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Critique du découpage stratificationniste de Régis Bigot . C Delarue

vendredi 7 octobre 2011, par Amitié entre les peuples

Critique du découpage stratificationniste de Régis Bigot .
Introduction d’une problématique néomarxiste.

Régis Bigot (1) dans son étude note la difficulté à définir la classe moyenne ou les couches moyennes. Il propose des critères pour séparer les couches sociales et subdivisions de couches sociales que le néomarxisme conteste.

Il importe de sortir du marxisme orthodoxe pour une analyse contemporaine des classes sociales. C’est pourquoi le néomarxisme proposé ici exprime une extension de la définition d’une classe sociale qui ne situe pas exclusivement sans le champ de la production mais aussi dans celui de la circulation marchande. Autrement dit le travailleur qui quitte son usine ou son bureau n’en finit pas pour autant d’être au cœur de rapports sociaux. Pour vivre il doit consommer donc entre dans un rapport social de solvabilité face au marché. En fonction du contenu de son patrimoine, de sa « surface financière » il disposera un pouvoir insuffisant, juste suffisant, confortable ou nettement excessif pour vivre. Cette façon de voir bouscule la classification courante telle qu’appliquée par Régis Bigot dans une étude au demeurant fort sérieuse. Elle conteste aussi les conceptions classiques du marxisme.

On fera des commentaires aux 6 affirmations de l’auteur. Il indique :

1 - « que les Français considèrent, en moyenne, que l’on peut se sentir riche lorsqu’on gagne environ 4500 € par mois ». Une chose est sûr on n’est plus prolétaire avec un tel revenu mensuel. On peut sans doute vendre sa force de travail pour vivre ce qui définit un travailleur salarié mais pas se dire prolétaire. Et c’est un point essentiel pour appréhender le réel dans une perspective émancipatrice. Un tel salarié n’est pas un bourgeois avec 4500 € net par mois . Du moins pas simplement de ce fait. Au-delà de 3000 € par mois on sort du prolétariat et on passe à la petite-bourgeoisie salariée. La petite-bourgeoisie ne concerne pas seulement les professions libérales aisées.

2 – L’auteur poursuit : « Nos concitoyens ont une vision un peu déformée de la réalité. Or, c’est une somme que seuls 3% de la population perçoivent en réalité ». Commentaire : Le chiffre de 4500 € net par mois et de 3% ne suffisent pas à définir la bourgeoisie. Le patrimoine immobilier et mobilier doit être pris en compte. La dimension réseau relationnel aussi. Le capital industriel, commercial et financier dispose d’une puissance monétaire et d’un pouvoir de propriété à mesurer.

3 - « Pas facile de dire que l’on est »aisé« ou »privilégié« en France... » Réponse : Peut-être est-ce du fait de la tendance est de taxer les couches aisées petite-bourgeoises et non les riches bourgeois . A vérifier cependant. Le plus important est surtout de situer l’aisance. On peut très bien avoir plus que le revenu médian et plus que le revenu moyen et demeurer un prolétaire qui épuise son salaire en fin de mois ou qui n’économise qu’une somme modeste pour l’épargne. C’est le cas de celles et ceux qui disposent de 1800 à 2700 € par mois. Au-dessus de 3000 € par mois on passe dans la classe de la petite-bourgeoisie « aisée » mais pas riches. Et encore ce niveau de 3000 € ne concerne que les personnes seules avec enfants car un célibataire gagnant plus de 2700 euros par mois dispose d’une épargne de fin de mois qui lui permet de sortir de la condition prolétarienne.

4 - "Parmi les 20% des personnes disposant des plus hauts revenus, 79% considèrent qu’ils font partie des classes moyennes (parmi eux, 29% estiment qu’ils font même partie des classes moyennes inférieures !). Commentaire : Au lieu de s’en étonner il faut l’expliquer : un petit-bourgeois aisé n’est pas un bourgeois riche. C’est fondamentalement différent. D’un point dynamique, il arrive fréquemment que des petit-bourgeois soit déclassés en prolétaires par la crise économique avant la retraite (dans le privé). Il faut aussi évoquer une autre subjectivité : il y a de nombreux prolétaires qui deviennent petit-bourgeois en fin de carrière dans le public comme dans le privé. Ces nouveaux petit-bourgeois n’ont pas nécessairement la grosse tête !

5 - « En haut de l’échelle des revenus, les 600 000 personnes les plus riches, qui gagnaient 8 500€ par mois il y a dix ans, gagnent aujourd’hui 10 800 € par mois » Commentaire : On pointe ici peut-être le haut de la petite-bourgeoisie qui bascule dans la bourgoisie privée ou publique. La sensibilité contemporaine – en tout cas dans l’altermondialisme et l’écologie réprouve ici deux choses : d’une part la tendance historique liée au néolibéralisme à l’approfondissement des inégalités : « les riches deviennent plus riches » et d’autre part la critique de la surconsommation qui se combine à l’accumulation du capital économique.

6 - « L’autre chiffre intéressant à avoir en tête est que 50% de la population gagne entre 1100 € et 2600 € par mois avant impôt. C’est cette fourchette que nous avons retenue pour définir les classes moyennes. Et comme ce n’est pas la même chose de gagner 1100 € et 2600 €, nous avons créé une distinction entre les classes moyennes inférieures et les classes moyennes supérieures (au seuil de 1750 €). » Commentaire C’est ridicule de parler de classe sociale quand on procède de façon stratificationniste à un simple découpage de couches sociales. Toutes ces couches sociales prolétaires disposent d’un pouvoir d’achat de sous-consommmation face au marché. Il est malsain de subdiviser les sous-consommateurs. De plus, les sous-prolétaires plongés dans la misère ne sont pas évoqués. ici c’est plus du côté de la production qu’il faut saisir le mouvement de la vie réelle.

Christian Delarue

1) « Les classes moyennes font du surplace », entretien avec Régis Bigot
le 5 mars 2009