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Samir Amin, un altermondialisme marxiste qui intègre le fait national mais assez peu les peuples-classe.

samedi 12 mars 2011, par Amitié entre les peuples

Samir Amin, un altermondialisme marxiste qui intègre le fait national mais assez peu les peuples-classe.

Il s’agit d’une contribution critique aux théorisations d’une personne pour laquelle j’éprouve une vive admiration.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1591

Depuis une dizaine d’années de nombreux altermondialistes ont fait connaissance avec Samir Amin et ses analyses marxistes alors que ce dernier décrypte le monde depuis plus de trente cinq ans . Ses premiers livres sont publiés en 1973 et 1977 puis vinrent ensuite de nombreux autres livres dont La déconnexion en 1986.

Ce qui est apprécié chez lui c’est la prise en compte des nations et des peuples ainsi que des faits culturels le tout rapportée à la dynamique du capital mondial. Son matérialisme intègre les faits économiques sans s’y réduire. L’auteur foncièrement engagé du côté des peuples du Sud n’a pas hésité à questionner l’islam pour juger ses ambiguïtés à la fois comme force conservatrice et force émancipatrice. Par comparaison, nous n’avons pas lu par exemple dans le petit livre de d’ A Gresh (1) une analyse aussi critique de l’islam. On connait la pertinence des analyses de Gresh dans bon nombre de situation mais l’on reste surpris d’une telle apologie. L’esprit de camp est un biais idéologique qui entrave une bonne analyse scientifique.

On observe chez Samir Amin, notamment avec la notion de polarisation ou de dualisation du monde, une tendance à globaliser l’Occident ou le Nord comme un ensemble qui assure la domination ou l’impérialisme. Or si la polarisation est vrai la globalisation est fausse. S Amin ne voit guère un clivage de classe au Nord dans chaque pays ; clivage qui est à l’origine de la formule « Il y a du sud au nord comme il y a du nord au sud ». Autrement dit la polarisation du monde Nord contre Sud - qui est réelle répétons-le - se dédouble tant au Centre que dans la Périphérie d’un clivage interne. Dans ce cadre de polarisation intra-nationale la notion de peuple-classe est utile. Elle permet de préciser que ce sont les classes dominantes des pays du nord qui mènent activement des politiques impériales ou néo coloniales . Le reste de la population - le peuple-classe - n’est pas largement informé de ces pratiques détestables.

La polarisation nord-sud a été notamment mis en valeur avec le fameux schéma de la coupe de champagne (2) le pied fin y représente la pauvreté du sud alors que la coupe élargie (pas une flute) représente l’opulence du nord. Ce n’est évidemment que le premier pas de l’analyse critique. Le second regard critique est essentiel. Il permet de voir qu’il y a des très riches au sud et des peuples-classe au nord qui subissent la domination d’une classe dominante. De très nombreux pays du Sud possède une classe dominante parasitaire et compradores bien en lien avec les bourgeoisies dominantes du nord. Et au Nord, le fait de posséder automobiles, télévisions, etc... n’est pas un indice d’acceptation de l’ordre injuste du monde et encore moins un critère d’appartenance à la classe dominante. Il ne va pas jusqu’à dire cela mais il n’en demeure pas moins qu’il tend beaucoup, comme Jean Ziegler, et d’autres qui évoquent souvent l’Occident, à relativiser le clivage interne de classe des formations sociales impérialistes.

Notre position se distingue aussi de certains courants progressistes chrétiens qui admettent l’existence d’un sud au nord mais pour le limiter au pauvres, au lumpenprolétariat. Elle se distingue encore d’une conception ouvriériste qui ne voit le sud au nord que chez le ouvriers de l’industrie avec parfois une extension aux employés de bureau. Notre conception se veut critique de l’idéologie du peuple qui masque l’existence d’une classe dominante tout comme celle de nation. Ces deux notions - peuple et nation - ont cependant une faculté de dire le vrai dans certaines circonstances. Cela ne saurait être dénié. Lorsqu’elles « fonctionnent » de façon idéologique c’est la notion de peuple-classe qui mériterait d’être employée car elle a un effet de dévoilement critique, soit d’une classe dominante soit une large fraction de peuple dominée. Pour autant elle, n’ignore pas les rapports sociaux de classe entre le capital et le travail salarié lorsque ces derniers sont en jeu.

Cette différence d’appréciation incite à voir autrement la proposition de déconnexion qu’il propose. Il s’agit cependant d’une déconnexion du capitalisme mais pour nous elle doit s’opérer aussi bien en interne qu’en externe. Si S Amin pense la déconnexion du Tiers Monde du système capitaliste mondial il nous revient comme membre de peuple-casse du Nord de nous préoccuper de notre propre émancipation et de l’émancipation des peuples-classe du Sud. Pour ce faire la déconnexion de l’Union européenne est aussi cruciale que la déconnexion au système capitaliste mondial. Avec S Amin on retient que la mondialisation est bi-dimensionnelle : mondiale pour la dynamique du capital et nationale pour les droits sociaux (droits du travail, sécurité socialle, service publics).

Christian DELARUE

1) Ce livre, « L’Islam en questions », débat entre A Gresh et Tariq Ramadan, a cependant fait l’objet d’une nouvelle version qui n’est pas ici évoquée.

2) Ce schéma dit de la coupe de champagne est visible dans « Les destins du tiers-monde » de M Husson et T Coutrot Ed Circa

MRAP : Il y a du « Sud au Nord » et du « Nord au Sud ». C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article807