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AG du MRAP Décembre 2005 : RETOUR SUR L’ ISLAMOPHOBIE

mardi 19 août 2008, par Amitié entre les peuples

AG du MRAP Décembre 2005 : RETOUR SUR L’ ISLAMOPHOBIE

Document (qui évoque une période difficile de débats laborieux sur ce thème)

posté jadis sous Le MRAP ATTAC - Bien vu, Monsieur Delarue !
un article déconcertant et sidérant de Pascal HILOUT

Le secteur « altermondialisation » du MRAP n’aborde qu’assez peu la question de la laïcité au niveau mondial . La laïcité est pourtant beaucoup moins défendue par l’ONU que le « respect de la religion » . De nombreux ouvrages sur les droits de l’homme au plan mondial ne mentionnent pas la laïcité . Il est vrai qu’étant mouvement antiraciste et non mouvement de défense de la laïcité cette dernière ne semble pas notre objet premier . La question de la laïcité tout comme celle du droit des femmes apparait pourtant à chaque fois que l’on débat de l’islamophobie. C’est un fait têtu. Par ailleurs la commission « mondialisation » se soit e prendre en charge cette question que d’autres commissions abordent au plan national. Au sein du MRAP certains soulignent que la laïcité n’est pas gage de progressisme partout . D’autres répondent qu’il ne faut pas demander à la laïcité plus que ce qu’elle est . Dès lors les critiques faites aux régimes durs se réclamant de la laïcité relèvent parfois d’autres considérations que de l’observation des principes laïques.

Commençons par quelques distinctions de clarification sur l’islamophobie (1) avant de défendre une certaine religiophobie (2) . La partie 3 fait état de quelques débats connexes.

1) Islamophobie : trois distinctions fondamentales

Le terme de phobie laisse entendre un comportement irrationnel et non maitrisé . Il relève bien souvent de la pathologie ou des cas limites entre le normal et le pathologique. Nous verrons s’agissant de notre propos qu’il peut en être différemment. Dans le champ de l’antiracisme le terme a été accolé à une spécificité du racisme antisémite : la judéophobie.

Depuis l’automne 2003 l’islamophobie fait partie du répertoire des différentes formes du racisme combattu par le MRAP (cf échange Mouloud AOUNIT/ Christian DELARUE site rennes-info.org) . Son champ d’interprétation a été circonscrit après débat . Nous poursuivons ici ce débat.

 Il existe tout d’abord une « islamistophobie » légitime à l’encontre de l’intégrisme islamique (mouvement religieux réactionnaire et liberticide) et de l’islam politique (mouvement politicoreligieux). L’islamistophobie n’est pas l’islamophobie.

 Il existe une islamophobie raciste, celle qui cache un racisme antiarabe derrière sa haine de l’islam . D’une part elle fustige l’islam en bloc et attribue cette négativité essentielle à tous les musulmans sans distinction, d’autre part elle n’exprime pas pas son mépris à l’encontre de toutes les religions mais exclusivement contre l’islam et les musulmans. L’islamophobie raciste se manifeste surtout par des préjugés en acte contre des musulmans.

 Il y a aussi une islamophobie partie prenante de la religiophobie laïque classique rationnellement légitimée . Cette religiophobie n’est pas le masque du racisme fut-il respectable .

Il peut s’inscrire dans le combat historique contre la dynamique naturelle d’envahissement du religieux dans la sphère publique par les différentes religions ; (lequel envahissement ne peut se réduire sans hypocrisie à la pose de crucifix sur les murs de bâtiments non confessionnels).

La religiophobie laïque renouvelée par les formes nouvelles du combat mené par l’ordre moral religieux distingue ce qui relève de la diversité culturelle (objet d’une analyse différente certaines, quoique laïques, pouvant être réactionnaires d’autres respectables) de ce qui s’attache à la diversité religieuse. La diversité religieuse opère dans l’espace publique - un affichage religieux dominant et envahissant, - une annulation de l’espace commun neutre et pacifique, - une annulation de ce qui peut relever de la non-croyance, ce qui constitue le but ultime de l’ordre moral religieux et conséquemment le fond radical de notre désapprobation et m^me de notre colère.


2) Nous sommes pour une colère religiophobique maîtrisée, circonscrite.

 D’une part le mépris religiophobe ne s’adresse pas aux croyants et croyantes de mentalité laïque (cf échange Jean BOUSSINESQ / Christian DELARUE rennes-info.org) . Ces derniers sont libres et respectés .

 D’autre part, tout comme la critique de la publicité envahissante à caractère sexiste cette religiophobie peut générer des comportements contestataires qui dépassent la simple critique. Ils s’adressent aux « personnes-sandwichts » de la religion, aux porteurs de signes ostensibles/ostentatoires et continus dans l’espace public.

 On distingue dans ce cadre la religiophobie totale qui se porte contre tout signe religieux fut-il discret de la religiophobie réactive exclusivement adressée à l’encontre des manifestations outrancières de la religion, de toute religion, celles attentatoires à un espace public laïque

S’agissant des vêtements religieux couvrants comme le voile islamique quatre distinctions :

 l’aspect « sens donné » : le sens subjectivement donné s’efface nécessairement devant le sens objectivement et sociologiquement massif : signification religieuse évidente d’une part et signification sexiste d’autre part : pudeur, respectabilité... A propos d’accessoires substitués aux voile islamique Olivier DORD (AJDA 2004 ) distingue les signes religieux par nature (ex : le voile) des signes religieux par destination (cas d’un bandana par nature laique mais à signification religieuse subjectivement affirmée).

 l’aspect interindividuel : voir d’emblèe la religion d’une personne avant de voir la personne elle même démontre l’aspect exhibitionniste et publicitaire que traduit l’expression « femme-sandwicht » . Dans la plupart des religions ce sont les clercs, les professionnels de Dieu qui s’habillent en religieux . Ajoutons que beaucoup ont adopté une vestimentation neutre et laique correspondant à une volonté de marquer une dimension plus spirituelle à leur religion.

 l’aspect micro-social : quand l’apparence religieuse est massive et continue et que l’on ne voit que cela à 100 mètres à la ronde

 l’aspect macro-social : il s’agit d’évoquer un changement de civilisation . Pour qui a parcouru plusieurs pays ou l’habit religieux est très majoritaire voir hégémonique on voit bien ce qu’est une « société religieuse » opposée à société laïque : l’espace public y est envahi par le religieux ; une société totalitaire suffocante. L’aspect patriarcal renforce aussi cette oppression qui vous coupe littéralement le souffle.

3) De quelques debats complémentaires

Document 1 et commentaire (cf site rennes-info.org)

Rapports hommes/femmes et islam : pudeur et concupiscence (extrait du site ouma.com) ou égalité et réciprocité

Les « modernes » interprétes de l’islam (qui dégage le sens au-dela du texte ) semblent bien à lire le texte ci-dessous plus hypocrite encore que les « classiques » (ceux qui s’en tiennent à la lettre du texte) : le voile islamique peut être enlevé disent-ils... mais il faut pouvoir conserver d’une autre manière sa signification profonde (pudeur, concupiscence, etc...).

Avec de telles théologies qui entérine dans la fatalité l’agrssion sexuelle et sexiste de certains hommes l’égalité hommes-femmes n’est pas pour demain. Le désir et la séduction va donc rester de l’ordre du mal et les mauvais comportements masculins inamendables . Les femmes se voient assigner au devoir de non provocation et au respect de la sobriété vestimentaire . Quand le refoulé ressort on retrouve la différence homme/femme qui change la donne : le viol. La violence masculine est fondamentalement ce qui empêche la « paix entre les sexes » .

Or pour les hommes et les femmes en recherche de rapports d’égalité et de réciprocité, l’enfermement des femmes contraintes durablement à se cacher des hommes non seulement « concupiscents » (sic) mais potentiellement violeur est inadmissible . Le combat à mener n’est pas contre la concupiscence et pour la pudeur mais contre le viol et pour des relations sexuelles librement consenties.

Cette théologie qui n’est pas le propre de l’islam a d’autres inconvénients : le garçon n’a pas de question à se poser . Quelle signification de cette séduction (pour moi ou pour elle), quel comportement quand X m’attire (question du regard) , quel comportement avec celles que je juge moins attirante ? ect.

Des personnes de mentalité laique peuvent aussi partager cette idéologie de la neutralité corporelle mais ce n’est en général pas systèmatisé comme dans les doctrines religieuses. Ce qui ouvre à des souplesses de comportements en fonction des situations.

Malgré tout, je pense que l’islam, comme les autres religions, est divers . Il existe aussi des musulman(e)s qui se sont dégagés de ce fatras idéologique . Cette certitude (la diversité de l’islam) et le fait de pouvoir rencontrer des arabes musulmanes étant aussi laiques marxiste et libres constituent deux obstacles qui empêchent d’être islamophobe au sens de camouflage raciste... mais cela n’empêche pas la critique des courants réactionnaires. Heureusement !

Interview exceptionnelle du Théologien Mohsen Ismaïl qui s’exprime sur le port du voile, le mariage forcée, le divorce ...

Détenteur d’un doctorat en sciences islamiques de la prestigieuse université religieuse de la Zitouna en Tunisie, Mohsen Ismaël est partisan du renouvellement d’une théologie fondée sur une lecture finalisée du corpus Coranique qui serait en conformité avec le caractère inédit d’une présence musulmane dans un Etat non musulman. Les compétence de ce jeune théologien ont amené le ministère de l’Intérieur à le consulter parmi d’autres personnalités en novembre 1999 dans le cadre du dossier sur la représentation des musulmans de France. Loin du discours traditionnel axé sur le rappel au respect de la norme, Mohsen Ismaël dont les positions rencontrent un écho certain auprès des jeunes, s’exprime sans ambages sur certains sujets qui concernent les femmes au premier chef.

L’absence d’une théologie clairement établie sur la présence islamique dans un Etat qui ne l’est pas suscite auprès des jeunes des interrogations sur l’authenticité de leur foi qui demeurent sans réponse. Parmi ces interrogations figurent notamment le port du voile. Au-delà de l’aspect polémique que provoque ce sujet, que peut-on en dire d’un point de vue théologique ?

D’un point de vue théologique, le texte coranique est clair quant à la prescription du voile : « Dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants, de ramener sur elle leur voile ; elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées » ( Coran ; XXXIII, 28 ). Cette recommandation n’a aucune originalité car elle figure aussi bien dans l’ancien testament (Genèse 24, 65) que dans le nouveau testament ( Saint Paul, Ier Epître aux Corinthiens, chapitre 11 verset 4-16). Le sens profond de cette recommandation est l’appel à la pudeur et au respect d’une certaine moralité dans la société. Cet appel coranique, qui vient consolider ce qui a été déjà prescrit dans la Bible et dans l’Evangile, constitue une évolution incontestable et un rappel au respect de la femme dans une société où l’on considérait la naissance d’une fille comme une malédiction. « Et lorsqu’on annonce à l’un d’eux la naissance d’une fille, son visage s’assombrit et une rage profonde l’envahit. Il se cache des gens à cause du malheur qu’on lui a annoncé. Doit-il la garder malgré la honte ou l’enfouira-t-il dans la terre ? Combien est mauvais leur jugement ! » ( Coran ; XVI, 58-59 ). Si on inscrit la prescription du port du voile dans ce contexte de perceptions dépréciative et humiliante du statut de la femme, on ne peut que souligner l’évolution considérable initiée par le Coran au sein d’une société patriarcale. Le texte coranique doit toujours être lu à la lumière du présent, puisque la révélation n’a pas transcendé la mentalité de l’époque. Une lecture finalisée du texte est donc exigée.

Justement, quelle lecture peut-on faire de ce verset aujourd’hui ?

Une lecture qui nous appelle à suivre le mouvement du texte. Ce qui va à contre sens d’une lecture littérale qui figerait toute interprétation du texte Coranique. Les jurisconsultes musulmans de l’époque classique ont toujours étudié ce qu’ils appelaient (’Illat al-tashrî’), c’est-à-dire, la finalité de la législation. Si on suit la même démarche concernant le port du voile, on parvient à la conclusion suivante que la finalité essentielle de ce verset repose sur un appel à la pudeur et au respect d’autrui. Cet objectif n’implique pas obligatoirement le port du voile. Une attitude convenable, conjuguée à une bonne instruction suffiront à respecter l’esprit de ce verset. Nous pouvons aisément affirmer que les filles non voilées sont autant pudiques que les autres et que l’islam n’a jamais exigé une tenue vestimentaire particulière pour les musulmans. A ceux qui continuent de considérer que le port du voile contribue à protéger la femme du regard concupiscent de l’homme, je propose d’inverser les rôles. En effet, l’homme lui-même peut susciter le désir chez une femme. Il n’est pas pour autant tenu de revêtir un vêtement spécial qui le protègerait du regard de la femme.

.../... site ouma.com

Document 2 et commentaire Corps pour soi contre cacher et dénuder (cf. Samira Bellil citée par Christine DELPHY)

« Comme le remarquait Samira Bellil quelques mois avant de mourir, l’obsession des uns de nous voiler n’a d’équivalent que l’obsession des autres de nous déshabiller. Or ces deux obsessions sont deux formes en miroir de négation des femmes : l’une veut que les femmes attisent ce désir tout le temps, tandis que l’autre leur enjoint de ne pas le provoquer. Mais dans les deux cas le référent par rapport auquel les femmes doivent penser leur corps reste le désir masculin. Ce que le foulard dévoile, c’est que le corps des femmes n’est pas un corps à soi - un corps pour soi. »

Entourloupe car la balance n’est pas égale . Mettre ainsi en parallèle et à égalité les deux « obsessions masculines » c’est oublier que les « injonctions » sont forts différentes l’une est obligatoire - se couvrir - alors que l’autre n’est qu’une pression relative de la publicité et des moeurs contemporaines. D’une part la plupart des hommes réels ne prennent que rarement leurs désirs de déshabillage pour la réalité . D’autre part la plupart des femmes s’habillent presque comme elles veulent . Presque car contrairement à ce qui est dit c’est l’éxagération du désahabillé qui est réprimé par les forces sociales pudibondes.

Document 3 et commentaire Le religieux dans l’espace public > extrait du site fédération protestante Voici comment Lahouari Addi, sociologue, définit, dans la revue de Projet d’automne 2001, consacrée aux « religions dans la cité », la notion d’espace public : « (...) Lorsqu’une religion ne cherche plus à légitimer l’action politique, lorsqu’ellé ne dit plus le droit, bref, lorsqu’elle ne s’ingère pas dans les affaires politiques de l’Etat, elle a sa place dans l’espace public, portée par ceux qui croient et dont il faut respecter les croyances.

Le malentendu le plus courant provient de ce que certaines personnes pensent que la religion, relevant de la vie privée, ne doit pas se montrer dans l’espace public. Mais ce malentendu découle d’une définition erronée de l’espace public perçu comme une juxtaposition étanche de l’espace privé, lui-même confondu avec l’espace domestique ou celui de l’intimité. Or l’espace public n’est pas un lieu physique ; il est d’abord un cadre de vie citoyen, lié à un concept politico-juridique : la sphère privée fondée sur la conscience individuelle. L’espace public est l’arène sociale dans laquelle un individu vit sa vie privée sous le regard public des autres individus privés. Il est peuplé de citoyens athées, agnostiques, catholiques, juifs, musulmans, etc., et non d’individus désincarnés qui n’auraient ni histoire ni attaches personnelles ou qui seraient dépouillés de leurs identités sociales et convictions religieuses. Si dans l’espace public, un athée doit cacher son athéisme, un chrétien ou un juif ou un musulman ... ses convictions religieuses, c’est qu’il n’y a pas d’espace public. (...)

C’est moi qui est mis en gras la dernière phrase qui constitue l’entourloupe du combat des religieux prosélytes de tout poil.

Question : Comment les athées ou les agnostiques exposent-ils leurs convictions ? Par un badge ? En fait ils ne le font pas . Encore moins de façon continue . En fait il n’y a que les exhibitionnistes et prosélytes religieux qui éprouvent le besoin d’afficher de façon ostentatoire et continue leur croyance dans l’espace public ce qui suscite l’agacement de tous ceux qui ont eu a subir ce prosélytisme dans leur jeunesse et ne supporte plus la religion . Mais tous ne veulent pas supprimer la religion : ils militent simplement pour un espace public laic et pacifique . Les croyants de mentalité laique et respectueux de l’espace public comme bien neutre disposent toujours de la libre conscience et des lieux de cultes pour leur pratiques religieuses.

Christian DELARUE Rennes

Membre du BE et du CA du MRAP Membre du CA d’ ATTAC France