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La dette de la Grèce : quel mot d’ordre faut-il défendre ? par François Chesnais

lundi 31 mai 2010, par Amitié entre les peuples

La dette de la Grèce : quel mot d’ordre faut-il défendre ? par François Chesnais

mai 2010

Dans la caractérisation de la dette grecque et dans les mots d’ordre la concernant, les associations et les partis des mouvements anticapitaliste et altermondialiste font preuve d’une grande prudence, confinant à la timidité. Je vais chercher à expliquer pourquoi le mot d’ordre qui s’impose aujourd’hui est la dénonciation (terme meilleur qu’annulation) de sa dette par la Grèce. Le soutien le plus efficace des salariés des autres pays d’Europe à la jeunesse et aux travailleurs grecs seraient d’annoncer qu’ils en feront de même. La dénonciation vaut pour toutes les dettes publiques. Elle est la seule manière de mettre fin à la « dictature des marchés », qu’il serait mieux de nommer la « soumission volontaire » des gouvernements, tant est flagrante leur démission complète face aux banques et aux fonds de placement financier, leur acceptation de se faire les relais et les exécutants des mesures voulues par eux.

L’exemple de la France permet d’expliquer les mécanismes usuriers de service des intérêts de la dette dont les États sont le pivot. L’endettement public a sa source dans le bas niveau et la faible progressivité de la fiscalité directe (impôts sur le revenu, le capital et le profit des entreprises) et dans l’évasion fiscale. Le mécanisme en est simple : les gouvernements commencent par emprunter à ceux qu’ils renoncent à taxer, avant de les protéger ouvertement de l’impôt comme Sarkozy. Le service des intérêts opère ensuite un transfert de richesse au bénéfice des détenteurs des titres de la dette et en renforce chaque fois plus leur pouvoir économique et politique. Les « marchés », terme fétichisé derrière l’anonymat duquel se cachent des institutions financières tout à fait précises, grandes banques, sociétés d’assurance et fonds de placement financier, peuvent dicter la politique du capital aux gouvernements qui peuvent se cacher derrière « l’obligation morale d’honorer les dettes ».

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La montée de la dette a épousé le mouvement de la libéralisation financière. On voit qu’elle prend son essor seulement dans les années 1980. En France, dans les conditions politiques et institutionnelles de l’après Seconde guerre mondiale, le recours à l’endettement public était très limité. Tout change avec la libéralisation financière. C’est l’introduction à partir de 1982-83, sous les gouvernements de l’Union de la gauche avec Fabius et Bérégovoy aux Finances, de mesures permettant le placement sur le marché obligataire spécialisé d’effets émis par le Trésor (ce qu’on nomme la « titrisation ») qui a fait faire un bond à la dette. Elle est passée de 20 % du PIB en 1980 à 35 % en 1990, avant que sa croissance ne s’accélère à partir de 1991 jusqu’à atteindre 60 % sous le gouvernement Juppé et presque 64 % en 2007. L’indemnisation des nationalisations de 1980-81 a lancé le mouvement, cadeau fait aux grands groupes dont l’État socialisait les pertes antérieures et opérait la restructuration avant de les rendre très rentables au secteur privé. Puis sont venues les dépenses de la loi de Programmation militaire 1987-1991 (les Rafales et autres porte-avions et sous-marins nucléaires) qui ont donné à la dette un nouveau coup d’accélérateur. A partir de la récession de 1991, l’effet conjugué de taux d’intérêts réels élevés et de la croissance lente, due aussi déjà à la mise en place de l’euro, porte le service des intérêts de la dette à un niveau très élevé. Le service des intérêts est la seconde dépense de l’État, après l’Éducation nationale (hors universités) et avant tous les autres ministères, y compris la Défense.

La déréglementation financière accrue de l’euphorie financière des années 2000 a accentué les effets de la fiscalité favorable au capital, de l’évasion vers les paradis fiscaux – la Suisse, le Luxembourg puis les paradis fiscaux plus exotiques – et la délocalisation systématique des sièges sociaux des entreprises. Le rapport Pébereau de 2007 présente la concurrence fiscale comme un effet normal de la libéralisation des marchés, auquel les gouvernements n’ont pas d’autre choix que de s’adapter. Les recettes fiscales diminuant et l’endettement étant une atteinte contre les générations futures, reste les coupes sombres dans les dépenses budgétaires et la « réforme de l’État » – réduction du nombre des fonctionnaires et démantèlement du statut de la Fonction publique. La dette est détenue par les banques, les sociétés d’assurance et les fonds de placement financier (les Hedge Funds). Fin 2003, les investisseurs français détenaient 56% de la dette et les étrangers 40%. En 2006, les chiffres se sont inversés. Fin 2009 la part détenue par les fonds étrangers était de 69, 8%.

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On voit que le niveau de l’endettement était déjà très élevé avant d’exploser à la faveur du sauvetage par Sarkozy des banques et des entreprises en 2008. Fin 2009, la dette publique française représentait 68% du PIB (proche comme le montre le tableau de la moyenne de la zone euro) et 12% du budget de l’État. En 2009, comme chacun peut le voir sur le graphique dans la lettre d’accompagnement du ministère des Finances au formulaire de déclaration de l’impôt sur le revenu, le service de la dette aux banques et aux fonds de placement (43 milliards d’euros), a absorbé la quasi-totalité de l’impôt sur le revenu et a été plus élevé que les recettes de l’impôt sur les sociétés (35 milliards). Le service de la dette pèse vraiment de façon exclusive sur les salariés. En 2010, l’Agence France Trésor (le terme département du Trésor a été abandonné comme trop « ringard ») a déjà placé sur le marché des titres de la dette publique 120 milliards d’euros de nouveaux titres, dont 60 milliards pour le seul mois de mars (pour tous ces chiffres et d’autres encore, voir le site du Trésor :).

En Grèce, des traits de « dette odieuse » : corruption massive, achats d’armes, dépenses totalement improductives

Du triple fait,
 1) de son origine dans le refus de taxer les hauts revenus, le patrimoine et les profits et dans l’établissement d’une véritable « dégressivité de l’impôt » (plus on gagne, moins on en paie) ;
 2) de ses liens très étroits avec les paradis fiscaux et la « concurrence fiscale » entre pays ; enfin
 3) de la destination d’une partie des dépenses (achat d’armes, opérations militaires en Afrique et en Afghanistan, répression dans les banlieues), la dette publique française peut être caractérisée politiquement comme illégitime. Si on le fait, il faut agir de façon conséquente. Entrer, comme le font tant d’économistes de gauche, dans la discussion de savoir si elle est trop élevée ou non, débattre de la manière de la gérer, c’est qu’ils le veuillent ou non, la légitimer. Depuis que la Caisse des dépôts a perdu le monopole du Livret A, que la petite épargne ne sert plus au financement du logement social et que les banques servent un taux intérêt inférieur à l’inflation, dire qu’il ne faut pas « oublier l’épargne des gens » placée dans les prêts à l’État, c’est se montrer aujourd’hui soucieux des intérêts des couches supérieures de cette « classe moyenne » si élastique, des couches qui ne sont pas forcées de dépenser tout ce qu’elles gagnent chaque mois.

Illégitime en France, la dette acquiert dans le cas de la Grèce des traits de « dette odieuse ». Le tableau montre qu’en 2007, à la veille de l’éclatement de la crise financière et économique mondiale, la dette grecque était déjà élevée en termes de pourcentage du PIB (94, 8%), le chiffre de l’Italie étant supérieur. Le mécanisme de fond est celui qu’on vient de rappeler pour la France. Les politiques fiscales de baisse des impôts (sur le revenu, le patrimoine et les sociétés), ont réduit les recettes budgétaires et créé un déficit public financé par l’endettement. Mais la dette grecque a des traits de « dette odieuse », pour utiliser la caractérisation donnée à la dette des pays qu’on rangeait autrefois en bloc sous le nom de Tiers monde. Les sommes empruntées ont servi à organiser la corruption à très grande échelle. On sait maintenant depuis plusieurs mois que le gouvernement du parti Nouvelle Démocratie et l’ancien Premier Ministre Costas Karamanlis ont truqué les statistiques dans le double but de masquer l’ampleur de son clientélisme et de sauvegarder l’image économique de la Grèce auprès de l’Union européenne, de la BCE et des investisseurs. Aucune poursuite n’a pourtant été engagée à l’encontre de Karamanlis. Là où l’utilisation des fonds est connue (sans que ne le soient les commissions occultes qui l’ont accompagnée), on a affaire aux dépenses très élevées encourues entraînées par la tenue des Jeux olympiques en 2004 et surtout aux achats d’armes.

Les achats d’armes relèvent pleinement de la problématique des dettes odieuses. Les données préliminaires du rapport 2010 du SIPRI de Stockholm, qui est la plus importante source de données en la matière, révèlent que la Grèce a été un des cinq plus importants importateurs d’armes en Europe entre 2005 et 2009 (voir l’article de Jean-Marie Collon dans son blog). L’achat d’avions de combat représente à lui seul 38 % du volume de ses importations, avec notamment l’achat de 26 F-16 (États-Unis) et de 25 Mirages 2000 (France), ce dernier contrat portant sur une valeur de 1, 6 milliard d’euros. Mais la liste des équipements français vendue à la Grèce ne s’arrête pas là, on compte également des véhicules blindés (70 VBL), des hélicoptères NH90, des missiles MICA, Exocet, Scalp et des drones Sperwer. Les achats de la Grèce en ont fait le troisième client de l’industrie de défense française au cours de la décennie écoulée. En 2008, ces livraisons ont atteint 261 millions d’euros. Sur son blog de Libération, un autre expert des ventes d’armes, Jean-Dominique Merchet, explique que « la Grèce était en discussion avancée avec la France et Dassault pour acheter des Rafales à 50 millions d’euros pièce. Aujourd’hui, avec la situation actuelle, tout ça va tomber à l’eau ». La France n’est pas le seul des grands producteurs d’armes (on y trouve aussi les États-Unis, la Russie, la Grande Bretagne et Allemagne) à vendre à la Grèce des armes et donc à la pousser à accroître sa dette. L’Allemagne, par exemple, lui a aussi vendu entre 2005 et 2009 pour plusieurs milliards d‘euros d’équipement (chars Leopard, sous-marin Type 214, munitions).

Même si la relation se noue en Europe et non en Afrique ou en Amérique latine, la combinaison entre l’endettement externe contracté à l’égard de banques et des fonds de placement appartenant aux mêmes pays que les entreprises qui vous vendent des armes, relève d’un type de subordination caractéristique de l’impérialisme. L’agence Public Debt Management Agency, citée par Natixis-Flash 2010 – 118, pages 5 et 6, détaille la détention de la dette de la Grèce par nationalité et par type d’institution. Des chiffres un peu différents ont été publiés par le banque britannique HSBC et d’autres encore par des sources françaises, parfaite illustration de l’opacité de la finance. Ici nous utilisons celles du service dirigé chez Natixis par Patrick Artus dont on cite, à juste titre, souvent les données. Par nationalité les investisseurs grecs détiendraient 29% de la dette, suivis des britanniques (23%), des français (11%) et des allemands (9%). La part des américains ne représenterait que 3%. Par type d’investisseurs, les fonds de placement financiers (Hedge Funds, gérants d’actifs et fonds de pensions) représentent 58% du total, devant les banques (45%), suivies de très loin par les banques centrales (5%).

Les médias français font grand cas, s’agissant de la dette grecque, de « l’exposition élevée au risque des investisseurs ». Le montant de la dette grecque est de 300 milliards d’euros en 2010. A titre de comparaison, les pertes en 2008 sur les effets « subprime » que les banques centrales et les gouvernements ont colmatées sans hésiter, ont avoisiné les 700 milliards d’euro. On constate un fort contraste entre les chiffres publiés pour « justifier » auprès des Français le plan d’austérité imposé à la Grèce et les chiffres de très faible exposition au risque publiés par chaque banque individuellement : pour BNP Paribas, cinq milliards d’euros, auxquels s’ajoutent trois milliards d’engagements commerciaux sur des entreprises privées grecques ; pour la Société générale trois milliards d’euros plus une participation de 54 % dans la banque grecque Geniki ; pour le Crédit agricole 850 millions d’euros, dont 600 pour sa filiale grecque Emporiki ; pour Axa 500 millions d’euros. A titre de comparaison, ce sont 320 milliards d’euros qui ont été levés en octobre 2008 par le Trésor pour financer le sauvetage des banques et des grandes entreprises françaises.

La guerre sociale contre les travailleurs, la nouvelle phase de la crise n’exigent-elles pas la dénonciation de la dette en France comme en Grèce ou en Roumanie ?

Au-delà de ces chiffres et de leurs divergences éventuelles, l’essentiel est ailleurs. Il est dans le mécanisme de financement de « l’aide au peuple grec » que le Parti socialiste est « fier » d’avoir voté en signe de « solidarité » et dans la brutalité du plan d’austérité que les députés et les sénateurs socialistes ont appuyé par leur vote. Les médias ont clamé que « la France aidait la Grèce ». Le ministre du Budget Barouin a tout de suite précisé que « cette aide ne coûtera rien aux contribuables français ». Effectivement c’est de l’argent levé par le Trésor sur le marché à un taux d’intérêt d’environ 3% qui va être prêté à la Grèce à 5%. Ce taux sera inférieur à celui dépassant 11% que la Grèce a payé fin avril. « L’aide » en « solidarité » va donc enrichir encore les investisseurs financiers et renforcer donc de nouveau leur pouvoir social et politique.

C’est dans l’extrême brutalité des mesures qui ont été décidées et que le gouvernement a pour mission de tenter d’imposer sous la surveillance permanente de contrôleurs étrangers que les traits de dette odieuse de la dette grecque se manifestent peut-être par-dessus tout, ainsi que la relation de caractère parfaitement impérialiste entre pays débiteur et créanciers cristallisée par le rôle du FMI. Les mesures « négociées » par le gouvernement grec avec le FMI et la BCE incluent le gel des salaires et des retraites de la fonction publique pendant cinq ans et la suppression de l’équivalent de deux mois de salaire pour les fonctionnaires. En ce qui concerne les retraites, l’âge légal, actuellement de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes, va être lié à l’espérance de vie moyenne. La durée du travail pour avoir droit à une retraite pleine sera progressivement portée de 37 ans à 40 ans en 2015. La base de calcul prendra en compte le salaire moyen de la totalité des années travaillées, et non plus le dernier salaire. Le taux principal de la TVA après être passé de 19 à 21%, est porté à 23%. Les taxes sur le carburant, l’alcool et le tabac augmentent pour la deuxième fois en un mois de 10%. L’État réduira ses dépenses de fonctionnement (santé, éducation) d’1, 5 milliard d’euros. La libéralisation des marchés des transports et de l’énergie va être accentuée ainsi que « l’ouverture à la concurrence » des professions fermées. Dans le secteur privé, le gouvernement va revoir la législation qui interdit aux sociétés de licencier plus de 2 % de leurs effectifs totaux par mois. La flexibilité du travail sera renforcée et les indemnités de départ diminuées.

Le caractère de dette odieuse que ces mesures révèlent tient aussi bien à la paupérisation des millions de Grecs qu’elles vont provoquer rapidement qu’à la certitude qu’ont les économistes tant soit peu indépendants de leur caractère fortement « pro-cyclique ». Elles vont enclencher des mécanismes de récession « supplémentaires », pour ainsi dire, à ceux que l’Union européenne connaît déjà, dont les effets seront si forts que le montant des intérêts nécessaires pour assurer le service de la dette ne sera jamais réduit vraiment. Il faudra passer tôt ou tard par un « aménagement » pour éviter le défaut de paiement. Les souffrances que les salariés, la jeunesse et les couches populaires vont endurer ont donc pour but d’opérer les ponctions tant qu’il est encore temps et aussi de démontrer la puissance politique des créanciers. In fine, les mesures imposées à la Grèce par l’entremise du FMI et de la Banque centrale européenne sont une démonstration par la finance de son pouvoir économique et politique que la crise financière et la récession économique a, pour l’instant au moins, renforcé.

En début d’article, j’ai utilisé les mots prudence et timidité. Trop d’articles se situent, me semble-t-il, sur le terrain des institutions européennes, de l’euro (« sortie de l’euro », « monnaie unique » ou « monnaie commune »), de la transformation de la Banque centrale européenne, etc. D’autres textes, comme la déclaration des trois CADTM, préconisent « la taxation des grands créanciers (banques, assurances, fonds spéculatifs… mais aussi particuliers fortunés) à hauteur des créances qu’ils détiennent », mais sans que ces créances soient annulées ou répudiées. Les CADTM (Comités pour l’annulation de la dette du Tiers monde) défendent « l’abolition de la dette extérieure publique des pays en développement », mais pas l’abolition de celle de la Grèce. Tout est à nous publie un article qui appelle à « refuser le ‘plan de sauvetage’ » sans prononcer les mots annulation ou dénonciation, rappelant simplement que « les Islandais ont refusé de payer pour une faillite qui n’est pas la leur, lors d’un référendum en mars dernier. Il faut refuser de payer pour des dettes sans audit, transparence et débat sur ces dettes ». La déclaration de la Gauche radicale européenne du Premier mai n’en parle pas du tout. Dans son tract « Contre la tyrannie des financiers » publié sur le site de A l’encontre , le MPS (Mouvement Pour le Socialisme) propose l’objectif de la « suspension du remboursement de la dette publique » (ce qu’on appelle aussi le moratoire). J’ai défendu cette position dans l’Humanité il y a trois ans pour la France, mais aujourd’hui elle me paraît bien timide et insuffisante. Le moratoire n’efface pas la dette, il en reporte le paiement à plus tard. Keynes l’a préconisé pour la Turquie et des États des Balkans dans les années 1920. Le FMI est toujours prêt en dernier recours à procéder à ce qui est nommé le « rééchelonnement » ou la « restructuration » de la dette afin d’éviter son non-paiement.

Une nouvelle étape de la crise économique et financière mondiale commencée en 2007 s’est ouverte. De la lutte sociale également, notamment en Europe. L’ampleur des manifestations et la violence des affrontements en Grèce, ainsi que l’annonce dans un nombre croissant de pays, le Portugal, l’Espagne, la France, la Hongrie, la Roumanie (la liste n’est pas limitative) de plans de coupure drastique des dépenses budgétaires, devraient inciter la gauche anticapitaliste et révolutionnaire à se réapproprier le vieux mot d’ordre de la dénonciation de la dette, de refus de la payer. C’était le mot d’ordre traditionnel du mouvement ouvrier. La dénonciation de la dette contractée par l’État tsariste au cours de la révolution d’Octobre lui a donné dans les années 1920 un écho et un prestige considérables. La crise mondiale en cours nous a rapprochés de certains aspects de la crise de 1929. Pourquoi la dénonciation (le mot répudiation est parfois employé aussi) et non l’annulation ? Le terme d’annulation vaut pour la dette de pays très pauvres et très vulnérables. L’appel à l’annulation s’adresse aux pays créanciers. S’agissant aujourd’hui de la dette d’Haïti par exemple, c’est le mot d’ordre correct. En Europe, berceau de l’impérialisme où il n’y a pas qu’en Grèce que des salariés et des secteurs de la jeunesse ont montré qu’ils étaient prêts à l’action, le mot d’ordre qui s’impose est celui exprimant le mieux le processus où les travailleurs se dressent face au capital et aux gouvernements qui en acceptent les ordres. En Europe, où dans tous les pays le paiement de la dette va se traduire, quand elle ne se traduit pas déjà, par les plans d’austérité drastiques, c’est le refus de paiement qui s’impose. Le 10 mai dans le cas de la Roumanie, le FMI a annoncé son « soutien » aux mesures annoncées par le gouvernement, dont une baisse de 25 % des salaires dans le secteur public et de 15 % des retraites et des allocations chômage.

Voici pourquoi je pense que c’est pour la dénonciation de la dette que la gauche anticapitaliste et révolutionnaire doit militer. Elle signifierait la disparition du marché des titres de la dette publique, pas décisif vers la fermeture des bourses et s’accompagnerait de la socialisation du crédit à l’échelle de l’Europe.