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Vivent les fonctionnaires ! par Willy Pelletier, sociologue, coordinateur général de la Fondation Copernic

dimanche 19 mars 2017, par Amitié entre les peuples

Vivent les fonctionnaires ! par Willy Pelletier, sociologue, coordinateur général de la Fondation Copernic

Jamais les fonctionnaires, au service des citoyens, de façon égalitaire, gratuite, n’ont été si maltraités. Insultés, méprisés, enfermés dans des chaînes hiérarchiques toujours resserrées. Sous-payés. Menacés dans leur statut, lequel fut inventé pour garantir l’indépendance nécessaire de la fonction publique. Cette indépendance qui dérange les puissants. Que se passe-t-il localement dans trop de services publics ? Avec la réduction des moyens alloués et l’intensification du travail, faire son boulot, souvent choisi par vocation ou volonté d’aider, devient mission impossible. Aux guichets, la détresse et la rage d’usagers qui, depuis des mois, attendent pour n’obtenir rien rencontrent la lassitude d’agents surchargés, épuisés par la logique du chiffre, empêchés d’agir avec le temps qu’il faudrait. Et qui craquent. La violence (y compris physique) contre les agents devient ordinaire. Les personnels ont été réduits, donc les files d’attente s’allongent. Les coupes budgétaires limitent les prestations offertes, donc des usagers passent des heures pour rien. Comment ne pas comprendre qu’ils explosent ? Si bien qu’on retrouve, dans les centres des impôts, les CAF, dans les accueils logement des villes, etc., des vigiles (salariés du privé) pour permettre aux agents de travailler.

Au final, ce sont bien sûr, et trop souvent, les agents en première ligne qui font office d’adversaires. Et non pas cette noblesse libérale d’État qui casse les services publics mais demeure invisible. Elle peuple depuis trente ans les cabinets ministériels et circule entre les grandes entreprises, l’administration centrale, les entourages ministériels ou présidentiels. Cette circulation accélère les carrières : un poste en cabinet donne accès à un plus haut poste en entreprise, qui offre de revenir dans l’État à un poste plus élevé encore. Une circulation massive. Facilitée depuis que Sciences-Po, l’ENA, Polytechnique, sont devenues des business schools. Et à mesure que le cursus d’excellence des juniors de la classe dominante ne se borne plus à ces écoles, mais se conjugue avec HEC ou l’Essec, par exemple…

C’est ainsi que les recettes du privé sont intériorisées d’emblée par les futures noblesses d’État. Ce qui les convertit d’avance aux « modernisations » libérales des services publics mises en place par leurs prédécesseurs, dans les cabinets ministériels antérieurs. Les « alternances » n’y changent rien.

Dans les directions générales des services, « en plus petit », les mêmes types de recrutement prévalent, avec la promotion des directeurs généraux (DG) « chasseurs de coûts ». En relation avec des cabinets privés de consulting. Tous communient dans ce dogme : les règles managériales du privé doivent organiser les services publics, qui sont des coûts à réduire et externaliser.

S’efface ainsi la civilisation de l’État social. On bascule dans un univers où personne ne peut soutenir personne. S’avivent le chacun-pour-soi et, en milieu populaire, une concurrence pour accéder aux aides qui alimente les votes Le Pen.

Ce démantèlement des services publics doit être stoppé. Vite, très vite. En interdisant les va-et-vient entre privé et public. En interdisant les contrats précaires dans le public. Oui, il faut plus de fonctionnaires, mieux payés, indépendants grâce à leur statut. Oui, il faut, entre usagers et agents des services publics, une nouvelle alliance. Oui, il faut, parallèlement, déhiérarchiser les services publics, favoriser leur autogestion et des fonctionnements plus collaboratifs. Oui, il faut étendre le périmètre d’action du secteur public. Et – c’est une urgence sociale – réinventer une civilisation des services publics. Car les services publics civilisent.

http://www.humanite.fr/comment-mettre-la-transformation-sociale-lordre-du-jour-des-elections-de-2017-4-633314