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Sexisme : Animaliser pour déshumaniser les femmes trop peu habillées (pour eux) Christian DELARUE

dimanche 1er octobre 2023, par Amitié entre les peuples

SEXISME

ANIMALISER POUR DESHUMANISER LES FEMMES TROP PEU HABILLÉES (selon eux)

Une autre « économie pulsionnelle » est possible !

Les intégristes religieux (juifs haredim et musulmans) notamment mais sans doute pas qu’eux usent abondamment du rapprochement entre le nu ou quasi-nu et l’animal (vidéo Iquioussen notamment) pour stigmatiser bien sur - ce qui est inadmissible - mais aussi pour signifier que les humains, les hommes mais surtout la femme, ont pour caractéristique spécifique naturelle, non discutable, de se couvrir, de se vêtir. Cela les distinguerait naturellement des (autres) animaux.

Si on s’en tient là, et donc si on prend au sérieux ce fait historique soit-disant naturel propre à l’humain, il reste encore à résoudre la question du seuil puisque l’on peut être plus ou moins couvert comme personne humaine.

Avant d’évoquer Norbert Elias, on procédera pour étudier ce phénomène, de l’examen du « strict minimum commun à cacher », donc du « très très peu » couvert, pour tous et toutes jusqu’à la position opposée qui veut quasiment tout cacher du corps, y compris pour les petites filles de deux ans. On a pu user jadis à ce propos de deux termes synthétiques : d’une part « l’hypotextile » (le peu vêtu) et d’autre part « l’hypertextile » (le très couvert) pour faciliter la compréhension des positions culturelles opposées en présence.

Dans les années 55-75 un droit à se dénuder (I) fut conquis contre la pudeur obligée pour les femmes, mais un revers apparu : ce droit au quasi-nu est risqué pour les femmes (II). La conquête est fragile, non terminée.

I - DROIT DE SE DENUDER : Une conquête datée

Dénuder quoi (1) et à quelles conditions dans l’économie pulsionnelle (cf le « se tenir » : 2)

1) - Organes sexuels primaires (OSP) et organes sexuels secondaires (OSS)

Cacher les OSP comme strict minimum (A), pas forcément les OSS partout (B).

A) Le strict minimum observé.

Sauf pour les nudistes ou naturistes (qui vivent entre eux), l’ensemble des humains sur la planète et dans l’histoire cachent ce que l’on nomme « l’organe sexuel primaire » à savoir le sexe masculin et le sexe féminin. Notons l’égalité sur ce point entre les deux sexes.

Parfois - c’est assez rare - dans les douches, les hommes (à l’armée) ou les femmes sont nu-es sous la douche mais séparément (sexo-séparatisme en ce cas). Ce qui n’enlève rien au fait que montrer son sexe à autrui relève ordinairement de l’intimité sexuelle, hétérosexualité ou homosexualité .

A ce jour la civilisation humaine impose à minima de devoir mettre un string pour cacher son sexe, masculin ou féminin . C’est ce qui est universellement obligé sous toutes les latitudes et dans toutes les périodes historiques.

Le reste - à savoir les seins et les fesses pour l’essentiel - ne fait déjà plus consensus sur la planète puisque le sein-nu est apparu tout comme le string sur certaines plages publiques et pas d’autres et à une certaine époque et pas une autre.

B) Une conquête féministe .

Un mouvement de libération a permis de laisser à l’air libre ce que l’on a pu appeler les « organes sexuels secondaires » . Le sein nu est donc devenu affaire de convenance sociale et non pas un interdit immuable .

Après une longue période très pudibonde en Europe, soit grosso modo après 1965-70 environ, les seins des femmes purent être découverts sur les plages ou dans les piscines mais pas ailleurs. Ce fut la même chose pour les fesses, avec le port du string. Les diverses mini-jupes furent aussi portées par les femmes de tout âge dans ces années 65 jusqu’à nos jours.

Cela montre, pour prendre le langage de Norbert Elias, qu’un apprentissage d’une autre « économie pulsionnelle » a été et reste possible. Que c’est un enjeu de pouvoir entre libéraux et sexyphobes.

2) - Libération et changement dans la demande : « se tenir » !

Les pudibond-es pour eux et pour autrui - hommes ou femmes - continuèrent à manifester une haine sexyphobe contre les personnes dites « hypotextiles », les personnes trop peu couvertes selon elles. L’animalisation et les injures continuèrent mais, ce qui est à noter, c’est qu’ il ne s’agissait désormais que d’une contre-tendance face à un très large mouvement d’émancipation d’une lourde tradition tout à la fois culturelle et religieuse (de plusieurs religions) .

A ce stade, on peut se poser la question des enjeux en termes d’économie pulsionnelle et de rapports humains sexués : L’effort demandé a changé de camp dans les années 65-70 : il est passé des femmes aux hommes. Ce n’est pas une mince conquête féministe !

Au lieu de constamment demander aux femmes de se cacher les seins et les fesses pour ne pas exciter sexuellement les hommes, ce furent les femmes qui demandèrent aux hommes de « se tenir ». « Se tenir » signifie refus des divers propos sexistes que ce soit sous forme de mépris mais aussi ceux laudatif . « Se tenir » signifie aussi refus des « mains baladeuses ». Même le regard a du changer : celui instinctif (cis-hétérosexuels) se comprends mais pas celui appuyé et insistant qui est refusé tout comme le "se retourner pour regarder encore.

II - (RE) MONTEE DU QUASI-NU RISQUE

Contre-mouvement réactionnaire s’est renforcé (1) ce qui n’a pas effacé le conquis : ou en est-on de l’économie pulsionnelle ? (2)

1) L’intégrisme religieux sexyphobe comme contre-mouvement réactionnaire

Dans quasiment le même temps, avec un certain décalage historique, alors que les intégristes catholiques, façon Tertullien, baissaient en audience dans les sociétés occidentales, les intégristes musulmans réussissaient à imposer « l’hypertextile », soit un habit hyper-couvrant le corps pour les femmes et les hommes mais surtout les femmes puisque, outre l’avant-bras, le mollet et les chevilles, le cou, les oreilles les cheveux et mêmes le visage devenaient des organes sexuels féminins devant être absolument cachés sous peine de viols pour les uns ou de comportement animal pour les autres. L’hypertextile, ce n’est donc pas seulement le voile sur la tête, c’est l’ensemble du corps qui est caché, y compris les avant-bras et les mollets et chevilles.

Le recouvrement « hypertextile » des femmes produit très souvent (ce n’est pas général) un fort surcroit de sexyphobie chez les personnes, hommes ou femmes, habituées à ce recouvrement constant. Outre la sexyphobie il y a aussi parfois un souci de fort sexoséparatisme qui veut que les femmes vivent séparément des hommes. Ce n’est plus du ponctuel mais du généralisé.

2) : Point sur l’économie pulsionnelle et le seuil de la pudeur

A) On a là deux processus historiques et civilisationnels contradictoires avec des contraintes qui sont différenciées.

Norbert ELIAS a évoqué dans « La dynamique de l’Occident » (1969- 1975 Calman-Levy) et plus précisément dans le second chapitre « Esquisse d’une théorie de la civilisation » un « conditionnement de l’économie pulsionnel » allant vers un "abaissement plus ou moins marqué du seuil de la pudeur et du sentiment de gêne ».

Sans doute ce seuil de la pudeur s’est abaissé dans nombre de nations mais en même temps il s’est élevé dans d’autres nations sous l’effet de forces religieuses intégristes . Notre période est celle d’une forte contradiction en la matière. Le droit de se dénuder est nettement posé et affirmé en même temps de la haine sexyphobe ne cesse de gonfler.

B) Quel est l’enjeu en matière de conditionnement pulsionnel ?

Autrement dit, L’ « économie pulsionnelle peut-elle changer, peut-elle s’inverser ? » Est-il possible d’exiger des hommes hétérosexuels un auto-contrôle qui permet aux femmes de s’habiller librement, de moins se couvrir sans subir d’injures ou de violences ?

La question n’est pas abstraite : les enseignant-es demandent encore assez massivement aux jeunes filles de se couvrir face aux jeunes adolescents « qui se lâchent » ! Autrement dit l’éducation au devoir masculin de « se tenir » n’est pas faite, sauf dans certains milieux sociaux dument instruits des modalités de l’émancipation plurielle.

Le mouvement progressiste semble abandonner la bataille pour un équilibre nouveau de type droit de se dénuder mais risque pour vous. Comme si le « se tenir » était trop demandé aux jeunes hommes et aux moins jeunes. Un fatum ?

Christian DELARUE

Addendum sur N Elias (octobre 2023)

Norbert Elias est un écrivain et sociologue britannico-allemand, né le 22 juin 1897 à Breslau et mort le 1er août 1990 à Amsterdam. Il est donc décédé après la période de « libéralisation des moeurs » que j’évoquais.
Il est l’auteur d’un ouvrage majeur de sociologie historique, Sur le processus de civilisation, paru, en France, en deux volumes, La Civilisation des mœurs et La Dynamique de l’Occident.
Je ne fais référence ici qu’au second volume devenu second ouvrage et plus particulièrement à la seconde partie intitulée « Esquisse d’une théorie de la civilisation », la première portant sur « La sociogènèse de l’Etat » .

Pourquoi ? Car on y trouve un chapitre intitulé : « la pudeur et la gêne ». (P263 de Pocket Agora) qui se rapporte bien à notre propos sur la pudeur plus ou moins subtilement imposée des corps (pas la pudeur des mots) surtout féminins. Mais ce chapitre est de peu d’intérêts si ce n’est qu’il débute par la référence au « conditionnement de l’économie pulsionnelle » et que ce point est important car on sort alors de la naturalité de la pudeur pour entrer dans une dynamique contradictoire du « çà » et du « surmoi » qui peut trouver un équilibre différent tout aussi « civilisé ».

Il y a aussi la référence à l’enfant conditionné (p196) tôt pour être réservé et cela porte, à l’évidence plus contre les filles que contre les garçons, même si eux aussi sont conditionnés.

Je cite ici à propos de civilisation Norbert Elias et pas Patrick Tort marxiste spécialiste de Darwin pour qui la civilisation apparait quand les humains sélectionnent les instincts sociaux, la non élimination des faibles, des vieux, etc. La civilisation sélectionne l’aide, les mécanismes institutionnels de solidarité entre classes sociales. Je peux faire référence à ce sens transversal aux nations et même aux individus (Erich Fromm affirme que l’humain est clivé).

La civilisation chez Norbert ELIAS s’entend comme processus de long terme et souvent de manière restrictive. Elle concerne alors avant tout les changements observables au niveau de ce que Norbert Elias appelle l’économie psychique, pulsionnelle, affective ou encore émotionnelle.
(in Termes clés de la sociologie de Norbert Elias | Cairn.info
https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2010-2-page-29.htm )