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Une vision élitiste de la diversité - A Piriou

mardi 23 décembre 2008, par Amitié entre les peuples

Une vision élitiste de la diversité

http://societales.blogs.liberation.fr/alain_piriou/2008/12/une-vision-liti.html

Tout le monde n’aspire pas à devenir ministre, préfet ou présentateur du 20 heures. Pourtant, en matière de diversité, le président de la République concentre essentiellement sa réflexion sur la composition de « l’élite. » Le discours tenu il y a quelques instants à Palaiseau, à l’École polytechnique, comporte certes quelques avancées, mais ne semble pas prendre la mesure des discriminations qui rongent le pays, non seulement à son sommet, mais surtout à sa base.

Parmi les avancées, certaines sont en fait déjà un peu éventées : ainsi l’objectif de réserver 30% de l’accès aux classes prépas à des élèves boursiers, en privilégiant donc des critères sociaux plutôt que religieux ou ethniques, faisait déjà partie des mesures annoncées par Valérie Pécresse et Fadela Amara il y a trois mois (cf. ce décryptage). L’annonce d’un label diversité pour les entreprises n’a rien de très nouveau : le label existe depuis trois mois déjà, et des entreprises ont déjà déposé des dossiers de candidature. Quant au recours au CV anonyme pour les recrutements, la loi l’impose aux entreprises de plus de 50 salariés depuis 2006. Mais faute de décret fixant les sanctions encourues, elle n’est pas appliquée. Or, que propose le président ? D’en expérimenter l’usage sur seulement une centaine d’entreprises : en matière de « volontarisme républicain », on a vu mieux.

Seule l’intégration d’une condition de non-discrimination dans l’attribution de marchés publics, qui encouragera les bonnes pratiques dans le public comme dans le privé fait figure de nouveauté, si ces intentions se traduisent rapidement en réalités législatives ou réglementaires.

En réalité, les difficultés d’application de la loi sont absentes de son propos : les condamnations pour discriminations raciales ne se comptent que par quelques dizaines par an, celles pour discriminations sexistes ou homophobes restent anecdotiques, voire inexistantes. Établir la preuve, recevoir un soutien, engager une procédure : les obstacles sont nombreux, et sont quotidiennement mis en évidence.

Or, des propositions existent. Dans une tribune publiée hier par Libération, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, suggérait « l’introduction des “class actions” (actions collectives) et des dommages punitifs » réellement dissuasifs, ainsi que la généralisation du CV anonyme. L’Inter-LGBT réclame à cor et à cri que, devant les juridictions civiles, on traite enfin avec les mêmes outils l’ensemble des discriminations, qu’elles soient racistes, sexistes, homophobes ou liées à l’état de santé. Une loi récemment votée a en effet accentué les différences de traitement, au prétexte d’une transposition scolaire et aveugle de directives européennes.

Mais Nicolas Sarkozy préfère focaliser son attention sur la composition du corps préfectoral, de la magistrature ou de l’état-major de la gendarmerie nationale, quand les besoins se situent avant tout au niveau de l’intérimaire brimé, du cadre bloqué dans sa carrière, des employés victimes de harcèlement moral.

Le président de la République avait une occasion en or de montrer qu’il entendait le message des acteurs de terrain. En privilégiant une approche aux trois-quarts élitiste, il donne la désagréable impression que seuls méritent l’égalité des chances ceux qui partagent son ambition et son besoin de reconnaissance : les autres, banales victimes de discriminations ordinaires, ne seraient-ils que des gagnes-petits ? Souhaitons que Yazid Sabeg, tout nouveau Haut commissaire à l’égalité des chances, saura apporter un peu plus de nuance et de « diversité » aux solutions proposées.

• Alain Piriou •