Accueil > Altermondialisme > Contre la marchandisation ? > Le marché comme rapport social : Accès, droits. > BOUCLIER SOCIAL : En défense des prolétaires à 3000 euros par mois et moins !

BOUCLIER SOCIAL : En défense des prolétaires à 3000 euros par mois et moins !

dimanche 22 janvier 2012, par Amitié entre les peuples

BOUCLIER SOCIAL : En défense des 3000 euros par mois et moins !

Le premier partage a modifier concerne la masse salariale globale (à augmenter) à l’encontre de la masse des profits. Une lourde tendance liée au néolibéralisme est à inverser (1) ! Un second front du lutte existe aussi pour résister à la prédation des hauts salaires des cadres qui bride l’évolution des salaires des travailleurs salariés prolétaires . C’est une constante de la lutte des classe que la bourgeoisie se sort d’un conflit en s’appuyant sur l’encadrement supérieur à l’aide de grosses primes. Il convient alors de défendre le bloc des moins de 3000 euros net par mois, le bloc des prolétaires. Ce texte n’évoque pas le combat spécifique des femmes dans ce cadre mais il existe aussi.

Texte du 13 dec 2009 modifié le 22 janvier 2012

Introduction :

* Le contexte, la communauté nationale face à la fracture sociale.

Poser un tel chiffre - 3000 euros net par mois - semble arbitraire. Il s’agira d’argumenter pour réduire cet arbitraire, pour vérifier sa pertinence relative. Depuis aout 2007, la crise financière et économique est devenue sociale tant au sud qu’au nord. Au nord les couches moyennes et très modestes s’appauvrissent au sud les peuples meurent . Dans le même temps les très riches s’enrichissent tant au nord qu’au sud. (cf Michel Husson et autres) Comment stopper la spirale infernale prédatrice ?

Ici, les valeurs républicaines - Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité - ( qui devrait permettre de mettre en place un monde commun sans fracture sociale entre une minorité de très riche et les autres ) sont bafouées. Que vaut la fraternité quand l’inégalité sociale se creuse si fortement ? La pente de la courbe profit-salaire montre une longue accumulation qui profite aux premiers au détriment des seconds depuis 20 ans dans quasiment tous les pays de la planète. Lire ici Michel Husson (1).

Des individus possédant une richesse difficilement mesurable s’octroient encore des augmentations impressionnantes de revenus. Doit-on alors défendre absolument la liberté d’entreprendre comme un droit humain ? Quelle est cette liberté qui permet des « vols » collectifs financiers et bancaires légaux contre les différentes couches sociales du peuple-classe, notamment ceux d’en-bas qui sont bien souvent, de plus, les producteurs de l’existence sociale. Il s’agit d’une liberté-prédatrice, celle du « loup dans le poulailler ».

* La question des alliances est essentielle.

Quelle alliance entre couches sociales implique une telle défense de ceux d’en-bas ? La notion de peuple-classe distincte du peuple-nation ne peut servir que de cadre, de périmètre - c’est son avantage - mais n’est pas assez explicite pour discuter des alliances . Allons plus loin. Proposons une problématique politique à base « stratificationniste » relativement claire, donc à partir de niveaux de revenus. Et encore sans considérer les revenus foncier et les revenus financiers . Trop complexe. On se focalisera sur les seules dynamiques d’accroissement ou de décroissance salariale.

On posera les repères socio-économiques, puis les perspectives de changement.

*

I - LES LIEUX DE BASCULEMENT QUALITATIF en fonction du revenus.

Ils forment des barrières entre couches sociales.

A) Ceux d’en-haut.

Au sommet : « Les très hauts revenus (THR) augmentent plus rapidement que la masse des revenus, tandis que la majorité des revenus (90 % des foyers) voient leur revenu augmenter moins vite que la masse des revenus ». Voilà un résultat de l’étude de Camille Landais (2) aisé à retenir et qui mérite d’être retenu tout autant que la publicité soudaine du niveau du salaire moyen et du salaire médian.

Ce propos précise le niveaux de décrochage de revenus des THR. Au sein des 5% des foyers les plus riches, les revenus ont augmenté de 19% ; au sein des 0,1 les plus riches de 32% et au sein des 0,01 les plus riches de près de 43%. Sur le tableau d’évolution des revenus ces deux dernières courbes (0,1 et 0,01 les plus riches) sont nettement montantes surtout la dernière.

L’auteur ajoute que la France rompt avec 25 ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires. Outre les revenus mobiliers et les revenus fonciers l’étude montre une apparition dans la période récente (depuis 1998) de très hauts salaires, ceux des top-managers, des traders et des banquiers.

B) L’alliance à réaliser plus en-bas.

1) Tout en-bas : Le lumpenprolétariat doit vivre décemment.

Pour les sous-SMIC (les sous-prolétaires), il s’agit d’éviter la spirale de la misère et de se retrouver à la rue. C’est évidemment très important. Mais pour des raisons de justice sociale comme d’alliance sociale à construire, il faudra éviter de « prendre à Pierre (le moyen) pour donner à Paul (le sous-prolétaire) » en laissant les riches aussi riches . Ce serait du misérabilisme (aumône publique pour les très pauvres) et la poursuite de l’appauvrissement des couches moyennes et la poursuite de la politique sarkozienne de division entre couches sociales relativement proches en termes de conditions de vie .

D’ou la revendication urgente d’’augmentation des minimas sociaux et du SMIC. Il doit subsister une différence de niveaux entre travailleurs et titulaires de revenus sociaux. Le SMIC doit donc être augmenté et passer à 1500 ou 1600 euros par mois. Il faudrait en outre réhabiliter l’idée d’ascenseur social fondé sur la qualification personnelle et la carrière et ce sur un mode de « cohésion républicaine ». Cela permettrait à beaucoup de travailleurs et travailleuses de décoller du SMIC en France. Dans un pays riche, doubler en fin de carrière son salaire d’entrée devrait être courant surtout pour ceux d’en-bas. Hors cela arrive très facilement à ceux qui débutent d’emblée sur des salaires confortables du type 3000 euros à moins de 30 ans !

2) Au dessus, mais néanmoins en-bas : Les prolétaires.

Le niveau de franchissement du prolétariat se situe là ou il devient possible de vivre avec une capacité d’épargne stable, dégagée chaque mois. Une alliance de couches sociales entre lumpen-prolétaires et prolétaires permettrait d’éviter le solo mortifère du sous-prolétariat et de changer la donne. Sans cette alliance aucun changement décisif ne semble possible. Il faut une alliance pour construire un rapport de force contre les riches, contre la bourgeoisie.

a) Réhabiliter la notion de prolétaire.

Le prolétaire n’est pas seulement le travailleur salarié qui vend sa force de travail pour vivre à un capitaliste. C’est aussi, en quittant la sphère de la production pour la sphère de circulation des marchandises produites, celui qui épuise son salaire dans le mois pour la reproduction de la force de travail ; autrement dit le loyer ou les prêts immobiliers pour l’achat de l’appartement ou la maison, l’entretient de la famille (nourriture, santé, scolarité, etc..).

En 2009 en France et dans les pays similaires ce montant est grosso modo de 3000 euros net par mois ce qui correspond à 2 X le SMIC revendiqué (qui est donc de 1500 euros selon les syndicats de travailleurs). En 2012 cette zone de basculement n’a pas changé : elle fluctue entre 2600 à 3200 euros selon les situations.

Cette approche n’est pas fondée sur les notions de salaire médian ou moyen mais plutôt avec le cout de la vie, le type de fiscalité, et surtout la présence de service public sur le territoire. Des études scientifiques ont validés ce point comme étant plus déterminant que la fiscalité pour la redistribution des richesses.


b) Quelques points de repères supplémentaires pour renforcer le propos.

* Repères sur le plafond du prolétariat : Vivre avec une famille avec un seul salaire à 3000 ou même 3200 euros net perçu ne permet guère d’épargner beaucoup, juste un peu pour le livret A et obtenir un prêt immobilier de longue durée . C’est le plafond mensuel du prolétariat. Par contre un célibataire à 2500 euros net n’est peut-être plus prolétaire si le cout de la vie est « raisonnable » là ou il vie.
Par facilité, mais aussi pour tenir compte du fait qu’à un moment donné de la vie il peut être légitime d’épargner pour disposer de son propre appartement on va poser à 3000 euros net mensuel le plafond du prolétariat.

* Les travailleurs aisés : En tout état de cause on ne saurait se dire prolétaire avec 3500 euros par mois. Être « travailleur aisé » n’est pas être riche. Un certain nombre de travailleurs sortent par le haut du prolétariat en fin de carrière. C’est heureux. Ils mesurent leur avantage « non volé » en voyant le chômage de leur voisin(e) de 55 ans qui de ce fait demeure dans le prolétariat. Aisé certes mais un rien peut encore faire basculer dans la condition prolétarienne. Outre le chômage, il peut y avoir le cout élevé de certaines études à payer et un loyer à un jeune étudiant pour les fins de mois redeviennent juste.

*
II - QUELLE POLITIQUE DE CLASSE pour cette alliance d’en-bas.

1) Il ne suffit pas de défendre seulement le "bloc des moins de 3000-3200 euros par mois. Il faut aussi briser la dynamique d’accaparement des richesses par une petite minorité qui opère une énorme captation de richesse. Captation infondée de par son énormité mais aussi par le fait qu’il s’agir de plus des responsables de la crise que nous subissons. Il y a les responsables politiques qui ont édictés les règles, les dirigeants économiques impliqués dans le secteur financier bancaire mais aussi dans l’industrie qui ont permis la reproduction systémique de ce qui s’apparente à une énorme fraude.

Un plafond de revenu est donc nécessaire : 4 x le SMIC revendiqué ? Ce qui donne alors 6000 ou 6200 euros. A titre de période transitoire on peut proposer l’équivalent de 5 x ce SMIC revendiqué soit 7500 (pour 1500) ou 7800 (pour 1600) .

Le nivellement de l’envolée des revenus se justifie au titre de la redistribution des richesses. Un plafond supérieur est certes concevable mais il s’agit alors d’une autre alliance de classe que celle préconisée ici qui protège le peuple-classe . Par exemple on fera la distinction au sein des riches entre les très très riches (l’hyperclasse) et le reste de la bourgeoisie. La mesure est plus facile à mettre en application. Mais qui protège les riches laisse intacte l’actuelle hiérarchie des revenus.

Le nivellement de l’envolée des revenus se justifie au titre de la défense de la planète qui passe par la sobriété. Les très riches doivent d’abord faire cet effort. <http://www.agoravox.fr/tribune-libr...> S’il refusent, il s’agit de les contraindre. Il en en va de la vie du reste de l’humanité.

2) Ce qui importe aussi c’est l’accès au travail et à l’évolution dans le travail. Ne pas rester au chômage puis ne pas rester trop longtemps avec le SMIC.

3) Disposer d’un minimum de revenu pour les « sans emploi » est nécessaire pour éviter la pente vers la rue, donc de se retrouver « sans logement ». Défendre un véritable service public national du logement est nécessaire en plus de l’augmentation des minimas sociaux et du SMIC.

4) D’autres solutions sont à débattre : le statut du travail salarié permettant après formation qualifiante de passer à un autre emploi . Ce statut vaut pour le volontariat non pour l’acceptation des licenciements. La réduction du temps de travail (RTT 30 H hebdo ?) car certains travaillent trop et d’autres non. Il faut aller vers une application du principe fondamental qui exige qu’en société « nul n’est exempt - sauf exception - de participation à la production de l’existence sociale », qu’il s’agisse de production marchande ou non marchande. Mais en contrepartie il faut combattre le travaillisme !

Christian Delarue

1) De nouveau sur la part des salaires dans la valeur ajoutée (Michel
Husson)

2) Cf. Les hauts revenus en France (1998 -2006) : Une explosion des inégalités ? Camille Landais. Cet économiste reprend et actualise les séries d’étude de Piketty pour la période récente.