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Taguieff et les théories du complot.

vendredi 19 décembre 2008, par Amitié entre les peuples

TAGUIEFF et les théories du complot.

par anonyme
le 11 nov 2005

Source : http://vieuxsinge.blog.lemonde.fr/

Le Monde 2, fidèle à sa ligne politique, donne la parole (avec la Une) à Taguieff. Après Pascal Lamy, si les lecteurs alter-mondialistes ou nonistes ne comprennent pas qu’ils n’ont rien compris à rien, c’est à désespérer du matraquage médiatique.

Que dit-il ?

Pierre-André Taguieff (PAT) est un spécialiste de la “reconstruction” des théories politiques.

Je vais essayer d’expliquer en quoi cela consiste :

Les historiens classiques des idées procédaient comme suit, en prenant l’exemple de Marx comme objet de l’étude :

Commencer par connaître son environnement familial, son éducation, ce qu’il avait lu, ses rencontres, le contexte historique, économique et politique, pour connaître l’amont. De là, on expliquait la genèse de l’oeuvre, les tâtonnements, les débats avec les contemporains, les évolutions, la confrontation avec les faits, etc..

Ensuite venait l’étude de la postérité, les écoles et pratiques se réclamant de Marx.

Certes l’historien du marxisme pouvait privilégier telle ou telle source, Ricardo ou Hegel, telle ou telle postérité, des sociaux-démocrates à Pol Pot. Mais on restait sur le marxisme réel, même si la vision était partielle, voire partiale.

C’est ainsi qu’ont procédé Yves Calvet ou Raymond Aron, qui n’étaient pas marxistes, mais dont personne ne conteste la connaissance du sujet et la rigueur intellectuelle.

Quand il s’agissait de décrire et expliquer un événement, la méthode était la même, même si les sympathies des uns et des autres apparaissaient par exemple dans les différentes histoires de la Révolution française. Les historiens pouvaient aussi privilégier certaines causes, certaines explications, accorder plus ou moins d’importance aux forces sociales, aux personnages, aux organisations, etc..

La reconstruction, au contraire, consiste à prendre des morceaux de puzzle qui viennent de plusieurs boîtes, et à faire un paysage en forçant les pièces à s’emboîter.

Si par hasard, des groupes, politiques ou non, emploient le même vocabulaire, les mêmes mots, on en déduit qu’ils se réclament de la même idéologie, et que finalement ils sont semblables. Et peu importe qu’ils ne se connaissent pas entre eux, et même qu’ils n’aient pas pu se connaître, pour des raisons géographiques ou historiques. Peu importe également que les mots n’aient pas le même sens, qu’un libéral américain soit autre chose qu’un libéral français, que la démocratie ne signifie pas la même chose dans la Grèce classique, en France aujourd’hui et en Corée du Nord.

Et quand on peut mettre dans le même sac des charlots, des escrocs, des paranoïaques et des partisans de théories politiques plus sérieuses, on jette le discrédit sur ces derniers, et le tour est joué.

Mais pour que ça marche, il ne faut surtout pas s’encombrer avec des faits précis, ne jamais chercher à être exhaustif.

Pour PAT, il y a un retour en force des théories conspirationnistes et complotistes, et il cite en vrac : Da Vinci Code, X-files, les théories sur l’influence de la franc-maçonnerie, les Protocoles des Sages de Sion, et… l’extrême-gauche altermondialiste. La messe est dite : tous des fous irrationnels… Ce n’est donc même pas la peine de critiquer les théories de cette dernière, puisqu’elles ne sont pas de l’ordre du rationnel.

Les gens qui parlent de complot ou de groupes de pression sont donc d’office dé-crédibilisés.

Et Taguieff fait comme s’il n’y avait jamais eu de complots, et n’hésite pas à tronquer la réalité pour défendre ses thèses. Par exemple, il explique que les “Protocoles..” ont été composés à la Bibliothèque Nationale avec “les moyens du bord”, sans dire lesquels et pour cause :

Golovinski a “pompé” sur les “Dialogues aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu” de Maurice Joly. Ce dernier, républicain, a écrit cet ouvrage pour dénoncer la prise du pouvoir par Napoléon III, le coup d’État du 2 décembre 1851, et la main-mise du clan bonapartiste sur la France.

Et là, il y avait bien eu un complot réel et réussi. Quant à la main-mise, les historiens peuvent en débattre sans passion, mais ce n’est pas totalement faux.

Pourquoi Tagueiff ne dit-il pas que les complots existent, même s’il ne faut pas en voir partout. L’histoire de France en est pleine, le 9 thermidor (chute de Robespierre), le 18 brumaire (prise de pouvoir par le général Bonaparte), le 2 décembre 1851 (le neveu), le 13 mai 1958. Sans compter ceux qui ont échoué et toutes les conspirations de l’Ancien régime. Et c’est la même chose ailleurs, les exemples sont nombreux.

L’évocation du rôle de la CIA serait elle aussi de l’ordre du fantasme pour PAT. Si elle ne joue vraiment aucun rôle, on ne comprend pas pourquoi le gouvernement US continue à lui allouer un budget. Dans ce cas, qui a renversé Arbenz, Allende, Mossadegh, tenté d’assassiner Castro, etc… ?

Les complots existent, les organisations clandestines aussi, et ce n’est pas parce que des barjots ou des escrocs en voient partout qu’il n’y en a pas.

Il y a certes un vrai sujet dans ce que dénonce Taguieff, mais il ne va pas au fond des choses : c’est la prodigieuse inculture historique et scientifique de nos contemporains. Et ce n’est pas un phénomène récent. Il y a 40 ans, la mode était à Robert Charroux et l’explication de la construction des Pyramides (d’Égypte et du Mexique) par l’intervention des extra-terrestres. Les explications dingues ne datent donc pas d’aujourd’hui.

Si ça marche (en clair si ça se vend) c’est parce que beaucoup de gens n’ont pas les moyens de démêler le vrai du faux, et que personne ne les aide. On pourrait imaginer des émissions sur le service public de télévision, qui expliqueraient que tout ça, c’est du pipeau. Malheureusement, la télé ne joue pas son rôle.

Combien de Français, après avoir vu les “Rois maudits” dans des décors de Druillet, vont penser que les châteaux médiévaux avaient cette allure ?

Après avoir rappelé que le “Prieuré de Sion” est une invention contemporaine, qui expliquera ce que furent réellement Godefroy de Bouillon et les croisades, quelle est la véritable histoire de Jérusalem, en faisant la part du mythe et celle de l’histoire, etc..?

Revenons à ses thèses : S’il n’y a jamais de complot, Taguieff devrait aller expliquer à Detlev Mehlis que Rafic Hariri s’est fait sauter tout seul. Cela arrangerait Assad fils, et chacun sait que son père a été porté au pouvoir par un vaste mouvement populaire, au vu et au su de tout le monde !!

Ce n’est pas parce que des zozos expliquent un événement par un complot de fantaisie qu’il n’y a pas eu complot, y compris pour cet évènement. PAT cite des théories dingues sur l’assassinat de Kennedy, mais Kennedy a bien été assassiné, et l’assassin n’était probablement pas seul. Le complot est très vraisemblable, même si on ne peut pas aller plus loin dans l’explication.

Parlons maintenant du rôle de certaines organisations. Les “complotistes” verraient, à tort bien sûr, leur influence partout.

Selon PAT, ceux qui parlent du rôle de la franc-maçonnerie dans l’histoire française sont victimes de fantasmes. Qu’il aille l’expliquer aux intéressés, qui s’en font gloire !

Idem pour l’Opus Dei, qui n’a jamais rien fait, dont les membres n’ont jamais siégé en masse dans le dernier gouvernement de Franco.

Voir dans toute crise sociale les conséquences d’un complot bolchevique était stupide, mais tout autant que nier le rôle réel du Komintern et de ses organisations secrètes.

Parmi les causes de la Révolution Française, il y a (en vrac) la crise économique, la montée en puissance de la bourgeoisie qui veut participer au pouvoir, la crise financière de l’État, les c.. de Louis XVI et de son entourage, les échecs des modernisations de l’État, mais aussi la diffusion des idées nouvelles, via notamment les loges maçonniques. Mais faire la part du rôle de chaque cause est un travail de longue haleine, qui nécessite de vérifier ses sources et les soumettre à la contradiction.

Je résume : il y a des complots, réussis ou non, des groupes de pression, efficaces ou non, ils participent à l’histoire, mais il ne la font pas toute. Ne voir qu’eux ou les nier est tout aussi stupide.

Ces théories pourraient faire sourire, tout autant que celles dénoncées, s’il n’y avait pas la conclusion :

Des antisionistes citent les “Protocoles”, exemple fameux d’un faux complot, donc la critique de l’État d’Israël et du sionisme ressort du complotisme raciste.

Les antisionistes sont souvent opposés à la politique américaine (ce qui soit dit en passant est parfaitement logique, les deux États sont alliés), donc les opposants à la politique américaine et les altermondialistes sont des partisans de la théorie du complot, des antisémites, bref des dingues dangereux.

PAT reconnait que la mondialisation est un fait, mais qu’elle est mythologisée. Qu’est-ce que cela signifie ?

Et je ne me souviens pas d’avoir lu chez les altermondialistes des explications par des théories du complot, à moins de considérer que critiquer le rôle de l’OMC est du “complotisme”.

Parlons des faits, positivement et avec raison, échangeons des arguments sur : la politique américaine, la politique israélienne, les déséquilibres Nord-Sud, les délocalisations, les causes des changements climatiques, l’épuisement des ressources naturelles, etc..

Mais PAT préfère ne pas en parler et diaboliser, à coup de glissements de sens, d’approximations historiques, ceux qui s’opposent aux politiques américaine et israélienne actuelles.

En pour corser le tout, il assène des concepts sans les définir :

néogauchisme : quelles sont les différences par rapport à l’archéo ?

moralisme solidariste néo-chrétien (reconversion du New Age) : mélanger les “cathos de gauche” et les hippies, secouer bien fort, etc.. fallait le faire !!!