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Spencérisme : La survalorisation de l’entrepreneur marchand. C Delarue

vendredi 18 novembre 2011, par Amitié entre les peuples

ANTHROPOLOGIE

Spencérisme : La survalorisation néolibérale de l’entrepreneur marchand.

Le libéralisme classique relativement offensif au plan marchand a pu néanmoins accompagner longtemps une conception d’être humain par ailleurs relativement préoccupé du sort d’autrui . Cela explique que le christianisme tout comme le darwinisme aient pu tout deux vivre - sans trop de problèmes - avec la domination capitaliste dans et contre la société. Que christianisme et darwinisme soient deux conceptions très différentes de l’humain et de la nature - une idéologico-religieuse, l’autre anthropologique - n’empêchent nullement une conjonction de préoccupations relativement similaires dans la vie quotidienne .

Cela s’expliquait principalement par le fait que le premier libéralisme défendait le marché et la démocratie représentative mais dans un cadre global d’ « indifférence axiologique du capitalisme » (Formule de Lucien Goldman). Alain Bhir a évoqué lui « une foire aux sens » car le capitalisme et le marché ont refoulé les grands discours porteurs d’un sens solidement charpenté. Avec le recul des religions c’est le marché, les producteurs et les consommateurs qui produisent du sens. Mais il y a alors autant de significations que d’individus.

Avec le néolibéralisme cette tendance s’est accrue mais avec une valorisation particulière de l’individu « entrepreneur » qui est surtout entrepreneur de soi sans aucune préoccupation d’autrui. L’individu est devenu « entreprise » et uniquement cela. Il assume la totale responsabilité de ce qu’il est et ce qu’il fait. Mais tous doivent faire de même pour vivre ou survivre.

Pour mieux saisir la portée de la transformation du modèle dominant de l’individu il faut voir que le souci d’autrui doit ici disparaitre complètement. Comme il n’y a pas de société, il n’y a pas non plus de collectif ni d’agir ensemble pour établir des règles sociales protectrices. C’est là que des auteurs (1) ont pu remonter la filiation idéologique jusqu’à Herbert Spencer et sa « lutte pour la vie ».

Le spencérisme s’oppose ici frontalement à la charité chrétienne mais aussi aux « instincts sociaux » de Darwin naturellement présents chez les humains. Ces « instincts sociaux » sélectionne le contraire de la sélection répète Patrick Tort depuis 25 ans. Ils construisent la civilisation et s’opposent à la barbarie. Dans ce cadre les services publics, la sécurité sociale, et plus globalement l’Etat social relève bien de la « construction de la civilisation ». Il en va de même de la mise en ouvre de la démocratisation de la société et de l’Etat.

« Homo homini lupus » mais aussi « Altius, citius fortius » pourraient condenser les pseudo valeurs néolibérales de l’entrepreneur combattant tant en société qu’au travail . Ces formules s’opposent frontalement aux valeurs républicaines « Liberté, Egalité, Fraternité » qui ne sont pas des fétiches pour se prosterner mais des valeurs à construire politiquement dans le sens de la dignité humaine tel que Ernst Bloch le défendait (2) c’est à dire en luttant pour supprimer les rapports d’oppression et de domination.

Christian DELARUE

Poursuite d’un texte produit il y a deux ans : « L’entrepreneur ou l’individu appelé à se concevoir comme une entreprise » C Delarue

http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/l-entrepreneur-ou-l-individu-60888

Mais aussi de :
Le spencérisme accommodé par le néolibéralisme.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1986

1) La nouvelle raison du monde : Essai sur la société néolibérale : Pierre Dardot, Christian Laval

2) Droit naturel et dignité humaine. Ernst Bloch Payot 1976