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Encore sur l’écosocialisme contre le productivisme. C Delarue

dimanche 11 juillet 2010, par Amitié entre les peuples

Encore sur l’écosocialisme contre le productivisme.

Le thème n’est pas nouveau . On y revient néanmoins pour appuyer quelques points (jugés par nous décisifs) : contre le travaillisme, pour l’ écosocialisme, ou néo-socialisme vert.

Pour les contributions de fond, lire :

Productivisme et socialisme. J Cossart

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article648

Qu’est-ce que l’écosocialisme ? M Lowy

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article180

Dans cette brève note, on ne trouvera pas une recherche sur les composantes de « l’économie plurielle » à savoir : l’économie de marché, le secteur public, l’économie sociale et solidaire et l’économie domestique car ces composantes peuvent très bien s’insérer dans une économie capitaliste ou socialiste selon la place centrale et dominante conservée ou non par l’économie des sociétés anonymes notamment de celles faisant appel public à l’épargne . L’économie sociale et solidaire - ESS - n’est pas une alternative à l’économie capitaliste ni même à l’économie marchande dans laquelle elle est insérée. (3) A la suite de Jean-Marie Harribey et Stéphanie Treillet, nous préférons distinguer simplement secteur marchand et secteur non marchand (lequel figure aussi dans le PIB). Par ailleurs comme l’indique Jacques Cossart (4), l’appropriation publique n’est que le début d’un processus qui a pour enjeux central l’intervention citoyenne dans le champ économique, dans et hors les entreprises.

I - La problématique opposition multiforme à la croissance et au productivisme.

Le productivisme reçoit comme première définition la recherche constante de croissance de la production. Le productivisme relève de l’obsession quantitativiste : il s’agit de produire pour produire et de produire toujours plus notamment grâce à la standardisation des produits. Le productivisme s’appuie sur le progrès constant de la technologie et sur une « organisation scientifique du travail » dont le stakhanovisme constituait la version stalinienne en réponse au taylorisme. En fait le productivisme s’appuie sur l’exploitation maximale de la force de travail, sur le travaillisme (travailler plus, plus vite, sans augmentation de salaire) tant dans le privé que dans le public.

En réponse à la « doxa travailliste »(5), les anti-productivistes exigeront très majoritairement une forte réduction du temps de travail. Mais en outre pour que le temps libéré ne soit pas un temps de consommation Elise LOWY (6) rappelle que « l’anti-productivisme prône une nécessaire autolimitation de la consommation pour rompre avec l’hybris et préserver la démocratie ». Comme il ne suffit pas de le dire pour que ce soit effectif, la création d’un revenu mensuel maximal est préconisée pour amputer le pouvoir d’achat nuisible des riches (7). Lire ici Comment les riches détruisent la planète d’Herve Kempf (8). Autre chose encore : brider l’influence de la publicité comme appareil idéologique de production de « l’imaginaire capitaliste » et de son complément le surconsommateur avide de produits nouveaux est également nécessaire.

Dérive : On a entendu quelques « antiproductivistes de la sobriété » s’accommoder d’un travaillisme « occupationnel » (sic) afin d’empêcher que les travailleurs ne fréquentent les « temples de la consommation ». De façon assez misérabiliste, ceux-là sont aussi contre les augmentations de salaire sauf pour les smicards et en-dessous. Riposte : Ici le fait de consommation est survalorisé dans l’analyse et la production oubliée. On pourrait ajouter que la « compulsion de consommation » (qui suppose de bons salaires) va de pair avec un abrutissement au travail alors qu’un travail sobre en durée et en intensité s’accommode plus aisément ensuite d’une activité « citoyenne » libre. Nous y reviendrons.

Bilan provisoire pour aller plus loin : Cette première définition large du productivisme acceptée par certains écologistes a l’avantage de permettre d’intégrer les modes de développements industriels non capitalistes du XX ème siècle ne suffit cependant pas à dire la vérité sur le productivisme. Elle oublie le rôle fondamental du profit y compris via la concurrence mondiale au XX ème siècle entre modèles de développement pour les économies ne fonctionnant pas à la logique du profit.

II - Une distinction toujours nécessaire : Produire pour le marché et les profits ou satisfaire les besoins sociaux.

La critique du productivisme passe par celle de l’économie de marché et la critique du capitalisme. En effet, ce n’est pas n’importe quelle croissance de production de biens que le productivisme recherche. Il cherche avant tout l’accumulation marchande. Il veut produire plus de marchandises mais pas plus de biens et services non marchands, biens publics ou biens communs. Pour le dire autrement, il cherche la production de valeur d’échange pour la réalisation d’un profit ce qui montre son inscription capitaliste et non la production de valeur d’usage, ce qui le rapprocherait du socialisme.

Si le socialisme historique a pu être productiviste ce n’est pas sa seule voie. Il peut, grâce à la démocratie socialiste et à une planification repensée en vue du « développement durable » déployer un mode de développement respectueux des équilibres écologiques. Ce mode d’intervention citoyen sur les grands choix de production casse la logique de profit pour viser la satisfaction des besoins sociaux. C’est là une bifurcation structurelle agissante hors tout débat sur les vrais ou faux besoins tel qu’initié par Marcuse (9) et d’autres. S’y rajoute dans la délibération la possible prise en compte de l’environnement pour produire des logements, des hôpitaux, des modes de transport, etc...

Si le socialisme est ouvert sur des modes variés d’allocation des ressources il n’en va pas de même du capitalisme dominant. Le mode de développement capitaliste ne saurait, lui, s’ouvrir une telle voie. L’écologie de marché présuppose, non une logique tarifaire citoyenne, mais une logique de prix (de marché) libre . Versus social-démocratie une réglementation des prix est sans doute pensable pour venir borner le champ d’action du marché . On a alors un marché certes « bridé » mais qui néanmoins laisse agir pleinement « la main invisible » du marché . Celui-ci reste libre de produire, vendre et consommer dans un univers concurrentiel dont le profit est le moteur. Cette modalité du "marché bridé mais toujours très efficace ne saurait convenir.

Si l’on accepte de conserver le marché et non de le supprimer mais d’en amoindrir son efficacité , il importe alors - autre perspective - de le circonscrire (10) nettement afin que son influence ne soit plus dominante. Cela est possible par plus de services publics et surtout une institution planificatrice nouvelle . Un anti-productivisme socialiste mettra donc en avant, en plus de la lutte contre le travaillisme (RTT) et du revenu mensuel maximal, la construction d’une économie planifiée, non marchande par généralisation de l’intervention citoyenne au lieu et place de la généralisation du marché.

Là ou est le marché c’est la logique de solvabilité et non la logique politique et démocratique qui a le maître mot. On ne saurait faire comme si « l’imaginaire capitaliste » dont l’industrie de a publicité est l’aiguillon et le vecteur structurel ne pesait pas très lourdement contre le discours vain du consommateur-acteur ou celui de la sobriété ou de l’équilibration.

Christian DELARUE

1) Vous critiquez l’Economie sociale et solidaire mais n’osez pas vous dire écosocialiste !

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article146

2) Contre la doxa travailliste en Europe vive la RTT et le partage du travail. C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1076

3) Petite histoire du productivisme par Elise LOWY

http://economie-social.lesverts.fr/spip.php?article281

3) Sobriété pour les très riches de tous les pays. C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article717

4) Ecologie, productivisme, et post-capitalisme
Un débat entre Philippe Corcuff et Hervé Kempf

http://www.reporterre.net/spip.php?article339

5) Herbert Marcuse, les besoins et le socialisme

http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=11008

6) Vers un néosocialisme vert : Etendre le marché ou le circonscrire ? - C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article354