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ATTAC : L’Union européenne à genoux devant les marchés

mercredi 4 mai 2011, par Amitié entre les peuples

L’Union européenne à genoux devant les marchés

Publié le 18 mars 2011 par Attac France

Alors que la crise s’amplifie en Europe, l’Union européenne et les gouvernements des États membres restent sourds aux mobilisations. L’entreprise de démolition des retraites, de la protection sociale, des services et de l’emploi publics s’accélère au rythme des mesures d’austérité destinées à « réduire les déficits ». Celles-ci ne remettent pourtant que rarement en cause les cadeaux fiscaux accordés aux plus favorisés depuis des dizaines d’années, ou encore les intérêts grassement payés aux marchés financiers au titre du service de la dette… voire la dette elle-même, pourtant illégitime et qui devrait être restructurée (en d’autres termes, au moins partiellement annulée).

Ces prochains mois, la Commission et les gouvernements s’apprêtent à franchir un nouveau cap : la mise en place d’un véritable mécanisme d’austérité permanente, avec une surveillance des budgets nationaux et un dispositif de surveillance des « déséquilibres économiques » sous la forme d’un « pacte de compétitivité » rebaptisé « pacte pour l’euro ».

Celui-ci pourrait bien justifier de nouveaux projets de casse sociale au nom de la « compétitivité » des économies européennes, en continuité avec les politiques déjà mises en œuvre précédemment (Stratégie de Lisbonne). Ce pacte représente par ailleurs une étape supplémentaire et décisive vers une Union européenne résolument technocratique et antidémocratique. C’est pourquoi il est plus que jamais nécessaire aujourd’hui de renforcer et conjuguer des mobilisations sociales, citoyennes et populaires, à même de changer la donne en Europe…

Des subprimes à la crise de l’euro,
ou comment les fauteurs de la crise ont retourné la situation à leur profit…

La crise des subprimes de 2007, et l’effondrement financier qui s’en est suivi, ont apporté un sévère démenti au principe de rationalité des marchés. Ils ont mis en lumière le fonctionnement réel d’un système financier opaque et dévoyé, dont l’obsession pour le profit à court terme a fini par provoquer l’effondrement. La faillite du système allait-elle permettre de remettre en cause son fonctionnement ? Bien au contraire… Le poids politique dont disposent les grands acteurs de la banque et de la finance leur ont permis de réaliser l’improbable : retourner en leur faveur une partie qui s’avérait bien mal engagée.

En à peine deux ans, la situation s’est renversée : les banques privées ont utilisé l’afflux d’argent public bon marché (renflouement des banques à taux d’intérêt faibles de la Banque centrale européenne) pour spéculer sur la dette des États membres, en particulier ceux réputés plus fragiles (et donc les plus « rentables »), obligés, conformément aux exigences du traité de Maastricht, de se refinancer sur les marchés aux taux que ceux-ci leur imposent, incorporant une prétendue et exorbitante « prime de risque ».

La crise grecque a ainsi été le premier acte de ce renversement de situation : profitant de l’annonce d’une détérioration des prévisions économiques, d’importantes banques et fonds spéculatifs, et notamment Goldman Sachs, ont lancé une vague de spéculation sur les obligations d’État grecques. La Grèce a ainsi été contrainte de se refinancer à des taux artificiellement élevés, au risque de devoir se déclarer en défaut de paiement.

Afin d’éviter un tel recours (qui affecterait notamment les bénéfices des principaux prêteurs que sont les banques allemandes et françaises), les gouvernements européens, l’UE et le FMI sont intervenus via un « plan de sauvetage »… qui visait avant tout à garantir les intérêts des créanciers. En échange de quoi le gouvernement grec s’est engagé à tailler à la hache les salaires, les services publics, les dépenses sociales, sous la surveillance rapprochée de la Commission européenne et du FMI.

La crise grecque est une conséquence directe du refus catégorique des gouvernements européens de faire payer à la finance les pots cassés de la crise. Ce refus d’une véritable rupture les entraîne dans une fuite en avant de réformes néolibérales, dans une logique de « compétitivité »… qui a déjà fait les dégâts que l’on sait. Cette logique est une variante du principe selon lequel il faut « privatiser les profits », et « socialiser les pertes » ; mais aussi une illustration des rapports de force actuels, compte tenu de l’insuffisance des résistances citoyennes à l’échelle européenne.
La méthode sera réaffirmée de manière plus vigoureuse au moment de l’intervention de l’UE et du FMI en Irlande, « tigre celtique », dont l’économie était pourtant désignée comme le « modèle » des politiques économiques néolibérales menées en Europe depuis des décennies. Lorsque les banques irlandaises s’effondrent, le « bon élève » ne manquera pas d’appliquer les saignées des prescripteurs néolibéraux. Résultat : après un troisième plan d’austérité, les perspectives de reprise paraissent incertaines. Pire, les politiques d’austérité, en asséchant la demande interne, entretiennent la morosité de l’économie et un chômage structurellement élevé.

Les exemples grec et irlandais sont riches en enseignements. Ils montrent que la crise de la dette qui frappe l’Europe est un héritage de politiques monétaires et fiscales menées depuis des décennies en Europe (I. La dette publique).

En faisant la promotion des politiques d’austérité, les gouvernements européens persistent dans la volonté de faire payer les peuples, plutôt que les banques et les marchés financiers. Par une véritable « stratégie du choc », les gouvernements et la Commission s’apprêtent à généraliser à l’échelle européenne un mécanisme permanent dit de résolution des crises, assorti d’une surveillance macroéconomique des économies européennes par des instances non élues : la Commission européenne, la Banque centrale et le FMI... Ceux-ci seront au cœur d’un « pacte pour l’euro » institutionnalisant des politiques d’austérité sociale et de concurrence (II. Politiques d’austérité et nouvelle « gouvernance économique »).

Cependant rien n’est réglé, comme le montrent les mouvements sociaux qui se succèdent dans les différents pays européens et qui ressentent ces mesures comme profondément illégitimes et inefficaces (III. Mobilisations). Nous verrons dans une dernière partie comment Attac peut participer à une contre-offensive tant sur le plan national qu’à l’échelle européenne (IV. Alternatives à l’austérité).

I. La dette publique

Si l’on en croit le discours dominant au sein des institutions européennes, Commission, Conseil et même Parlement, la « dette publique » serait le résultat de l’indigence et de l’irresponsabilité des administrations publiques, qui auraient provoqué une explosion des dépenses. La crise financière et les politiques fiscales menées en Europe depuis des décennies ont pourtant joué un rôle bien plus déterminant dans l’accroissement de la dette publique.

Le rôle de la crise financière

En premier lieu, c’est bien la crise financière qui a contribué à l’explosion des dettes publiques. L’écroulement du système financier a en effet laissé de nombreuses banques au bord de la faillite, au point qu’on a évoqué un « risque systémique », c’est-à-dire le risque d’un effondrement généralisé du secteur bancaire, et donc d’un enlisement dans une récession mondiale majeure. Face à un tel risque, les gouvernements et les banques centrales ont accepté de souscrire des prêts considérables aux banques en difficulté, sans conditions… et sans contrôle de l’utilisation des fonds.
Néanmoins, les difficultés des banques et le resserrement général du crédit (crise de confiance dans le secteur bancaire) ont asséché les circuits de financement de l’économie. Non seulement les ménages ne peuvent plus obtenir facilement de crédits, mais ils doivent de toute façon diminuer leur consommation, soit parce qu’ils ont perdu leur emploi, soit parce qu’ils craignent de le perdre et épargnent par précaution. Bon nombre d’entreprises sont donc touchées par la baisse de la demande au moment même où elles sont fragilisées par les restrictions de crédit. Elles licencient, aggravant ainsi une baisse de la demande dont elles vont être victimes. Les États se sont alors endettés pour mettre en place des mesures de relance, et éviter aussi que la récession se transforme en vague dépressive.

La crise financière a finalement produit une explosion des déficits budgétaires et un gonflement important des dettes publiques. Dans la zone euro, le déficit public est passé de 0,6 % du PIB en 2007 à 6,3 % en 2009, la France évoluant dans la même période de 2,7 % à 7,5 %. Simultanément, la dette publique de la zone euro est passée de 66 % à 78,7 % du PIB, et celle de la France de 63,8 % à 77,6 % du PIB.

Des causes structurelles : fiscalité et politique monétaire
La crise financière a joué un rôle important dans l’accroissement de la dette publique, mais les origines de celle-ci sont antérieures.
L’accroissement de la dette est, d’une part, lié à une baisse des recettes de l’État due aux cadeaux fiscaux faits aux entreprises et aux ménages les plus riches, depuis environ un quart de siècle ; tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont mis en œuvre cette orientation. Ces mesures, promues à l’échelle européenne pour « stimuler l’offre de travail » et « améliorer la compétitivité des entreprises », ont non seulement entraîné un accroissement considérable des inégalités sociales, mais mis à sec les finances publiques.

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