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Richesse : autour du 1% d’en-haut. Ph- RICHARD

lundi 7 août 2017, par Amitié entre les peuples

Richesse : autour du 1% d’en-haut.

La richesse matérielle est présente partout dans nos sociétés. Elle se montre de façon ostentatoire dans les publicités, au cinéma et dans le showbiz, mais elle reste bien plus discrète dans notre quotidien, en s’affichant de façon insidieuse, par des signes extérieurs qui, sans le dire trop fort, nous murmure « je suis riche ». Et derrière ces signes apparemment anodins, c’est toute une symbolique qui s’impose à nous, bon gré, mal gré : « Je suis riche car j’ai réussi à force de travail et de talent ; et cette réussite profite à tous ; je mérite donc un respect particulier ». Nous ne sommes pas très loin d’une leçon de « développement personnel », dont le but ultime s’apparenterait à la réussite par la fortune. Ainsi, notre société glorifie la richesse matérielle et invite chacun de nous à s’impliquer, à travailler dur et à valoriser ses talents pour devenir riche.

Cette symbolique est fort bien ancrée dans nos sociétés, dites modernes. Si bien ancrée qu’elle tolère très peu toute remise en cause, tel un dogme religieux qui ne supporterait pas la contradiction. Pourtant, il me semble légitime de se poser les bonnes questions. Comment des individus ont pu accumuler de telles fortunes ? Est-ce par travail et talent ? Et que devient cette richesse ? Sert-elle l’économie et la collectivité ?

J’ai entrepris d’écrire ce livre suite à la parution de mon premier ouvrage Abolir le droit à la fortune, paru aux éditions Couleur livres, car j’ai été confronté à de nombreuses réactions quasi-épidermiques, qui revenaient régulièrement tels des leitmotivs. Elles partent toute de cette même symbolique, avec des angles d’approche parfois différents mais se complétant : les riches, peu nombreux, sont quantité négligeable ; on critique les riches par jalousie ; en travaillant dur, chacun peut devenir riche ; les riches consomment et investissent ; les riches créent de nombreux emplois ; les riches sont des entrepreneurs talentueux et méritants ; les riches prennent des risques et sont des exemples à suivre ; plus il y a de riches, moins il y a de pauvreté ; les riches payent beaucoup d’impôts ; les riches sont de généreux bienfaiteurs ; nous voulons tous être riches ; l’argent fait le bonheur ; le droit à la fortune, c’est la liberté ; la richesse est le principal moteur de l’envie d’entreprendre ; il nous faudrait moins d’État pour que chacun puisse s’enrichir ; les riches ont toujours existé car les inégalités sont naturelles ; le capitalisme a sorti le monde de la misère ; le capitalisme est le seul modèle économique viable.

Il m’apparaît aujourd’hui primordial de revenir sur ces affirmations, car elles me semblent trop partiellement vraies pour être exactes, voire à côté des réalités. Je vais revenir sur chacune d’elle pour tenter de montrer toutes leur limites. Pour ce faire, je me suis nourri de mes travaux réalisés autour du droit à la fortune et de nombreux échanges qui s’en sont suivis. J’ai souhaité également compléter mes réflexions de divers exemples. Et le défi est grand, tant il est toujours plus aisé d’intégrer une idée reçue que de s’en défaire !

Avant toute chose, il est important de préciser ce que recouvre le terme « être riche », car une grande confusion subsiste. Il suffit de poser la question aux riches eux-mêmes pour s’en rendre compte. Ils répondent généralement par la négative, arguant qu’ils demeurent moins fortunés que d’autres. La réponse reste un peu facile. Toutefois, elle met en exergue la relativité de la richesse, une notion intéressante.

Et selon plusieurs enquêtes, questionnant les citoyens sur le niveau de fortune qu’ils associent aux riches, les réponses divergent sensiblement. De nombreux Français se représentent « le riche » comme une personne bénéficiant simplement d’un revenu confortable, dont le revenu s’élèverait aux alentours de trois fois leur propre revenu, soit environ 5 000 à 6 000 € nets par mois. Pour d’autres, il s’agit de personnes détenant des dizaines de millions d’euros, voire davantage, comme quelques uns qui circonscrivent le riche au milliardaire.

La définition que je retiens diffère de ces diverses approches, dans les montants évoqués, mais aussi car elles entremêlent revenus et patrimoines. Les individus gagnant 6 000 € nets par mois ne font clairement pas partie de la classe des riches, mais simplement de la classe aisée. Un revenu de 6 000 € garantit certes une aisance financière, mais n’autorise pas un train de vie luxueux, surtout si ces personnes ne détiennent qu’un modeste patrimoine. Quant aux milliardaires, ils font effectivement partie de la classe des riches. Néanmoins celle-ci ne peut se réduire à cette infime minorité : quelques dizaines de Français et 2 043 milliardaires dans le monde en 2017 selon Forbes ne peuvent constituer à eux seuls une classe sociale.

Ainsi, il semble judicieux de commencer par une précision : le riche est une personne disposant d’un revenu et d’un patrimoine largement supérieurs à la moyenne, leur permettant de vivre différemment du reste de la population. Nous y retrouvons la notion relative de la richesse. La classe française aisée vit ainsi dans un plus grand confort que les plus riches du Moyen-âge, car elle bénéficie des progrès techniques et d’un ensemble de biens et services inexistants à l’époque. De même, le riche d’un village dans un pays pauvre ne peut pas être vraiment comparé à un riche de nos pays avancés.

Mais, nous ne pouvons bien sûr pas nous en tenir à une telle généralité. Il nous reste maintenant à définir le seuil de richesse qui offre une vie matérielle significativement au-dessus de la moyenne, au moins pour un pays comparable à la France en 2017. Même si ce niveau restera forcément subjectif, nous pouvons partir du slogan du mouvement Occupy Wall Street : « nous sommes les 99 % », soit le peuple-classe des altermondialistes (1). Il définit les riches par leur appartenance au 1 % de la population la mieux lotie. Ce choix peut apparaître simpliste, mais il a l’avantage de représenter une situation privilégiée, en excluant la classe aisée, mais en dépassant la seule catégorie des ultra-riches qui ne concernerait qu’une infime minorité.

Si nous prenons l’exemple de la France et les diverses statistiques de revenus et de patrimoine, nous pouvons définir précisément le seuil de richesse qui concerne ce fameux 1 %, c’est-à-dire le premier centile de la population. Nous arrivons donc à la seconde partie de notre définition : le riche français fait partie du centile le plus riche de la population, disposant d’un revenu personnel d’au moins 10 000 € nets par mois et d’un patrimoine personnel d’au moins 2 M€. Ces montants individuels (et non des foyers) représentent six fois le salaire médian national (21 000 €) et vingt fois le patrimoine médian (100 000 € par personne, environ 200 000 € par foyer).

En moyenne, un riche français dispose d’un revenu personnel de 20 000 € par mois et d’un patrimoine de 5,5 M€. Si cette classe ne représente que 1 % de la population, elle reste toutefois la plus multiforme, avec des écarts très élevés en son sein. Les 10 % les plus fortunés d’entre eux (soit 0,1 % de la population) possèdent au minimum 10 M€ de patrimoine chacun, et 50 M€ en moyenne.

Ajoutons qu’au-delà du revenu annuel, l’importance du patrimoine est fondamental, car il contribue significativement aux revenus des plus riches et joue un rôle majeur dans notre modèle économique capitaliste. Les inégalités de patrimoines sont d’ailleurs bien plus grandes que celles des revenus. Les 1 % de riches français possèdent 25 % du patrimoine économique des ménages, tandis que les 30 % les moins argentés pèsent 0,2 % du total, avec seulement 1 500 € de patrimoine moyen, net de dettes. En comparaison, les revenus du premier centile représentent un peu moins de 10 % des revenus de l’ensemble des ménages, tandis que les 30 % les moins aisés cumulent 5,5 % du total.

Notons bien que le qualificatif de « riche » ne concerne donc pas les cadres, les petits propriétaires en immobilier, les petits commerçants ou artisans, et les petits entrepreneurs. Cette précision est essentielle car de nombreux discours font -plus ou moins volontairement- l’amalgame entre les intérêts des plus fortunés, et ceux des petits propriétaires ou entrepreneurs, et de tous ceux qui gagnent correctement leur vie. On nous laisse volontiers entendre que toute remise en cause des privilèges de cette classe de riches vient pourfendre la liberté de la propriété privée et les acquis de tous ceux qui possèdent un peu. Il n’en rien évidemment.

Il me semble aujourd’hui essentiel d’approfondir ce sujet, en cette période où les inégalités s’accentuent depuis plus de vingt ans et où les perspectives s’assombrissent pour une grande majorité de citoyens. Une part croissante des richesses revient désormais aux plus nantis, et cette tendance -qui se vérifie en France comme dans le reste du monde- n’a rien d’un hasard. Ainsi, au niveau planétaire, le premier centile le plus riche possède maintenant davantage de patrimoine que le reste de l’humanité (les autres 99 %), selon Oxfam. Et les huit plus gros milliardaires détiendraient autant de richesses que la moitié de l’humanité la plus pauvre. Tout ceci doit nous amener à réfléchir et à réagir, surtout que la tendance se renforce au fil des ans.

Nous allons ainsi explorer différents thèmes autour des riches, avec en toile de fond une double question : comment devient-on riche et à quoi sert cette fortune amassée par une minorité ? Quelle place revient au travail et au talent ? Le patrimoine accumulé sert-il l’ensemble de l’économie et les peuples, ou sert-il une minorité de privilégiés aux dépens des peuples ? L’effet de « ruissellement » souvent évoqué par les néolibéraux, à travers la théorie du « trickle down economic » qui veut que la richesse des plus fortunés contribue positivement à la croissance et au développement, se vérifie-t-il ?

Philippe RICHARD

Tableau de Philippe Richard avec patrimoine en plus des revenus

1) Christian DELARUE Classe dominante et oligarchie contre peuple souverain et peuple-classe.

http://mouvements.info/classe-dominante-et-oligarchie-contre-peuple-souverain-et-peuple-classe/

Auparavant Yves MENY et Yves SUREL évoquait en 2000, (bien avant C Delarue) le peuple-classe dans « Par le peuple, pour le peuple » (Fayard 2000).