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SEXUALITE & CIVILISATION : Vive le plaisir partagé ! - C Delarue

mercredi 16 décembre 2009, par Amitié entre les peuples

SEXUALITE & CIVILISATION : Vive le plaisir partagé !

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article617

Rebond sur deux contributions

1-Le progrès civilisationnel de Léo Jog

2 - Contre les intégristes une politique de libération sexuelle de JJ Lakrival

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Le premier texte ne parle pas exclusivement de la sexualité. Il évoque trop brièvement les différentes formes de violences, de dévalorisations qui vont contre le « progrès civilisationnel ». Le second - qui semble reprendre une thématique d’Annick Berthelot in Sexualité et rapports sexuées : vers quel féminisme ? Crit co 188 - centre plus le propos sur la sexualité à libérer vraiment contre l’intégrisme religieux surtout mais aussi contre la marchandisation extrême et notamment la prostitution.

 A propos du « progrès civilisationnel » on peut suivre la définition proposée Norbert ELIAS « Le processus de civilisation consiste en une modification de la sensibilité et du comportement humains dans un sens bien déterminé » . Mais le sens de processus est loin d’être unilatéral. Avec la vision d’ Eric Fromm et d’autres auteurs on peut le voir au contraire très contradictoire mélangeant d’une part le maintien d’un virilisme dominateur (P Bourdieu), la croissance d’un militarisme guerrier, le penchant maintenu pour le racisme et les camps d’accompagnement de la xénophobie d’Etat et d’autre part l’affirmation lente d’une sensibilité romantique du monde qui se veut porteuse de paix, d’égalité, de cordialité. Une sensibilité qui se dresse à la fois contre les traditions autoritaires et patriarcales et contre l’écrasement de l’individu sous les logiques généralisées de concurrence issues de la marchandisation du monde et de la soumission des valeurs à l’économisme néolibéral. Parler de « progrès civilisationnel » suppose aussi d’en finir avec l’impérialisme et le post-colonialisme. Ici il importe de rappeler brièvement avec Doménico Losurdo que « Le péché originel du XX ème siècle » (Ed Aden) prend racine bien avant Octobre 1917 dans les méfaits du colonialisme qui fut « une véritable école de masse du nazisme ».

 A propos du second texte « Contre les intégristes, une politique de libération sexuelle », une première réponse montre qu’il existe un refus du sexuel et donc un maintien volontaire dans l’abstinence (sauf peut-être masturbation solitaire) chez des individus influencé(e)s par la religion « ordinaire » sans parler de l’intégrisme ; chez des croyant(e)s non pratiquantes. On trouve d’ailleurs cette idée de l’importance de l’acte sexuel chez des personnes athées. L’idée est pour certain(e)s que la sexualité engage si fortement l’intimité de soi que la simple recherche du plaisir ne suffit pas pour engager une relation sexuelle brève.

Si on laisse cet aspect de côté (l’auto-contrainte chez Elias) pour mettre surtout l’accent sur les contraintes externes, alors effectivement il y a matière à partager l’idée qu’au plan mondial la régression vient des secteurs religieux les plus archaïques. Dire ceci ne revient pas à ignorer le poids de la publicité et des normes implicites ou explicites qu’elle véhicule. Il s’agit de voir la menace principale : à l’heure du « retour du religieux », notamment du religieux « réactionnaire » autoritaire rigide et sexiste il faut défendre ce qui a pu être conquis comme nouveaux rapports hommes-femmes - notamment en termes d’égalité, de réciprocité, de reconnaissance des désirs de l’autre etc... parmi certaines couches sociales dégagées des pesanteurs religieuses et patriarcales.

Donc si une autre sexualité est possible encore faut-il ne pas ignorer, corseter et enfermer celle qui a pu se libérer des carcans divers sous prétexte de ne pas laisser libre cours aux « bas instincts » ou à de la pudibonderie offensive, celle du puritanisme religieux ou non.

I - Quelle sexualisation ?

Le problème de la sexualisation n’est pas abordé dans les deux contributions sauf à la marge à propos de la séduction et de l’usage des artifices . La question de la séduction mérite plus de développements (1). Quand aux thème proche mais différent de a sexualisation de la vie quotidienne il est loin d’être neutre. Mais de quoi parle-t-on ? De la publicité ou des rencontres réelles homo ou hétéro sur la base de l’usage d’artifices de séduction. S’appuyer sur la généralisation du nu ou du sexuel dans la publicité (en laissant de côté ici ce qui est sexiste) pour parler de sexualisation de la vie quotidienne me parait abusif. Abusif du fait 1 que la pub n’est qu’une partie du réel, 2 qu’’une réaction morale voire pudibonde existe et 3 du fait d’une stigmatisation du conformisme des jeunes par les adultes. Autrement dit le réel est fort différent et plus contrasté que le miroir déformant de la publicité.La publicité n’étant as elle-même homogène.

Replacé dans une perspective historique on peut dire qu’il y a sexualisation que par contraste. Autrement dit la sexualisation de la vie quotidienne se remarque que par son absence relative dans les pays occidentaux avant 1970 grosso modo et dans les pays ou la religion musulmane est dominante. Il faut y voir tout à la fois un mouvement de libéralisation des mœurs contenu par le poids des normes patriarcales et religieuses . Que cette libéralisation relative ait été récupéré par le capitalisme contemporain ne fait pas de doute . Cette récupération a eu pour effet second de brider la libéralisation. D’autres facteurs sont intervenus tel le SIDA. Mais il ne faut pas confondre et mettre au même niveau ce mouvement religieux réactionnaire et le mouvement de récupération capitaliste visant à la marchandisation des corps et des pratiques sexuelles les plus diverses. Comme l’indique Gabriel Birard et Fanny Michel (2) « La valorisation de la jouissance, ou la mise sur place publique de la sexualité, est au cœur des dispositifs marchands ». Mais cette marchandisation présuppose une relative acceptation de la modernité des moeurs, une liberté d’être et d’apparaître à l’autre sans subir la stigmatisation, donc une acception de rapports de genre pacifié y compris dans la diversité des séductions . Une pacification qui n’est évidemment pas gagnée loin de là dans le réel au regaard des violences conjugales.Mais précisément ces violences sont cachées, exercées dans les foyers. Ce n’est pas dans la rue que les jeunes filles ou les femmes sont le plus agressées. Dans les pays modernes la liberté de moeurs est pour partie une conquête et pour partie une revendication.

II - Que faire des normes ?

Mais ici ce qui est à critiquer, notamment dans les vecteurs de communication de masse dont la publicité, c’est moins une hyper sexualisation qu’une « vision machiste de la sexualité, à travers l’exigence de performance sexuelle, la répartition des rôles sexuels, etc. ». La dictature de la performance déjà nuisible dans son domaine initial le sport (cf Jean-Marie Brohm) devient insupportable dans sa généralisation à tous les champs de l’activité humaine. Quant à la division des rôles, on peut certes les relativiser, en jouer sans en être dupe - c’est ce que relève le texte de JJ Lakrival - mais les normes sont là et pèsent même si elles sont plus diverses que jadis. Car à la racine de nos comportement il faut admettre que « nos relations amoureuses, de couple, nos sexualités ne sont pas naturelles mais déterminées par des conditions matérielles construites pour maintenir un ordre capitaliste et patriarcal. Parmi ces conditions matérielles il faut souligner le poids des normes qui quoique diversifiées structure toujours notre vécu » (3).

Dès lors avancer comme revendications politiques « le consentement et au-delà l’égalité et la réciprocité » ne semble pas suffisant. En prenant appui sur la diversité des normes il faut défendre l’absence de norme. Et ce faisant admettre la pluralité des comportements. Ce qui s’oppose fondamentalement à la chappe de plomb (ou de voile) de la religion pour admettre le libertinage . Le libertinage mais pas la prostitution car la prostitution est du sexe contraint, du sexe exploité, du sexe à la chaine, pas du sexe pour le plaisir. Or si nous devons défendre une sexualité c’est celle qui donne du plaisir aux partenaires. Pas la jouissance obligatoire ! Pas la performance ! Le plaisir partagé.

Il n’y a pas à en remercier un Dieu rigoriste mais l’esprit d’ouverture, d’attention de certains et certaines et d’avoir conscience que de bonnes conditions de vie stimulent la libido. Maryse Félix remarquait (sur Bellaciao) que la crise tendait à mettre la libido en berne. Tout n’est pas perdu : reste encore le plaisir à être ensemble dans les luttes !

Christian Delarue

ATTAC & MRAP

LE BONHEUR : SEXE, AMITIE & POLITIQUE !

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1302

Regard sur le sexe dans tous ses états
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1395

1) dans son « Esquisse d’une théorie de la civilisation » (qui forme la seconde partie du livre « La dynamique de l’Occident » Agora p181).

2) Sur la séduction :

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article54555

3) Lire « Sexualité, normes … et émancipation » de Gabriel Birard et Fanny Michel Crit Co déc 2007

EROTISME POUR L’EMANCIPATION HUMAINE

http://www.legrandsoir.info/EROTISME-POUR-L-EMANCIPATION-HUMAINE.html