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Répression des « mariages gris », de la discrimination à la stigmatisation ABP

vendredi 15 octobre 2010, par Amitié entre les peuples

Communiqué : Répression des « mariages gris », de la discrimination à la stigmatisation

Site ABP http://amoureuxauban.net/

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) prévoit depuis plusieurs années des sanctions pénales à l’encontre de personnes s’étant mariées, sans intention matrimoniale, dans le seul but d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française.

En effet, en application de l’article L. 623-1 du CESEDA « le fait de contracter un mariage (…) aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende ».

Hier, l’Assemblée nationale a voté la disposition du projet de loi sur l’immigration durcissant les sanctions pouvant être prononcées lorsque la fraude repose sur un « mariage gris », c’est-à-dire lorsque « l’étranger a contracté mariage, contrairement à son époux, sans intention matrimoniale ou qu’il a engagé le consentement de son époux en faisant état de qualité essentielles erronées » (1).

Les Amoureux au ban public condamnent fermement cette évolution répressive de la législation.

La disposition votée est clairement discriminatoire : seuls les étrangers ne sont en effet visés par l’aggravation des sanctions pénales qui ne concerne donc pas les ressortissants français qui contracteraient un « mariage gris » avec un étranger. Cette discrimination, fondée sur la nationalité, est contraire au principe constitutionnel d’égalité ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme.

La disposition votée est par ailleurs évidemment stigmatisante envers les étrangers puisqu’elle repose sur l’idée qu’ils sont les seuls à tromper leur conjoint sur leur intention matrimoniale. Elle stigmatise plus généralement l’ensemble des couples franco-étrangers en renforçant la suspicion qui pèse sur eux dans les discours publics et les pratiques administratives.

Plus largement, la disposition votée est tout autant inutile qu’inapplicable.

Inutile, car l’article L. 623-1 du CESEDA permet déjà la répression des fraudes au mariage qu’elles soient le fait d’un seul ou des deux conjoints. Or le gouvernement ne fournit aucun chiffre qui démontrerait l’ampleur de la fraude qu’il dénonce et la nécessité de durcir les sanctions en cas de « mariage gris » pour compléter le dispositif pénal existant.

Inapplicable, car comment montrera t-on qu’un étranger a volontairement trompé son conjoint sur ses sentiments et son intention matrimoniale ? Ira-t-on fouiller dans la vie quotidienne des couples pour rechercher des indices laissant penser que l’un des époux n’aimait pas vraiment ? Quels seront ces indices ? L’arbitraire administratif a de beaux jours devant lui…

Depuis plusieurs années, les Amoureux au ban public dénoncent régulièrement cette « police des sentiments » qui, au nom de la lutte contre la fraude au mariage, conduit à une multiplication des contrôles, à un durcissement continu de la législation et à la disparition progressive du droit à l’intimité de la vie privée des couples franco-étrangers (2)

Le vote de la disposition sur les « mariages gris » poursuit dans cette voix. Triste jour pour les droits et libertés…

(1) Les sanctions prévues par la disposition votée sont une peine d’emprisonnement de sept ans et une amende de 30 000 euros.

(2) Voir le Rapport « Peu de meilleur et trop de pire », avril 2008, not. p. 19-20 : http://www.cimade.org/uploads/File/admin/Rapport_Cimade_Couples%20Mixtes.pdf