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La rue Myrha, ses prières, son pinard, ses islamistes ses fascistes et ses naïfs. N Geerts

dimanche 20 juin 2010, par Amitié entre les peuples

La rue Myrha, ses prières, son pinard, ses islamistes ses fascistes et ses naïfs

par Nadia GEERTS le 15 juin 2010

Difficile de passer à côté de l’information : un événement circulant largement sur Facebook vient d’être interdit. Son propos : protester contre l’occupation de la rue Mirha (Paris, 18è arrondissement), chaque vendredi depuis des années, par des musulmans en prière, et ce en organisant un grand « apéro pinard et saucisson », le vendredi 18 juin prochain.

« Où est le mal ? » se demandent certains, furieux de ce qu’ils perçoivent comme une interdiction faite à des citoyens de partager un bout de saucisson et un verre de vin, alors que le même lieu est envahi chaque semaine par des musulmans qui prient, empêchant la circulation. « Deux poids deux mesures », protestent-ils, indignés.

« Provocation ! » s’offusquent les autres : « Est-ce la faute de ces gentils musulmans s’ils n’ont pas de local adapté pour faire leur prière, et ce depuis des années, et se retrouvent contraints, pour faire bouger les autorités, à prier en pleine rue ? ».

Or, la question n’est pas là. Non, la préfecture n’interdit pas à de paisibles citoyens de consommer du vin et du saucisson dans la rue, au motif que ça choquerait les pieux musulmans. Et non non plus, il ne s’agit pas de malheureux musulmans contraints de prier en rue faute de locaux adaptés.

Parmi les organisateurs de cet événement (1), et c’est là que le bât blesse, on trouve le Bloc identitaire, Novopress, Résistance républicaine, le site Internet Bivouac-Id, les Jeunes pour la France (mouvement de jeunes villiéristes), l’association Vérité valeurs & démocratie, Riposte laïque, etc.

Motif ? « Parce que la rue Myrha et d’autres artères du quartier sont occupées, particulièrement le vendredi, par des adversaires résolus de nos vins de terroir et de nos produits charcutiers ».

Selon SOS racisme, la date du 18 juin n’a pas été choisie au hasard : « il s’agit de commémorer la résistance à une armée d’invasion ».

Si on ajoute à cela l’affiche de l’événement, qui utilise la typographie de manière à ce que les lettres « SS » du mot saucisson apparaissent à la manière nazie, on comprend qu’on est loin d’un pique-nique bon enfant.

De l’autre côté, selon Caroline Fourest, point de musulmans débonnaires demandant simplement un espace convenable pour prier, mais des personnes qui choisissent de prier en rue parce que Dieu « leur a demandé de faire de la pub pour l’islam ». Avec pour corollaire le détournement de la circulation, la cessation des activités des commerçants, et l’impossibilité pour un piéton de passer dans cette rue sans longer le mur.

Alors soyons clairs :

Oui, il est parfaitement scandaleux que depuis des années, une rue, voire un quartier, soient rendus impraticables à la circulation par des gens qui estiment que leur devoir est de faire de la pub pour leur religion. Oui, on a le droit d’y réagir, même de manière provocante et humoristique, en allant étaler sa nappe à carreaux et déboucher son litron de vin rouge dans la rue Myrha, en l’accompagnant d’un délicieux saucisson pur porc. Parce que soit la rue est à tout le monde, soit elle n’est à personne, mais que son occupation ne peut être autorisée à certains sous prétexte de religiosité exacerbée, mais pas à d’autres sous prétexte qu’ils offenseraient ainsi ladite religiosité.

Mais non, la raison de l’interdiction de ce rassemblement n’est pas là. Elle est dans l’identité pour le moins sulfureuse des organisateurs, dont le but n’est pas de réaffirmer des principes démocratiques dont ils n’ont cure, mais constitue une réponse de bergère identitaire et fascisante à un berger identitaire et fascisant.

Plutôt que d’organiser une guéguerre entre les adeptes du hallal et ceux du saucisson, entre les buveurs de thé à la menthe et ceux de vin, une initiative sympathique aurait consisté à organiser un grand pique-nique rassembleur, conviant tous les citoyens soucieux de vivre ensemble, au-delà des replis identitaires, à venir partager qui leur litron de vin rouge, qui leurs pâtisseries orientales, qui leur saucisson, qui leur raki ou leur thé. Et oui, pourquoi pas, au nez et à la barbe des islamistes. Une manière de dire que certains, dans le quartier de la Goutte d’Or, veulent vivre ensemble, qu’ils soient par ailleurs musulmans ou non. Et qu’ils n’entendent pas se laisser enfermer par les extrémistes de tous poils.

Parce que le véritable enjeu n’est pas de défendre les produits du terroir contre la menace islamiste, mais de défendre un modèle de vivre ensemble qui, tout en étant respectueux des convictions privées de chacun, interdit que ces convictions n’empiètent sur l’espace commun à tous d’une manière qui aboutit à le privatiser.

L’apéro pinard et saucisson, en mettant en avant l’identité française – d’une manière, soit dit en passant, pathétiquement réductrice, comme si la France n’avait rien de plus noble à proposer ! – joue le jeu de ce qu’elle prétend dénoncer.

La suite sur le blog de Nadia GEERTS

http://nadiageerts.over-blog.com/article-la-rue-myrha-ses-prieres-son-pinard-ses-islamistes-ses-fascistes-et-ses-naifs-52320920.html