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Société, culture et identité de relation (avec V Daoust). C Delarue

samedi 31 décembre 2016, par Amitié entre les peuples

Société, culture et identité de relation.

Christian DELARUE
2013

Plus que chez Antony Giddens (qui a aussi dégagé des types d’individu) ce sera chez Valérie Daoust que nous prendrons, avec quelques libertés sans doute, ces identités, c’est à dire ces types d’individualité de la société contemporaine.

Ce classement - tout comme le livre qui lui sert de base (1) - ne tient pas compte des rapports sociaux de classe ni des rapports sociaux de genre. Il faut le savoir, le garder à l’esprit. Ce qui n’empêche pas de lui trouver un grand intérêt. Car on peut y lire un modèle de société en pointillé, notamment avec l’amour authentique, de l’amour confluent.

Si un classement peut être utile pour penser, ce n’est alors que les premiers pas de la pensée. Il faut aller plus loin. D’ailleurs cette typologie est en fin d’ouvrage chez Valérie Daoust (1). Pour aller plus loin on reviendra sur le thème de l’amour authentique, de l’amour confluent.

Quatre types d’individu sont pensés dans les sociétés contemporaines démocratico-laiques ou les individus libres sont en capacités de choisir. A la différence de l’auteure, petite parenthèse, je pense que cela ne concerne pas l’ensemble de la population de tous les pays, y compris en Occident.

 LES QUATRE TYPES D’IDENTITE

1) L’individu rationnel . Il est dans la raison et dans le contrôle des pulsions et des passions. Le désir et le plaisir ont une place modeste laissée aux petits contentements lorsqu’il ne s’agit pas d’activités très sublimées. Les philosophes préférés ne manquent pas. Citons Descartes, Spinoza, Kant, Fromm versus Kant.

2) L’individu interessé. Il est le contraire du premier. Mu par ses désirs, il aime les plaisirs sous toutes ses formes, y compris le sexe. Il fait du marché et de son corps l’instrument de satisfaction de ses désirs. La raison est active mais de type calculatrice. Ce n’est pas comme l’individu rationnel un cérébral. C’est un être de passion active et affirmée. La philosophie est hédoniste.

3) L’individu libidinal. C’est une variété de l’individu interessé et calculateur mais sa recherche du plaisir se porte principalement et massivement sur le sexe. Là est pour lui et elle le vrai plaisir. Les autres plaisirs sont très secondaires à la différence de l’interessé. Sa philosophie est celle de la liberté sexuelle avec Reich et Marcuse.

4) L’individu romantique est particulier puisque s’il peut être à l’occassion très passionné et très libidinal, il est surtout motivé « par un idéal d’accomplissement de soi à travers le sentiment de l’amour » (V Daoust p239) Il recherche via la complicité avec son autre l’authenticité et l’honnêteté de l’amour vif, qui peut très bien transgresser les codes dominants de la société. Les philosophes à mobiliser sont Rousseau, Fromm versus Marcuse.

Chaque individu réel, homme ou femme, ne se réduit à aucun de ces types. Il opère un mélange des genres. V Daoust le précise.

 INDIVIDU, IDENTITE ET RAPPORTS HOMMES/FEMMES.

Eléments de critique : Il n’est pas anodin pour les femmes de rencontrer un homme cérébral qui aura peur des femmes et du sexe, ou un homme libidinal sadien, ou un libidinal non sadien ou un romantique. Autrement dit, il faut réintroduire la domination - car l’auteure n’évoque pas la prostitution ni les viols - mais aussi (grâce à V Daoust cette fois-ci) le modèle « romantique », qui ne se limite pas à l’exposé plus bas.

Politiquement, du point de vue des rapports hommes-femmes, et c’est là mon apport, l’individu libidinal peut avoir deux profils. Il peut être un pro-sexe à « scrupulum » (ie avec un « petit caillou » éthique dans la chaussure qui géne sa course et qui lui dit qu’il opprime) ou un pro-sexe sans vergogne ni attention aucune à l’autre. Il y a donc deux catégories de pro-sexe. L’un ne sera pas client de prostituée, l’autre oui. L’un respectera le ressenti d’autrui pas l’autre. Ce dernier ne pensera pas sa vie avec un Fromm même en versus Marcuse plutôt que Kant (austère). DSK, pour prendre un exemple connu, n’a pas de philosophie sinon celle sadienne de se servir sans vergogne auprès des femmes comme il se sert sur le marché des biens et services.

Concernant l’individu romantique (modèle), il faut lire ici ce qu’écrit ailleurs Valérie Daoust sur l’amour confluent. C’est d’ailleurs pour moi le principal apport de ce livre. Ce n’est pas une apologie du mariage ni même de la fidélité fétiche (2) mais une apologie de l’amour-complicité. Il émancipe, il élève. Il est une transcendance sans Dieu.

 AMOUR SUBLIME

Je reprends donc ce que j’avais déjà écrit en 2007 sur chrismondial en citant un extrait de « De la sexualité en démocratie – L’individu libre et ses espaces identitaires. » PUF 2005.

Voici l’extrait :

"L’amour devient une chance d’être authentique dans un monde ne général gouverné par des solutions pragmatiques et des mensonges opportunistes : c’est en quelque sorte une nouvelle religion, qui à la fois promet le bonheur, permet d’échapper à la quotidienneté et donne un sens à la vie. (V DAOUST cite ici un auteur qui montre que l’amour possède aussi des caractéristiques qui le différentient fondamentalement de la religion.).

L’individu romantique, dans ce contexte, doit respecter une règle fondamentale : l’obligation de l’honnêteté. Au risque même de briser ses engagements et l’amour, dès lors, n’est plus le lieu d’une affection partagée, mais celui des peines et des douleurs de l’intimité. L’obligation de l’honnêteté constitue l’authenticité des sentiments exprimés à l’autre et participe à cultiver un rapport à soi-même qui soit véridique.

Ce n’est pas, comme l’interprète Claude Habib, que nous connaissions aujourd’hui le chacun pour soi, sous le signe d’un individualisme égoïste, qui ne permettrait pas de relations à long terme. C’est la recherche d’une grande loyauté dans l’amour, qui devient un lieu où l’homme et la femme déterminent leur existence et ont l’impression d’agir librement. C’est la référence à soi et jusqu’à un certain point à l’autre, qui rend l’action amoureuse légitime.

De la même manière, on ne se marie plus pour d’autres raisons que celles qui renvoient à l’amour – les institutions et la tradition, la sécurité économique et la famille sont désormais des facteurs secondaires -, et l’amour qui trahit les engagements et les espérances devient insoutenable.

Ce n’est pas le fait que l’individu soit devenu un être égoîste qui rend les relations difficiles, mais que l’amour soit investi d’une telle puissance libératrice et transcendante : il est associé à un idéal de liberté, de vérité et d’accomplissement.

Autrement dit, l’individu est à ce point romantique, qu’il préfère souvent être seul plutôt que de s’engager dans une relation qui ne correspond pas à son idéal.

Cet idéal de la relation amoureuse sous le signe de l’authenticité doit satisfaire à plusieurs impératifs. Elle réclame l’attirance sexuelle, la complicité, qui ressemble à une profonde amitié mais aussi le partage de projets communs, constituant l’histoire romantique du couple, et ou l’enfant peut devenir la preuve de l’authenticité et de la profondeur des sentiments partagés.

Mais il y a plusieurs manières d’élaborer les scénarios amoureux : les expériences dans la vie de chacun l’amène à adhérer de différentes manières aux principes de l’amour romantique. L’âge de l’individu a son rôle à jouer dans les mises en scènes de l’amour ; les projets et les attentes ne seront pas les mêmes pour l’individu de vingt ans et pour celui de soixante.

Quoique les projets et engagements puissent varier, l’amour romantique conservera le caractère de l’ « amour confluent », comme réciprocité, et le caractère de l’amour passionnel comme désir à consumer".

Fin de citation.

Valérie Daoust précisait dans ses pages sur « la réciprocité » ce que signifiait « L’AMOUR CONFLUENT » au regard de trois types de sexualité :

« L’amour confluent » met l’érotisme au centre de la vie conjugale et devient un idéal dans une société, pense-t-on, où chacun peut s’accomplir sexuellement : ainsi, parallèlement à la sexualité pensée comme une multiplication d’expériences permettant une découverte de soi et une sexualité-spectacle qui n’implique pas de relation à l’autre, il existe une sexualité qui prend la forme d’un accomplissement personnel à travers l’expression des sentiments, et qui exige aussi une reconnaissance subjective réciproque. Cette reconnaissance réciproque n’est pas exclusivement hétérosexuelle et monogame.

1) Valérie DAOUST a écrit : De la sexualité en démocratie – L’individu libre et ses espaces identitaires. » PUF 2005.

2) Les fidélités raisonnables et la Fidélité-fétiche des religions (laicisée depuis).

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/150213/les-fidelites-raisonnables-et-la-fidelite-fetiche-des-religions-laicisee-depuis