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Question scolaire. La pédagogie est idéologique. C Delarue

lundi 15 juin 2015, par Amitié entre les peuples

Question scolaire.

La pédagogie est idéologique.

La pédagogie est idéologique. Elle est idéologique car élitiste. Ce faisant elle fait le jeu de l’ordre social inégalitaire.

La pédagogie dominante reproduit dans le contexte actuel, comme dans le cadre de feu le « capitalisme social », un élitisme a-critique qui conforte la classe dominante de plus en plus dominante sous sa phase néolibérale actuelle. C’est ce que concluait déjà Bernard Charlot en 1976 dans « La mystification pédagogique », une analyse fort lucide écrite à la fin des « Trente Glorieuses » qui furent, elles, la marque d’un fort bridage du Capital en interne : services publics, sécurité sociale, code du travail, statut des fonctionnaires, SMIC, système de la carrière selon la qualification (et non de la « compétence »), etc... Non pas que le capitalisme n’existait plus, il était « social » pour l’intérieur et impérial et colonial pour l’extérieur. L’existence d’un camp dit « communiste » jouait aussi en faveur du prolétariat pour accroître les garanties sociales, les conquêtes démocratiques et féministes.

La pédagogie est la suite d’une certaine conception de l’école qu’il faut rappeler. Rien de neutre. Félix Pécaut, cité par Edwy Plénel (1), dit ceci en 1871 : « Si vous voulez une saine domination des classes supérieures, il ne faut pas fusiller le peuple, mais l’instruire ». L’instruction du peuple n’est pas dangereuse, bien au contraire. Elle ne serait dangereuse que si l’on quittait le positivisme dominant, que si l’on allait en matière de SHS derrière l’apparence des choses. Ce qui n’est pas le cas. Ce n’est pas à l’école que l’on enseigne Marx, Darwin ou Freud. Ou si peu. Au sein de l’école se diffuse plutôt un humanisme abstrait - égalité des enfants malgré les parcours très inégaux - qui ne remet pas en cause ni l’ordre patriarcal ni l’ordre capitaliste. On n’hésite pas à inculquer les valeurs de la discipline, de la soumission au maître comme au père. Une certaine reproduction de la soumission patriarcale passe par l’Ecole.

Faut-il pour autant se passer de pédagogie ? Sans doute pas. Il existe des pédagogies populaires ou alternatives. Mais on ne saurait être dupe tant sur la forme que sur les contenus de celle(s) dominante(s). Qu’il faille instruire les jeunes et les moins jeunes est essentiel. Cela participe même d’une certaine manière d’un mouvement historique d’émancipation qui sort l’enfant de la famille pour l’installer à l’école et accroître ainsi ses connaissances. C’est évidemment positif. N’oublions pas l’enseignement du second degré était jadis presque exclusivement réservé aux enfants des couches sociales aisées. Il y a eu conquête. A bas l’obscurantisme ! Mais, par comparaison - qui a ses limites - je dirais qu’il en va du processus historique de scolarisation comme du processus historique de démocratisation : les élites du savoir ne sont pas plus bousculées que l’oligarchie qui se maintient au pouvoir.

Comme le dit Edwy Plénel dans son ouvrage trentenaire (1) qui dit école dit Etat et qui dit Etat dit entreprise de production du consentement à l’ordre social hiérarchisé et inégalitaire. Il ne s’agit pas là, avec E Plénel, d’être bêtement anti-étatiste comme la première anarchiste venue qui déscolarise ses enfants pour les ramener à la maison, ni comme le premier étatico-libéral venu qui plaide pour une Ecole libérée de la gauche, une Ecole liée à l’Entreprise et au marché. Il s’agit plutôt de produire comme E Plénel une critique actualisée de l’Etat qui ne fasse pas le jeu des inégalités, du retour au marché et à la concurrence, au spencérisme foncier de la droite. La « lex mercatoria » s’implante (2). Ici, plus globalement, il faudrait discuter d’une « politique de civilisation » telle que développée par Martine Boudet (3).

La République est encore plus « inachevée » (Plénel) en 2015 qu’en 1985. Nombre d’étudiants et d’étudiantes sortent du cursus scolaire et universitaire pour gonfler les rangs du chômage. Cet empêchement à prendre leur part dans la production de l’existence sociale les maintient dans une irresponsabilité construite. Le chômage est une politique de destruction de la dignité humaine : il brise les capacités d’insertion économico-sociale dans le monde productif de valeur d’usage. Sauf à obliger le jeune à passer par des emplois sans rapport avec ses études, ses qualifications. « L’homme est un loup pour l’homme » reste la devise hobbésienne favorite du libéralisme barbare ou la seule solidarité est celle de classe, les petits services dans le cercle étroit des grands dirigeants. Ce n’est pas moi qui le dit mais les deux sociologues français spécialisés dans l’étude de la bourgeoisie. cf Monique Pinçon-Charlot - Sociologie de la bourgeoisie | Wiki Fondation Copernic (http://wiki.fondation-copernic.org/divers/podcast/video/seminaire/020609/start)

On comprendra que l’idéologie du mérite, largement promu par la droite mais aussi par une certaine gauche, fait le jeu d’un ordre social néolibéral injuste, et de plus en plus injuste, un ordre qui voit le retour aux hiérarchies accrues. L’injustice sociale est ce qui pèse le plus dans la situation présente. Ce que le néolibéralisme installé confirme avec T Picketty : le 1% est de plus en plus riche et au bas du peuple-classe les couches sociales les plus pauvres restent à vivre avec le RSA, ce dernier étant donné comme un grand cadeau qui, on le sent bien, est menacé par les idéologues de nos grands parasites des temps néolibéraux, je nomme là la finance prédatrice, celle qui sévit au sein du 1% d’en-haut. Le SMIC est lui aussi menacé. Les riches du 1% sont d’une avidité extrême, pathologique. Et nous n’arrivons pas à les déloger du pouvoir.

Nous ne voulons pas nous voir comme des membres du peuple-classe (99%) luttant pur la justice sociale et la réduction des inégalités, par en-haut (fiscalité redistributive) et par en-bas (aides sociales, aides à l’emploi, services publics, etc...). Nous refusons d’aller vers une nouvelle et forte RTT à 30 heures par semaine. Nous préférons travailler plus et laisser les autres dehors. Il faut aller vers le travail sobre bien payé. La sobriété n’est pas l’abstinence, le rien-faire du tout ! Et cesser aussi de payer des salaires indécents : tel PDG à 25000 euros par jour ! Dingue ! 25 000 euros par mois ne lui suffirait donc pas ! C’est pourtant énorme ! Trop ! A débattre au sein du peuple-classe.

Christian DELARUE

1) Edwy PLENEL . L’Etat et l’école en France - La République inachevée - Payot sept 1985

Il a une forte différence de contexte entre le Bernard Charlot de 1976 et celui du Plénel 1985 : son livre est marqué par l’offensive de la droite inégalitaire de 1980 à 1984 et d’une certaine (relative) impuissance de la gauche à y répondre. Entre 1976 et le début des années 80 le chômage de masse est chose connue de tous et toutes comme vécu et non plus seulement des économistes analysant les périodes et les cycles économiques.

2) L’école républicaine en soumission des pratiques de la lex mercatoria ? C Delarue.

http://amitie-entre-les-peuples.org/L-ecole-republicaine-en-soumission?var_mode=calcul

3) Martine BOUDET . Pour une politique éducative de civilisation - Attac France

https://france.attac.org/archives/spip.php?article10162

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/130615/la-pedagogie-est-ideologique