Théorie de la violence de Georges LABICA - F Sitel
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Théorie de la violence de Georges LABICA
Georges Labica nous offre un ouvrage exigeant et de haute tenue. La violence, on nous en parle sans cesse, mais sur le mode du bruit, mêlant aux échos des brutalités guerrières la moindre incivilité, mixant les faits-divers sanglants et les exactions de voisinage… Quant à l’autre violence, toujours latente et parfois déchaînée, celle du pouvoir, on ne nous en dit rien. Son occultation permet de dénoncer celle des révoltés comme sauvagerie illégitime. D’un côté, l’ordre, inspirant un devoir de respect ; de l’autre, un désordre répréhensible… Une répression à ce point intériorisée qu’on en vient à juger honteux, et donc à refouler, le recours à la violence. Et à ne plus savoir inverser les termes de l’ordre et du désordre. Ainsi, la violence nous fait peur, à juste titre, mais, de surcroît, elle devient impensable. On la sait tapie et toujours menaçante, mais elle n’est perçue que dans le registre de l’émotion et sous forme d’instantanés.
Et c’est de tout cela que Georges Labica prend le contre-pied. Travail de longue haleine, qui mobilise une somme impressionnante de documents et de réflexions, traversant les époques et les diverses dimensions du problème. Afin, pourrait-on dire, de faire le tour de la question. On est aux antipodes des réactions fragmentées, à l’emporte-pièces, superficielles. Le terme de théorie, pour surprenant qu’il puisse paraître à première vue, se justifie pleinement.
La lecture du livre conduit progressivement au cœur de la question : le lien étroit, intime, indissociable, entre violence et pouvoir. Ce qui amène à penser (au plein sens du terme) que la lutte contre le pouvoir implique d’assumer la dimension de la violence. Sans qu’il y ait de choix possible. Georges Labica rappelle que tout affrontement de pouvoir a toujours été payé fort cher par les opprimés. Ce qui prouve que le recours à la violence n’est par leur fait, mais est imposé par les oppresseurs. Ce qu’il faut savoir ! Sinon, sous couvert de refus de la violence, c’est la renonciation au pouvoir qui est intériorisée. Ce à quoi tous les propos tenus (c’est-à-dire la propagande diffusée par le système) sur le thème de la violence ont pour fonction de nous conduire. ■
Francis Sitel
Rouge n° 2267, 25/09/2008
La Citta del Sole, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 264 pages, 22 euros.