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Vers un néosocialisme vert : Etendre le marché ou le circonscrire ? - C Delarue

samedi 26 février 2011, par Amitié entre les peuples

« Main invisible » du marché avec démocratie verte ?

2 sept 2008

Libérer l’entreprise de la tutelle de la propriété capitaliste ne signifie pas abolir le marché (1) . La chose est entendue même par ceux qui entendent le circonscrire par la démarchandisation, la promotion des services publics, de la sécurité sociale et d’un volet de planification démocratique. Mais dans l’altermondialisation certains veulent le réguler (terme flou) et même l’étendre.

I - Contre les pollutions, l’écologie de marché et un altercapitalisme vert ?

Dans l’altermondialisation entendue comme mouvance large (qui comprend en son sein un fort courant altermondialiste antisystémique) il y a l’espoir de forger un « bon » capitalisme à la fois social et vert. Cela suppose d’oublier que le fonctionnement du capitalisme au plus près de sa logique intrinsèque suppose à la fois un taux de profit suffisant et des débouchés sur les marchés. Le capital marchand a partie liée avec le capital productif. A la différence de Ricardo Marx a montré l’articulation entre la loi de la valeur et la loi de l’offre et de la demande (2 ). De même que l’on ne peut lutter seulement contre le capital financier jugé pervers en pensant que les autres formes de capital sont saines et ajustables.

L’altercapitalisme vert croit aux vertus coordinatrices du marché ; Il voudrait faire même faire l’inverse que de circonscrire le marché puisqu’il imagine des procédés de réinsértion des « externalités » dans le marché. Voici, par exemple, ce qu’écrit Marc Fleurbaey dans « Capitalisme ou démocratie » (p153) : « Une autre condition pour que le marché aboutisse à l’efficacité est que toutes les interactions économiques entre individus soient médiés par les marchés. Lorsque ce n’est pas le cas, on dit qu’il y a des »externalités« , c’est à dire des interactions extérieures aux marchés, et cela perturbe l’efficacité de l’allocation résultante. Un exemple classique est celui de la pollution. Lorsque je circule en ville avec ma voiture, je dérange quelques personnes en polluant l’air, en faisant du bruit, en encombrant le trafic routier. Or pour prendre ma décision d’aller en ville avec ma voiture, les seuls marchés qui contraignent mes possibilités sont le marché de l’automobile sur lequel j’ai acheté ma voiture, le marché de l’assurance automobile, et le marché des carburants. Il n’y a aucun marché où je doive payer pour le dérangement et la pollution que ma décision entraîne, et donc aucun moyen pour les personnes dérangées de m’informer des conséquences néfastes de ma décision ».

Les externalités étant fort nombreuses, peut-on vraiment les intégrer à « l’ordre marchand ». Non répond Michel Husson ( 3) Et Daniel Tanuro d’enfoncer le clou : les mécanismes du marché pourrissent le climat ! (4)

Changeons de logique sans plus tarder car faire reculer les marchés c’est ouvrir une autre perspective économique et sociale.


II - La marchandise pour les profits contre les besoins sociaux

 Changer de dynamique globale

L’une des tendances les plus frappantes du capitalisme contemporain est de chercher à transformer en marchandises ce qui ne l’est pas ou ne devrait pas l’être, et d’abord les services publics et la protection sociale. Un tel projet est doublement réactionnaire : il affirme à la fois la volonté du capitalisme de retourner à son état de nature en effaçant tout ce qui avait pu le civiliser ; il révèle en outre son incapacité profonde à prendre en charge les problèmes nouveaux qui se posent à l’humanité. La distinction établie par Marx entre valeur d’usage et valeur d’échange est ici une clé essentielle pour comprendre les exigences du capitalisme. Il veut bien répondre à des besoins rationnels et à des aspirations légitimes, comme soigner les malades du sida ou limiter les émissions de gaz à effet de serre ; mais c’est à condition que cela passe sous les fourches caudines de la marchandise et du profit. (Extrait p 183 de « Un pur capitalisme » de Michel Husson)

 Changer de paradigme théorique au sein du marxisme

J-M HARRIBEY : CONSTRUIRE UNE ECONOMIE POLITIQUE DE LA DEMARCHANDISATION

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article152

III - Le néosocialisme comme perspective de l’autre monde possible.

Le néosocialisme combine un mouvement de nationalisations ou d’appropriation publique des grands moyens de productions, d’échange et de distribution notamment dans ce qui relève des piliers du systèmes énergétique et une dynamique d’abolition des rapports sociaux capitalistes de production dans les entreprises de niveau local qui vont être motrices non seulement en terme de relocalisation mais aussi pour aller vers l’autogestion mais qui ne peuvent assurer une coordination et une distribution égalitaire sur un territoire large. Ce n’est pas tout : le néosocialisme veut aussi faire reculer fortement la « marchandisation du monde » et « la dictature des marchés » (pas que celui de la finance).

Globalement, il s’agit donc bien de passer à un autre monde radicalement différent et non de se satisfaire d’un monde meilleur à base d’un nouveau compromis keynésien et d’un néosolidarisme à « économie plurielle » (5 ). Pour autant, le néosocialisme ne méprise pas l’économie sociale et solidaire (ESS) ni les sociétés coopératives ( SCOP) car pour ce qui n’a pas besoin d’une centralisation permettant une meilleure redistribution égalitaire ou faisant intervenir une inégalité de péréquation (réfléchie et démocratiquement décidée) l’ESS et les SCOP peuvent se monter efficaces, en tout cas mieux que sous la domination du capital et sous le poids des logiques marchandes. Enfin tout cela ne signifie pas choisir entre réformes et révolution ni donc refuser de militer ensemble. Des réformes « à effet cliquet » permettent de faire reculer le néolibéralisme et d’avancer vers l’autre monde possible.

Retour sur les marchés : Le marché des biens et services comme le marché de la force de travail institue des rapports sociaux très inégalitaires (à défaut d’être antagoniques comme les rapports de production capital/travail) . Il est mystificateur d’évoquer les choix libres du consommateur fût-il « éclairé » et « citoyen » car d’une part il lui faut être solvable et d’autre part les choix proposés sont restreints par le mode de production. De plus en plus le consommateur ne peut choisir que des enveloppes différentes de biens similaires à obsolescence plus ou moins rapide, ce qui est contraire au « développement durable » ou plutôt à l’alter-développement.

Si le socialisme autoritaire s’appuyait déjà sur une économie de satisfaction des besoins sociaux contraire à une économie du profit et du marché alors le néosocialisme marquera lui son empreinte par un double souci : démocratique et écologique . C’est toute la tâche de l’altermondialisme. La crise écologique met à l’ordre du jour l’éco-socialisme et notamment un alter-développement qui préconise une dialectique croissance / décroissance fondée sur des choix démocratiques. La « pulsion démocratique » débridée par le néosocialisme va beaucoup plus loin que ce que peux accepter la démocratie libérale, qui est foncièrement très restreinte de par sa configuation idéologico-historique, et qui tend d’ailleurs à régresser sous la forme de la gouvernance et de la « démocratie des lobbies ». Le néosocialisme intègre lui un stade supérieur nouveau de configuration démocratique : une « alterdémocratie » (6 ) car elle fait intervenir les citoyens-producteurs dans le champ économique aussi bien dans que hors l’entreprise. Il ne s’agit pas, il faut le répéter, d’abolir le marché mais pour autant évoquer simplement sa régulation (Marc Fleurbaey) ne suffit pas. Il importe d’empêcher son extension et même de le circonscrire notamment par la mise en place d’une planification démocratique (7) combinée à une extension des services publics. Les services publics ne répondent pas à une demande solvable mais à des usagers. Ils visent à satisfaire des besoins dès lors que dégagés de l’influence pernicieuse des logiques marchandes envahissantes. Soumis au politique et à la décision démocratique d’un peuple réellement citoyen (et non juste pour un vote de temps en temps) il peuvent se dégager du court terme économique des sociétés à dominante capitaliste.

IV - Conserver l’expression altermondialiste de l’autre monde.

Il est souhaitable que le mouvement altermondialiste conserve l’expression ouverte « autre monde » non seulement parce que c’est dans la Charte de Porto Alègre mais aussi parce que la formule permet de combiner librement et sans théorisation à priori plusieurs libérations d’oppression et de domination hors l’exploitation du travail par le capital et hors la domination productiviste de la nature par le capital . Ainsi les mouvements antiracistes militent pour un monde sans racisme et sans colonialisme ni impérialisme comme d’autres acteurs amis veulent un monde sans sexisme, un monde sans guerre (ce qui ne signifie pas totalement pacifié au plan relationnel). Ces dominations et oppressions se confortent et l’on peut penser que le capitalisme dans sa dynamique historique les a articulé y compris celles qui ne sont pas générées par lui (comme le sexisme et le racisme) mais l’histoire du mouvement ouvrier international montre qu’il convient de conserver l’autonomie de chaque lutte ce qui n’empêche nullement de penser leur articulation ni de penser le néo-socialisme.

L’altermondialisme est une promesse, celle de renouveler la pensée et la pratique de l’émancipation et ce faisant tenir les promesses non tenues du passé.

Christian DELARUE

CA d’ATTAC Fce

1) in Jacques Bidet et Gérard Duménil in Altermarxisme Un autre marxisme pour un autre monde p249

2) Relire le capital de Tran Hai Hac volume II page 127

3) Le capitalisme vert est-il possible ? Michel Husson

http://hussonet.free.fr/capivert.pdf

4) Comment les mécanismes du marché pourrissent le climat. TANURO Daniel

5) Misère du solidarisme et du néosolidarisme - JJ Lakrival

Lire aussi : L’économie sociale et solidaire n’existe pas - M. HELY

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article66291

Deux critiques de la « société de marché »

6 ) Alterdémocratie / Autre démocratie : le trajet et le but.

7) La planification à l’ordre du jour - Michel Husson

http://hussonet.free.fr/sarkopla.pdf