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Que faire du travail ? D’abord lutter contre le travaillisme, le possible ! C Delarue

mardi 30 octobre 2012, par Amitié entre les peuples

Que faire du travail ? D’abord lutter contre le travaillisme, le possible !

Version du 9 décembre 2010 reprise le 11 février 2011 après insertion du second texte de Michel Peyret.

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Michel PEYRET a produit récemment sur le travail deux très bons textes critiques auxquels nous répondons partiellement. Pour une contribution plus développée lire : Capitalisme productiviste : le travail et la consommation, l’émancipation et le socialisme. de Christian Delarue. Pour résumer ici : Nous ignorons ce que signifie « sortir de l’économie ». Sortir progressivement d’une certaine croissance par la sortie du capitalisme est un projet pensable et possible.

De Michel Peyret :

1) Pour en finir avec le travail , la société industrielle et les illusions de la gauche.

2) La sacralisation du travail, une mythologie laique. M Peyret (un texte qui reprend les thèses de JM Vincent)

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EN SORTIR ? REPRENDRE LA MAIN ? COMMENT ?

1) En sortir, c’est la démarche proposée par la critique la plus radicale.

Le travail salarié se décompose schématiquement en une exclusion des uns (chômage ou travail précaire restreint) et une exploitation-aliénation lourde des autres. Dans cette perspective il s’agit de revendiquer un revenu d’existence allant du SMIC à 1800 euros net et de pratiquer des activités sociales libres. La société ne semble pas prête à cela et surtout pas la grande majorité des travailleurs qui sont pliés sous la charge de travail pour justement un smic à deux fois le smic. Quand à l’emploi associatif, il tend à l’embauche de salariés avec bas salaires et travail intense. L’activité sociale libre ne prendrait donc pas ce chemin. Reste la question du revenu d’existence qui n’est vraiment pensable que si un mouvement s’enclenche dans le monde du travail. Sans cela cette revendication restera extrêmement minoritaire.

2) Agir sur le possible : contre le travaillisme.

Reprendre la main vise non pas la sortie du travail mais une réforme radicale du système de mise au travail à la fois par la gauche et les syndicats. Cela suppose que ces acteurs sociaux soient chacun dans son champ d’action plus courageux et plus offensifs car il s’agit de sortir du néolibéralisme et de la stratégie de Lisbonne. Un tel volontarisme en matière de transformation sociale et politique suppose l’expression forte des chômeurs et des travailleurs salariés tant du privé que du public. Autrement dit, la transformation sociale ne tombe pas d’en-haut, toute formatée par la gauche et les syndicats.

Elle a besoin de marques claires d’émancipation y compris via des différences d’approches. Par exemple certains demandent un sécurisation des parcours professionnels et d’autres une réduction du temps de travail. Ces deux grandes revendications ne sont pas nécessairement contradictoires. Il faut débattre de la possibilité politique et économique de les faire avancer ensemble.

La question des revenus est de plus en plus crue à cause de divers grands écarts entre profits et salaires, entre une minorité de rentiers et disons toute l’énorme masse des moins de 3000 euros net par mois. Dans cette masse il y a certes la question des pauvres et des « collés à vie au smic » à régler. La montée des revenus financiers importants s’accompagne d’une stagnation des salaires. Évoquer l’implantation de services publics avec des bas tarifs dégagés des logiques marchandes n’est qu’un aspect - important- du problème mais qui ne doit pas masquer l’urgence d’une redistribution financière vers le bas. Cela signifie une autre politique salariale et une autre politique fiscale.

La question de la RTT doit permettre de poser celle du travailler « sobre » pour sortir de l’intensification du travail. RTT et travail « cool » sont les deux piliers de sortie du travaillisme. La sortie du travaillisme pose la question du bon travail, de celui « de qualité » mais réalisé avec respect d’autrui. La question du respect au travail va à l’encontre de toutes les politiques managériales de mépris et de harcèlement des travailleurs. La fonction du cadre est à repenser à partir de sa qualification et de sa compétence dans une fonction d’aide qui annule toute volonté de menace. On en est loin !

La question de la qualité du travail enclenche celle de la démocratisation au travail et celle de la bonne production des bon objets loin d’une production pour la valeur d’échange. C’est là que s’ouvre une perspective post-capitaliste qui a nécessairement des répercussions sur le régime de travail. La fin du travail est alors pensable.

3) Une bonne RTT peut avoir des effets positifs sur le partage inégal du travail domestique.

Intégrons l’apport d’un certain féminisme aux thèses de Jean-Marie Vincent.

« Pas de travail sans capital, et pas de capital sans travail » (Marx). Le travail n’est pas n’importe quelle activité expliquera longuement JM Vincent cité par Michel Peyret (1) . Il a une histoire (2). Mais le vieux travail domestique inscrit dans les rapports sociaux de sexe sont également centraux . Si l’on refuse (comme arbitraire) de hiérarchiser les différents rapports sociaux (en posant l’un comme principal et l’autre comme secondaire comme l’a fait le mouvement ouvrier ou par inversion un certain féminisme, celui de Christine Delphy) alors on constate qu’il y a une double centralité du travail en même temps qu’un double mouvement de critique de ces situations : contre le travail salarié, contre le travail sexué.

Si l’emprise du rapport de travail s’étend bien au-delà de la sphère de la production proprement dite. Mais la division sexuée du travail qui perdure dans le champ familial se retrouve aussi hors de la sphère domestique. Il faut penser avec Danièle Kergoat et Josette Trat l’intrication des différents rapports sociaux (puisqu’ils sont « coextensifs »).

Christian Delarue