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Racisme et vision catastrophique du monde. Relire C Guillaumin

lundi 13 mars 2017, par Amitié entre les peuples

Racisme et vision catastrophique du monde. Lire ou relire Colette Guillaumin.

C’est Colette Guillaumin (née en 1934) qui nous prévient sur ce point dans « L’idéologie raciste » (1972) des méfaits d’une vision catastrophique du monde, notamment lorsque des minorités « raciales » sont visées.

Citation : « Forces obscures et cachées, puissances secrètes, ténèbres menaçantes cernent l’élite condamnée et d’ailleurs déjà à moitié dévorée. L’emploi du vocabulaire de la menace et de la pourriture marques leurs textes (des racistes cités). Un magma démocratisé, enjuivé, négrifié, féminisé, obstrue leur horizon. Car cette menaçante décomposition prend en effets les traits des minoritaires. » Il y a d’autres passages sur ce thème.

Il n’y a donc pas chez elle à considérer chez le raciste qu’une façon de biologiser un caractère. « Le caractère physique apparent (ou cru tel), y compris l’accent, la langue, la gestuelle, , etc, ... se saisit comme biologique » Car « la biologisation de la perception, dès qu’elle est associée à la perception de la différence sociale forme écrit-elle le noeud de l’organisation raciste ». Le noeud certes. Mais il y a un autre aspect pas toujours bien vu chez elle : la vision catastrophique d’une évolution dans la société.

Collette Guillaumin ajoute « Le moindre changement serait signe de mort ; ce qui importe c’est le « retour » à un passé mythique, possible pour Hitler, impossible pour Gobineau, Dumont ou Les Protocoles.

L’escalade raciste au XIX et XX siècle.

Colette Guilaumin cite constamment quatre auteurs majeurs pour la diffusion du racisme entre 1852 et 1924. Elle remarque une montée en force de la haine raciste dans la période, depuis Gobineau jusqu’à Hitler.

 1852 : Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau (1816 - 1882), ouvrage souvent vu comme racialiste car distancié et n’appelant à aucune pratique (donc pas toujours perçu comme raciste, ce qu’il est pour C G).

 1885 : La France juive de Edouard Drumont (1844 - 1917), plus incisif, antisémite.

 1900 : Les Protocoles des Sages de Sion avec net appel à la haine

 1924 : Mein Kampf d’Hitler - le sommet !

C’est je crois Colette Guillaumin qui, la première (pas certain), note que c’est l’essentialisation (passage) qui fait le procédé ou le critère distinctif du racisme, plus que la haine ou le mépris. Il peut y avoir mépris de groupes humains sans racialisation, sans racisme. Haïr les policiers ce n’est pas du racisme, fut-ce même en généralisant abusivement. Elle note même que les extensions du sens du mot avec du « racisme anti-n’importe quel groupe » est une façon de réduire la portée et la gravité du racisme.

Christian DELARUE

nb : J’ai sans doute vu moi-même cet aspect chez elle à cause du fait que je perçois fort bien actuellement les dangers de la montée des intégrismes religieux, notamment ceux sexoséparatistes. Pour autant j’ai toujours entendu le faire dans le cadre maintenu d’une lutte antiraciste et antisexiste. Et j’use pour ce faire de concepts et catégories de pensée qui ont pour objet de bien cibler le contre-mouvement réactionnaire agissant et pas une communauté spécifique dans sa globalité, son essence .

* L’Idéologie raciste, genèse et langage actuel, Paris/La Haye, Mouton, 1972. Nouvelle édition : Gallimard, Coll. Folio essais (no 410), 2002, 384 p