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Question sociale et écologie imbriquée du peuple - Christian Delarue

mercredi 2 mars 2022, par Amitié entre les peuples

Question sociale et écologie imbriquée du peuple

La montée d’une tendance ploutocratique de type néolibéral (Etat au service des marchés, des grandes entreprises capitalistes et du 1% et corrélativement abandon de l’Etat social, des services publics, des Fonctions publiques au service de l’intérêt général, de la sécurité sociale) accroit les régressions sociales et démocratiques (çà va ensemble ainsi que l’affirme Aurélie Trouvé récemment) et toutes les autres dominations. cf mon « Populisme d’émancipations plurielles » ( Intervention lors de l’atelier de la CNCL d’ATTAC avec la présentation de David Cayla issue de son livre).

https://blogs.mediapart.fr/amitie-entre-les-peuples/blog/020222/populisme-d-emancipations-plurielles

Le terme « imbriqué » renvoie à l’imbrication des questions écologiques - dont celle de la stratégie - à l’articulation plus ou moins complète des autres luttes et des différentes dominations existantes dans chaque nation soit - pour les principales - le classisme (des classes dominantes), le sexisme (féminisme) et racisme (formes diverses).

« Pour la justice climatique, stratégies en mouvement » (janvier 2022)

Le souci écologique dans ses diverses composantes rencontre nécessairement la question sociale et les rapports sociaux de classe qui lui sont liés. Tout projet écologique n’est pas du côté des couches sociales modestes ou moyennes au temps du néolibéralisme.

Comme l’indique le dernier livre d’ATTAC sur le sujet « Pour la justice climatique, stratégies en mouvement » (janvier 2022) on trouve une écologie formatée pour les riches élites néolibérales, qui dispose notamment de 4X4 électriques non polluants, de maisons thermiques à très bon classement (A) sur des terrains spacieux sans promiscuité avec les voisins (loin de l’entassement urbain de certains lotissements) mais avec tout ce que cela implique aussi comme nuisances, comme « croissance maintenue des inégalités, de précarisation de l’emploi, d’appauvrissement des couches moyennes et de la classe ouvrière traditionnelle » (page 33) Aux inégalités sociales se combinent les inégalités territoriales avec « un déséquilibre accru entre les métropoles concentrant les richesses et des territoires ruraux et petites villes en déshérence ».

Sur cet échec des classes dirigeantes à prendre soin de « celles et ceux qui rament » (image du Titanic lu dans le livre cité) est apparu en réaction un populisme de droite à composante autoritaire, climatosceptique et nationaliste, en opposition à un populisme qu’on dira provisoirement « vert et rouge » (terminologie insuffisante - voir plus loin) soucieux d’articuler pour les classes populaires écologie et justice sociale, laquelle prend aux très riches pour rendre au peuple-classe et notamment aux plus modestes.

Trois questions à reprendre :

1 - Quel peuple ? Quels prolétaires ? Quelle articulation ?

Il y a aussi l’idée de ne pas intégrer dans le peuple-classe un salarié à 20 000 euros par mois (bec et ongles du côté des dominants) mais d’y inclure un indépendant à 2000 ou 3000 euros par mois dans une sphère sociale d’en-bas, populaire, sphère qui combine prolétariat et peuple-classe et qui serait, en fort condensé, le souci du moment. Voir le texte de discussion de Samy Joshua sur « L’ère du peuple » et « l’adieu au prolétariat » ?" (Blog Mediapart 2016).

Le populisme de droite et d’extrême-droite s’appuie sur le peuple-nation (peuple communauté intégrant le loup national-capitaliste et excluant le migrant pauvre) Lire « Par le peuple, Pour le peuple. Le populisme et les démocraties » par Yves Mény et Yves Surel, (1) ouvrage qui fait la distinction entre peuple-nation et peuple-classe . Le populisme de droite, au lieu de voir les prédateurs dans les classes sociales dominantes (acquises au néolibéralisme destructeur) et dans quasiment toutes les riches élites politiques serviles, pose surtout un ennemi extérieur - les migrants des Suds - qu’il grossi et fait silence sur l’ennemi intérieur qu’il ignore.

C’est le cas de M Louizi (sur twitter ces derniers jours), bien connu pour sa critique instruite de l’islamisme, (Il en vient et il a rompu ce qui est positif) qui en vient en ce début 2022, probablement à cause d’une vision paranoïaque généralisante, à soutenir un Zemmour tout à la fois classiste pro-riches (comme Macron et LR sur ce point) mais, en plus, raciste multirécidiviste et sexiste aussi . C’est évidemment affligeant !

2 - De « quel peuple ? » à « quel populisme ? » : Les 40 dernières années.

Militant du MRAP et pour l’amitié entre les peuples (et surtout les peuples-classe) bien avant d’être altermondialiste à ATTAC j’ai d’abord contesté, comme mes camarades de ces années-là, le populisme comme instrumentalisation des identitaristes et communautaristes nationalistes xénophobes et racistes et ce dès les années 70-80, à une époque ou on n’évoquait qu’un populisme sans adjectif et ou on ne parlait quasiment pas (2) de populisme de gauche comme maintenant et ou la composante sociale du peuple (sorte de plèbe moderne actualisée par le « nous sommes les 99% » ) était ignorée au profit de la seule classe ouvrière et ce bien que le terme peuple-classe fut employé ici ou là, dans des cercles universitaires ou militant : exemple le livre « Permanences de la Révolution » sur les 200 ans de la Révolution avec notamment l’article d’Annie Geffroy (3).

3 - Populisme arc-en-ciel des émancipations.

Le populisme arc-en-ciel prend en charge la situation du peuple-classe avec ses différentes composantes dans une perspective d’émancipations plurielles pour nommer les zones de libération qui dépassent le classique « rouge et vert » d’il y a 20 ans pour être « arc-en-ciel » (Aurélie Trouvé mais j’ai aussi employé jadis cette terminologie colorée) soit : écologique, reconnaissant la biodiversité, non climato-sceptique, non carniste ou moins carniste, mais aussi anti-classisme, anti-sexisme, anti-homophobie, anti-racisme, anti-xénophobie, anti-impérialisme.

Dans ma version le populisme d’émancipations est plus porté par des militants durablement actifs dans les syndicats (de classe et de masse) et les associations (ATTAC, CADTM, etc) que par un personnage politique médiatisé. Mon populisme de gauche n’est pas celui de Mme Chantal Mouffe.

Christian DELARUE

Militant ATTAC (commission démocratie), CGT Finances (UFR),
Syndicaliste anti-classiste, antiraciste et antisexiste
http://amitie-entre-les-peuples.org/Syndicaliste-contre-le-classisme-le-racisme-et-le-sexisme

1) Meny et Surel (Paris, Fayard, 2000, Coll Espace du politique)

2) Ernesto Laclau a bien écrit deux livres en 1978 et 1980 mais ils eurent peu d’audience, y compris en milieu universitaire . Il s’agit de : « Politique et idéologie dans la théorie marxiste : capitalisme, fascisme, populisme » (Sigle XXI, México, 1978) et « Trois essais sur l’Amérique latine », Ernesto Laclau (entre autres), FCE, Buenos Aires, 1980.

3) Il faut attendre 1989 avec Annie Geffroy qui fait référence à la notion de peuple-classe au sens de « désignant social » dans son article « Le peuple selon Robespierre » (in « Permanences de la Révolution - pour un autre bicentenaire » (Ouvrage collectif éditions La Brèche PEC 1989).