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XXI ème siècle : « Bobo » remplace « petit-bourgeois »

vendredi 8 août 2014, par Amitié entre les peuples

XXI ème siècle : « Bobo » remplace « petit-bourgeois »

Fraction de peuple.

Un membre du Club Médiapart (GTK) oppose « bobo » à gens du « peuple » (sans plus de précision). Il ne s’agit pas du peuple ethnique ou peuple nation, pas plus du peuple légal démocratico-citoyen mais du peuple d’en-bas.

Les termes en présence

 Peuple : il s’agit ici d’une fraction de peuple prise comme largement opposée, non pas seulement à l’oligarchie ou à la classe dominante, mais à un groupe plus important que cette petite minorité tout en-haut, un groupe vu comme bien placé dans la société, quoique non dominant, en tout cas avec une domination aléatoire, incertaine. Voilà une perception à affiner mais parlante.

 Bobo est l’acronyme de bourgeois et de bohème et montre un individu aisé - pas bourgeois mais « embourgeoisés » - circulant de façon légère, avec peu de biens, sur toute la planète avec une carte bancaire bien fournie et sa technologie embarquée (ordinateur portable, téléphone mobile) . On a pu accuser certains altermondialistes fréquentant les forum mondiaux de bobo. Bobo se rapporte aussi au phénomène de gentrification en géographie urbaine d’ou le terme de boboïsation . « La gentrification est un concept inventé outre-Manche et forgé outre-Atlantique qui désigne une forme particulière d’embourgeoisement : il s’agit de l’arrivée d’une population au niveau social élevé dans un espace urbain populaire, au bâti dévalorisé, et de la réhabilitation de ses logements, appropriés par les nouveaux habitants ». in Le logement et l’habitat, éléments-clés du processus de gentrification. S’y ajoute une tonalité « contestataire culturel » (« qualité de vie ») mais sans combat économiquement redistributif !

 Petit-bourgeois a connu une évolution de sens, comme semble-t-il le terme « bobo », avec tout d’abord une définition relativement précise en terme de position de classe pour apparaître in fine comme une simple injure déconnectée de toute position économico-sociale.

Vous avez dit « embourgeoisé » !

Embourgeoisé est lourd d’un enjeu, celui de voir gonflé le groupe social des dominants ou de ceux qui sont avec, en soutien. Les bobos comme les petits-bourgeois peuvent former « la classe d’appui du capital », avec ou sans différence culturelle. Le mot peut donc tendre à valider une extension peu rigoureuse du sens du terme bobo, une sorte de dérive « vers le bas » de l’emploi du terme « bobo » comme d’ailleurs celle, jadis, du terme petit-bourgeois par un certain ouvriérisme.

Bobo ou petit-bourgeois, ce qui fait problème est le terme « embourgeoisement » ou « embourgeoisé ». Il s’agit autant d’un processus que d’un état auquel on est parvenu. Mais suffit-il de voir ses revenus mensuels augmenter pour s’embourgeoiser ? Ce qui permet de simplement montrer une banale ascendance socioprofessionnelle et le passage d’un niveau modeste à un niveau « moyen », les fameuses « couches moyennes ». Ne faut-il pas plutôt voir, beaucoup plus sérieusement, sous ce terme la constitution d’un patrimoine mobilier et immobilier conséquent : non seulement une résidence principale mais aussi une résidence secondaire (par exemple) ? On retrouve alors avec Thomas Picketty ce qui caractérise le dernier décile d’en-haut.

Rétablissons la base économico-sociale du terme « bobo » pour ne pas voir que son aspect « cultu ».

10% / 90%, pas 1%/ 99%

Cette distinction « bobo-peuple » ressemble fort à celle - qui n’est pas une opposition frontale (comme entre peuple-classe et oligarchie) - entre le « peuple social » des 90% d’en-bas et le 10% d’en-haut.

Ce sont ces 10% d’en-haut - grosso modo (la frontière est évidemment floue) - qui forment la base économico-sociale des « bobos » c’est à dire - aspect « culturel critique » mis à part, des individus aisés, disposant outre un conséquent patrimoine immobilier et mobilier (cf Picketty ) d’un certain capital culturel et d’une certaine position de pouvoir dans la société (cadre supérieur, patrons d’entreprises à taille suffisante, certaines professions libérales). Les « bobos » font donc partie de l’ensemble de la couche supérieure du dernier décile ne connaissant jamais les fins de mois difficile, à l’exception du 1% tout en haut qui est hors de ce registre interne au peuple-classe, soit les 99% face au 1%.

Changement d’époque : Evolution d’une analyse...

Le terme de « bobo » du XXI ème siècle semble fort s’apparenter à feu le terme « petite-bourgeoisie » en vogue lors du XX ème siècle celui d’avant 1989-91 ou le marxisme n’était pas marginalisé.

A l’époque le registre en termes de classes sociales (dit classiste) n’était pas celui en termes de couches sociales (dit stratificationniste). Le marxisme le plus commun pointait donc, hors des deux classes sociales en affrontement : la bourgeoisie (propriétaire des moyens de production) et le prolétariat (salariat vendant sa force de travail pour vivre), un troisième groupe vu comme hétérogène nommé petite-bourgeoisie (paysans, artisans, profession libérale, travailleurs indépendants). Le sens du terme est devenu moins rigoureux, plus flou. Aujourd’hui, ce sont les « bobos » du dernier décile d’en-haut qui deviennent en quelques sorte les nouveaux « petits-bourgeois ». Et non content de pointer des « contestataires culturels » qui effectivement appartiennent à une couche sociale aisée sans aucun doute possible, une tendance s’est mise à voir des « bobos » chez les diplômés des couches moyennes à revenus plus modestes et avec pas ou peu de patrimoine économique.

... mais position stigmatisante similaire !

Le terme « bobo », comme celui de « petit-bourgeois », est devenu au fil du temps de plus en plus péjoratif à la limite de l’injure lorsqu’il vise des personnes économiquement modestes à qui l’on refuse l’appartenance au peuple (social) sous prétexte de diplômes. Il est situé au même niveau intermédiaire de stigmatisation : une sorte de « reproche » de classe. Il laisse entendre à celui ou celle qui reçoit le qualificatif qu’il ou elle est un individu aisé qui n’entend rien, de par sa position sociale, aux problèmes des travailleurs prolétaires (Marx) ou du peuple-social (90% d’en-bas). On lui reproche, outre ses gouts intellectuels, sa distance sociale, sa vie matérielle confortable comme élément empêchant une bonne compréhension de ceux d’en-bas, les membres des couches pauvres ou modeste voire moyenne.

Christian Delarue

Pour aller plus loin mes travaux :

 De nouveau : Le peuple-nation n’est pas le peuple-classe.

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/051213/de-nouveau-le-peuple-nation-nest-pas-le-peuple-classe

 Oligarchie / peuple-classe : Le dernier Piketty (2013) confirme la distinction 1% / 99 %

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/181013/oligarchie-peuple-classe-le-dernier-piketty-2013-confirme-la-distinction-1-99

 Peuple social n’est pas peuple-classe

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/060714/peuple-social-nest-pas-peuple-classe

 Le peuple social, celui qui épuise son revenu en fin de mois.

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/010714/le-peuple-social-celui-qui-epuise-son-revenu-en-fin-de-mois