Accueil > Laïcité - Universalisme - Diversité > Possible critique des religions > Critique de l’emprise des religions > Emprise du religieux « par en-haut » et « par en-bas » : quelle laïcité ?

Emprise du religieux « par en-haut » et « par en-bas » : quelle laïcité ?

jeudi 6 août 2009, par Amitié entre les peuples

Emprise du religieux « par en-haut » et « par en-bas » : Contenir sans racisme.

Ce texte en complète d’autres dont le premier fut :
Essai sur la mentalité laïque (Delarue sept 2005)

L’emprise du religieux s’est historiquement exercée en France « par en-haut » via la religion catholique et ses appareils d’entretien et de diffusion ayant pour centre le Vatican... Cela perdure malgré la loi de 1905, prototype de la laïcité-séparation. L’emprise du religieux s’exerce aussi « par en-bas » du moins en Europe du fait de l’implantation discrète puis offensive des musulmans. L’arrière-plan de ce type d’implantation est le racisme anti-arabe en lien avec l’entreprise coloniale de la vielle Europe (France, Belgique, Italie, Espagne, Portugal) en Afrique.

Emprise signifie une dynamique sociale porteuse de sens qui sort de son champ - le foyer familial, le lieu de culte - pour agir en-dehors, pour s’investir ailleurs. Cela ne signifie pas que la religion doit être interdite. Tout un chacun est libre de croire ou non, d’avoir des convictions mais elles doivent s’exprimer discrètement et non de façon ostentatoire.

La pratique ostensible ne gêne pas certains ; ceux qui sous estiment l’influence pernicieuse de ces affichages religieux ambulants que sont le voile islamique, la burka ou la kippa. Mais d’autres estiment que ce genre de manifestations doit être circonscrit à certains lieux. Le débat porte alors sur les lieux.

Précisons qu’être ami de musulmans et musulmanes n’est pas ici un souci pour peu qu’elles n’imposent pas trop fortement leur visibilité de croyance. La burka est le sommet de cet affichage intempestif. On ne voit que cela dans une rue ou passe une musulmane en burka. La burka pose d’autres problèmes - santé, identification, etc... - non abordés ici.

*
Trouver les bons critères contre l’arbitraire.

*

A la laïcité-séparation (loi de décembre 1905) il faudrait ajouter la laïcité-neutralité. Si l’on va en ce sens, il s’agit alors de promouvoir une première série de critères distinctifs : 1) mentalité laïque discrète et pacifique contre emprise ostentatoire 2) « voilophobie » mais pas islamophobie. Ce qui doit se traduire par des pratiques sûres. Car certains se cachent derrière la « voilophobie » pour s’en prendre à l’islam et à tous les musulman(e)s sans distinction aucune. C’est une position à combattre. Elle est aussi illégale. Il faut donc aller plus loin pour éviter l’arbitraire.

Refuser l’emprise des religions « par en-haut » via les appareils religieux (masculins très souvent) ou « par en-bas » via les fidèles suppose d’adopter d’autres critères ; des critères valables pour toutes les religions car sans ce type de critère on tombe dans l’arbitraire et la discrimination . Le signe religieux ostensible différent du signe discret est un de ses critères - que je nomme mentalité laïque et pacifique - s’appliquant à toutes les religions tentées par un affichage excessif de la religion . Ce printemps 2009 le Conseil d’Etat belge a validé cette distinction universalisable à propos d’une décision d’interdire les signes ostensibles à l’école.

Cependant, le voile islamique pose une question particulière, spécifique. Ce sont uniquement les femmes qui sont couvertes. Il ne s’agit pas d’être ici « paternaliste » au sens de vouloir émanciper les musulmanes malgré elles. Plus simplement il s’agit de refuser une situation sexuée (deux régimes de « liberté ») et même sexiste (un régime enferme les unes et stigmatise les autres). Et de le faire de la façon la plus intelligente qui soit.

En plaisantant, comme l’indique JJ Lakrival (sur son blog), j’ai répondu récemment que par égalité et réciprocité les hommes musulmans devaient aussi porter un voile, partiel ou total selon ce que leur femme porte « librement ». Et par relativisme absolu, donc sans la moindre considération d’ordre public, on devait aussi tolérer les nudistes en ville comme on tolère les niquab. Au-dela de l’effet de plaisanterie, il y a une vérité lourde.

*
Liberté mais aussi contrainte et pénibilité proximale.

*

Certaines portent librement le voile. C’est indéniable. Y compris pour la burka. Mais d’autres non. Et elles sont nombreuses à subir cette imposition. Là, c’est grave. C’est là que doit porter le regard. Pas sur les autres.

Les musulmanes qui subissent le voile se font parfois « tabasser » quand elles soulèvent un bout de voile sous l’effet de la chaleur (cf affaire du parking marseillais) . Le voilage léger, moyen ou complet est imposé en général assez tôt dans leur vie. Il finit par devenir « une seconde nature ».

Pour celles qui le portent librement (et qui peuvent aussi l’enlever librement) comme pour les autres, il peut y avoir un principe de tolérance mutuelle, d’équilibre des respects, pas la tolérance demandée unilatéralement. Qu’elles le portent là ou il n’y a pas rapport social ne dérangera pas ou peu (il y a des exceptions). Un rapport social, égalitaire (collègue de travail) ou hiérarchique, met nécessairement en rapport des individus. A la différence d’une relation humaine inter-individuelle, on ne choisit pas ici d’entrer en relation. La relation est imposé par la situation.

Il est compréhensible de ne pas vouloir travailler avec une femme voilée qui sans avoir à parler vous répète à longueur de journée que Dieu existe et (en l’espèce qu’Allah est grand !). On peut lui signifier alors que son voile indispose et lui demander de l’enlever. On peut préciser à toute fin utile que l’islam n’est pas en cause (notamment au regard du nombre de musulmanes non protégées par un voile). Et, le cas échéant, on peut ajouter que « l’islam des caves » est insupportable et que les musulmans et musulmanes doivent disposer de lieux de culte, des mosquées. Pas nécessairement des bâtiments grandioses. La modestie du religieux dans le paysage public serait un plus vers la recherche du sens qui n’est pas l’exclusivité des religions.

Mais il ne s’agit pas que d’un conflit proximal avec une solution négociée au mieux « en local ». Il importe aussi de fournir en Europe des perspectives d’avenir à l’école, à l’Université, au travail, en salaire, en accès aux soins à tous les jeunes dont les musulmanes qui cumulent souvent une triple domination : de classe (pécarité accrue), de sexisme (à l’identique de beaucoup d’autres femmes), de racisme. Qui ne voit que l’effort à entreprendre est immense mais nécessaire ?

Christian Delarue