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Une marée nauséabonde et dangereuse monte en Europe / S Holder (Carré Rouge)

mercredi 2 octobre 2013, par Amitié entre les peuples

1er octobre 2013 par Samuel Holder

Voilà comment débute le « Journal de notre bord » daté du 25 septembre 2013 posté sur le Site « Culture et Révolution » et signé Samuel Holder. En Grèce, l’assassinat de Pavlos Fyssas, chanteur de hip-hop antifasciste par un membre du parti néo-nazi « Aube dorée » a mis le pays en état de choc. Jusque-là, « Aube dorée » a bénéficié de la tolérance active de la police et d’une quasi-impunité. Après ce meurtre qui a suscité des manifestations de colère massives dans tout le pays, les autorités grecques ont adopté un changement de ton spectaculaire, procédé à la démission et suspension de cadres de la police grecque et à l’arrestation des dirigeants et députés du parti néo-nazi. En Grèce, « Aube dorée » s’est développé sur fond de crise sociale, économique et humanitaire dévastatrice, dans un pays laminé par quatre années de « stratégie du choc », sous la houlette de l’Union européenne du FMI et des gouvernements grecs successifs.

Une marée nauséabonde et dangereuse monte en Europe. Les tendances chauvines, xénophobes, racistes, anti-démocratiques progressent et prennent déjà la forme d’agressions physiques et d’assassinats comme celui du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas qui a été commis en Grèce le 18 septembre dernier par un membre du parti néo-nazi Aube Dorée. En fait, plusieurs dizaines d’immigrés ont été agressés et assassinés depuis deux ans par les gens d’Aube Dorée, avec la complicité active de la police dont bien des individus, y compris au sommet de la hiérarchie, font partie. Les mêmes néo-nazis ont osé poursuivre en justice pour « diffamation », Savas Mikhail, un intellectuel juif marxiste révolutionnaire, en le dénonçant comme « un agent de la conspiration juive mondiale contre la Nation grecque, pour provoquer une guerre civile et établir un régime judéo-bolchévique ». A la suite de nombreuses protestations, y compris à l’échelle internationale, les néo-nazis ont été déboutés. Mais depuis, ils ont assassiné Pavlos Fyssas et agressé gravement une trentaine de militants syndicalistes communistes.

Avant de passer au cas de la France, il faut relever que la Grèce est un pays en situation d’explosion sociale quasi permanente depuis décembre 2008, avec des grèves fréquentes et des manifestations massives. La lutte de classe bat son plein en Grèce mais pas dans des formes faisant pour l’instant obstacle à la progression de l’extrême droite qui est sortie du néant ces dernières années et a obtenu près de 7 % des voix en 2012, avec 18 députés au parlement, et est créditée de 13 % dans les sondages. Réfléchir sur cette évolution inquiétante dans plusieurs pays européens dont la France n’a rien d’agréable. D’autant plus que les lignes qui suivent ne vont évidemment pas indiquer un chemin assuré, une voie convaincante pour écarter le danger de l’extrême droite et d’une résurgence du fascisme en ce XXIe siècle.

On voit bien qu’ici la xénophobie traverse la société de part en part. L’exemple est donné d’en haut, au niveau gouvernemental, comme sous Sarkozy. Manuel Valls fait du copier/coller en plagiant ses prédécesseurs Hortefeux et Guéant. Son ami le criminologue Bauer (également ami de Sarkozy) le conseille et l’encourage. Toute une série de petits ou grands politiciens « socialistes » qui craignent de perdre leur poste aux prochaines élections applaudissent à deux mains ses sorties contre les Roms. Disons clairement que le Parti socialiste est bien parti pour aller sur le terrain du Front National mais que cela ne le sauvera pas de la déroute, ni aux municipales, ni aux européennes. Mais on sait déjà que même en poursuivant la même politique réactionnaire que Sarkozy et même en l’intensifiant pour consolider les positions et profits du grand patronat, le gouvernement nous fera le chantage au danger du Front National alors qu’il aura tout fait pour lui donner des ailes. Au point qu’il n’est pas déraisonnable d’envisager qu’à ce rythme, aux prochaines élections présidentielles, Marine Le Pen sera présente au deuxième tour à un tout autre niveau que son père face à Chirac. Car tandis que Valls fait la chasse aux Roms et aux sans-papiers avec l’aval de Hollande, l’UMP se fissure et ses chefs poursuivent leur dérive vers l’extrême droite.

Il ne faut pas jouer les Cassandre, certes. Mais il ne faut pas non plus pratiquer la politique de l’autruche, pour ultérieurement pousser des cris de surprise et d’épouvante devant les scores du Front National. Cela impose d’engager une réflexion de fond sur tous ces phénomènes pour mobiliser les moyens adéquats pour les contrer. Les ressentiments, le mal vivre, les indignations cherchent une expression et se réfugient sur ce qu’il y a de pire : le repli sur l’hexagone, la nation, l’État, la France, les gens de « souche » qui ne seraient pas comme ceux d’ailleurs. Il faut déjà contrer partout et en particulier au sein de la sphère intellectuelle et politique se disant de gauche, toutes les argumentations protectionnistes, souverainistes, étatistes et nationalistes qui préparent le terrain à une régression sans frein vers un régime policier, raciste, anti-démocratique.

Bien des ressentiments se fabriquent sur le lieu de travail qui est de plus en plus un lieu infernal, un lieu d’évaluation chiffrée des individus et de dévaluation de leurs qualités humaines, d’humiliation, de chantage et de concurrence et, de plus en plus rarement et laborieusement, un lieu de solidarité et de lutte collective. Celles et ceux qui ne s’accommodent pas de ce lieu infernal qu’est celui du travail pour le capital, sont promis à un lieu encore plus détestable et anéantissant, le chômage. Et c’est pourquoi le lieu de travail est aussi un lieu stratégique où les aigreurs et les préjugés peuvent être défaits ou du moins mis à distance pour réactiver le goût de la lutte collective et de l’expression par chacun de ce qu’il a de plus généreux et inventif en lui pour ouvrir un autre avenir.

http://www.carre-rouge.org/spip.php?article537