaux agriculteurs et la transmission des exploitations ;
– un soutien significatif des pratiques de production écologiques, de l’agriculture biologique, des filières courtes
– une relocalisation de la transformation et de la distribution
Christian Delarue
CA ATTAC France (membre fondateur MRAP)
1) Crise systémique : Pour qu’une branche de l’altermondialisme déploie le drapeau du socialisme ! Un proto-socialisme en prise non avec un dogme mais avec les revendications du moment, celles contre les réformes Bachelot et Pécresse.
Pour une version plus détachée d’une situation concrète lire :
Vers un néo-socialisme vert : Etendre le marché ou le circonscrire ?
http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=3717
2)Construire un monde meilleur... ou construire un autre monde Amendement présenté à Rennes lors de la discution du Manifeste.
http://www.france.attac.org/spip.php?article6519
3) UE 2008 : Intervention de Christian DELARUE au nom du MRAP
http://www.france.attac.org/spip.php?article8869