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BIGEARD : Honnorer un tortionnaire, c’est légitimer l’insulte et l’injure ! C Delarue

vendredi 19 octobre 2012, par Amitié entre les peuples

BIGEARD : Honnorer un tortionnaire, c’est légitimer l’insulte et l’injure !

Mépris contre la République postcoloniale !

Ce 20 novembre 2012, date de l’opération Castor menée à Dien Bien Phu en 1953, sur le site du Mémorial des Guerres en Indochine de Fréjus, Le Drian, ministre de la Défense, inaugurera une stèle qui accueillera les cendres du général Bigeard. [1]

 Le contraire de l’admiration !

Le Général De la Bollardière mérite lui les honneurs et la vive admiration de tous les humains, hommes et femmes, soucieux de paix, de justice et d’émancipation mais certainement pas son contraire, pas Bigeard. Jamais !
Il faut savoir admirer les êtres estimables mais aussi « cracher » sur les réhaussements indus de certains individus malfaisants.

C’est pour cela qu’il ne faut pas cracher tout le temps et partout sur ses proches. Il faut vraiment réserver son mépris le plus fort à ceux (et celles) qui assurément le mérite. Il ne faudrait pas se laisser aller deux secondes à traiter cet individu de divers noms le rabaissant si ce dernier n’allait pas être honteusement honoré (ce 18 octobre).

Il faut bien comprendre que dans un monde de brutes il faut peser de tout son verbe , de toute sa voix et de son regard pour promouvoir le civisme, la cordialité, le respect. Mais ici il s’agit de rétablir une justice bafouée, de rabaisser à sa juste hauteur un individu surélevé alors que notoirement peu recommandable.

 Un tortionnaire en Algérie !

C’est un tortionnaire qui sera ainsi officiellement honoré. Un des gestapistes français de la guerre d’Algérie dénoncés par Claude Bourdet dès novembre 1955.

L’ancien Résistant et déporté à Buchenwald écrivait :

« Le supplice de la baignoire, le gonflage à l’eau par l’anus, le courant électrique sur les muqueuses, les aisselles ou la colonne vertébrale, sont les procédés préférés, car bien appliqués ils ne laissent pas de traces visibles.

Le supplice de la faim est également constant. Mais l’empalement sur une bouteille ou un bâton, les coups de poing, de pied, de nerf de bœuf ne sont pas non plus épargnés ». [2]

A la fin de la guerre d’Algérie, en proclamant rapidement l’amnistie, De Gaule a empêché que ces crimes puissent être amplement connus. [3]

Il faut attendre juin 2000 et la publication par Le Monde du témoignage de Louisette Ighilahriz pour que ces pratiques soient dévoilées à un large public.

En 1957, âgée de 20 ans, Louisette Ighilahriz est une combattante du Front de libération nationale (FLN).

Tombée, avec son commando, dans une embuscade tendue par les parachutistes du général Massu, elle est capturée et emmenée, grièvement blessée, au quartier général.

Là, elle est torturée, sans relâche, trois mois durant.

Dans son récit, Louisette précise comment Massu, ou bien Bigeard, quand ils venaient la voir, l’insultaient et l’humiliaient avant d’ordonner de la torturer.

« Massu était brutal, infect. Bigeard n’était pas mieux ».

Louisette a souvent hurlé à Bigeard : « Vous n’êtes pas un homme si vous ne m’achevez pas ».

Il lui répondait : « Pas encore, pas encore ! ».

Elle ne doit sa survie qu’à un médecin militaire qui la découvre fin décembre 1957 et la fait transporter dans un hôpital où elle échappe à ses bourreaux.

A l’annonce de la mort de Bigeard, Louisette Ighilahriz, a déclaré :

« Chez nous, le nom de Marcel Bigeard est synonyme de mort et de torture. Il aurait pu libérer sa conscience avant de mourir.

J’en suis profondément déçue, malade ».

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[1] Après son décès en juin 2010,Sarkozy a salué un « très grand soldat » qui incarnait « pour les Français la figure héroïque du combattant ». Quant à Jean-Pierre Masseret, président socialiste du Conseil régional de Lorraine, il a exprimé son « émotion » et sa « tristesse ».

[2] France-Observateur, 13 janvier 1955, Votre Gestapo d’Algérie. Ancien Résistant, Claude Bourdet a participé à la fondation du mouvement Combat qu’il réprésente au Conseil national de la Résistance (CNR). Arrêté en 1944, il est déporté à Buchenwald.

[3] Le seul officier qui ait été sanctionné est le général Pâris de Bollardière : il a été condamné à l’emprisonnement en forteresse pour avoir dit au général Massu que les méthodes qu’il employait le dégoûtaient et qu’il n’avait que du mépris à son égard. Ce militaire refusait les méthodes de répression et la torture.