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Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale PLFSS 2018 - JC CHAILLEY

mardi 12 décembre 2017, par Amitié entre les peuples

Dossier Sécurité Sociale

Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale PLFSS 2018
Par Jean-Claude CHAILLEY

Le PLFSS 2018, c’est des coupes budgétaires supplémentaires « dans l’objectif de baisse de la dépense publique et de réduction du déficit » (de la France). Le PLFSS 2018, c’est aussi la destruction de la Sécurité Sociale qui avance vite, aussi discrètement que possible, car « il y a de quoi faire sauter plusieurs gouvernements » (comme disait Michel Rocard).

Pour le MEDEF : « la Sécu de 45 n’est plus soutenable ». Pour Emmanuel Macron : « il faut mettre la protection sociale au service des entreprises » - traduire du patronat – ce qui est l’opposé de la Sécu.
Ce PLFSS s’inscrit dans le respect des traités et règles européennes : un déficit budgétaire, non plus de 3 % mais de 0,2 % en 2022, le retour vers 60 % de dette / PIB dans les décennies à venir…
De la suppression du « trou », la Sécurité Sociale doit se muer en financeur : excédent de 9 milliards en 2021 – sans compter les 9 milliards d’exonérations et exemptions non compensées à la Sécu en 2018 selon le PLFSS.
Ces objectifs impliquent des réformes structurelles majeures.

POURQUOI ILS NE RENONCERONT JAMAIS A VOULOIR DETRUIRE LA SECU : pour l’argent.
En 2018, ce qu’on appelle les « dépenses » de la Sécu (ce ne sont pas des « dépenses » mais des prestations sociales) seront de 498 milliards.
Les « charges patronales » (ce ne sont pas des charges mais des cotisations sociales, nous y revien-drons) sont encore de 200 milliards, bien qu’ayant beaucoup baissé.
L’enjeu pour le MEDEF, les « marchés », soutenus par Macron, l’Union européenne, l’OCDE, les spéculateurs du monde entier… c’est de mettre la main sur ces 500 milliards qui échappent aux marchés : assurances privées, fonds de pension….
C’est transformer en profits, en dividendes, la partie la plus grande possible des 200 milliards.

POURQUOI NOUS NE RENONCERONS JAMAIS A LA SECU : parce que c’est une question de vie ou de mort !
C’est grâce à la Sécu que l’espérance de vie a augmenté, que nombre d’entre nous et de membres de nos familles sommes encore vivants !
Droit contre « assistance » : les fondamentaux de la Sécu
La Sécu est un conquis des salariés (actuellement 90 % de la population active). Ordonnance du 4 octobre 1945 : « Il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles… ».
La sécu est héritière des sociétés de secours mutuel : la solidarité opposée à l’assistance, à la charité. On se cotise, on a des DROITS. « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».
Lorsque le gouvernement, la droite, le patronat, dénoncent « l’assistance », ils assimilent les remboursements maladie, les indemnités journalières, les pensions de retraite, les indemnités chômage… à une assistance. Honteux ! Ce sont des droits, parce qu’on cotise. En réalité, ils visent la réduction drastique des 200 milliards de cotisations « patronales » à la Sécu, auxquelles s’ajoutent les cotisations à l’assurance chômage, à l’Arrco et l’Agirc qui sont aussi en cours de réforme ou de fusion - destruction.
« L’assistance » qui les remplacerait serait minimale, pour « plus démunis », et donnerait lieu à des « devoirs ». Double peine.

COTISATION ET FISCALISATION
C’est un débat qui traverse le mouvement social et de fait le paralyse dans les luttes et dans les pro-grammes politiques alternatifs qui souvent font l’impasse sur 500 – 700 milliards. Il mérite de pren-dre le temps de clarifier, d’échanger, de surmonter, dans le contexte politique et social français.
La Sécu de 45 c’est « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». En conséquence, la cotisation finançait intégralement la Sécurité Sociale.
La distinction fondamentale, c’est le partage entre le salaire et le profit. D’où la lutte pour les revendications salariales depuis que le salariat existe (et même de fait l’exigence de 100 % pour le salaire dans la Charte d’Amiens). Ensuite, une part des salaires est mise de côté, affectée au financement solidaire de la Sécu (et de l’assurance chômage, de l’Agirc et l’Arrco… tous menacés). Il n’y a pas de différence entre cotisation salariale et cotisation patronale. Elles sont toutes deux une partie du salaire qui est socialisée (la distinction entre cotisation salariale et cotisation patronale a été faite pour permettre au patronat d’être présent dans les conseils d’administration de la Sécu).
Baisser la part patronale des cotisations, c’est baisser le salaire. Eliminer les cotisations sur les bas salaires, c’est en plus créer une trappe à bas salaires. Baisser les cotisations, salariales comme patronales, c’est détruire la Sécu.
« Les exonérations de cotisations sociales sont les formes les plus récentes de réduction du coût du tra-vail » (PLFSS 2018 Annexe 5)
Il s’agit effectivement de réduire le « coût du travail », le salaire. Le PLFSS suit la même logique, a les mêmes objectifs que les ordonnances et autres réformes en cours ou projetées.
2017 : 46,5 milliards d’exonérations et exemptions ;
2018 : environ 65 milliards ;
2019 : 85 – 90 milliards.
Mme Buzyn appelle cela une « révolution douce ». Il n’y a aucune douceur. C’est un basculement brutal vers le modèle des USA, y compris des mesures de rationnement des soins comme nous verrons.
La fiscalisation
Les exonérations et exemptions, le refus délibéré d’augmenter les cotisations sociales, mènent :
 A la fiscalisation.
 A la privatisation : extension des complémentaires, en fait, dans le contexte actuel, à l’extension du privé lucratif au détriment des « vraies » mutuelles en voie de disparition.
 A l’augmentation du reste à charge, au renoncement aux soins ; les retraités vivent de plus en plus mal, les familles aussi, les médecins du travail sont inculpés…
« La fiscalisation 1re étape de la privatisation ? » (Nicolas Doze, les Experts BFM Business)
C’est la tendance depuis nombre d’années. La Sécurité Sociale finance de plus en plus le privé. La notion de service public a pratiquement disparu : on est dans les SIEG (Service d’Intérêt Economique Général) européens. Mais Macron / Buzyn accélèrent brutalement.
Les cotisations sont affectées à la Sécurité Sociale. C’est leur origine, leur raison d’être.
La fiscalité finance tous types de dépenses du pays, qui sont mises en concurrence. En outre, la Com-mission européenne, en plein accord avec Macron, veut réduire les « prélèvements obligatoires », notamment les impôts des entreprises et des très riches. Les coupes budgétaires sont de 60 milliards ou plus sur le quinquennat.
La fiscalisation conduit au modèle des USA qui est aussi celui de la Banque mondiale, de l’Union européenne, du patronat européen et mondial : 3 piliers.
1er pilier : vers l’assistance, un « panier de soins » minimal, un « socle », largement financé par la fiscalité (équivalent de Medicare / Medicaid aux USA pour les pauvres) ;
2e pilier : des complémentaires d’entreprises obligatoires ;
3e pilier : Le développement massif des complémentaires et sur-complémentaires privées, des fonds de pension…
La CSG (Contribution Sociale Généralisée)
Créée par Michel Rocard en 1990 – par 49-3 - elle est l’objet de profonds désaccords dans le mouve-ment social.
Des militants qui participent aux mêmes grèves, aux mêmes manifs, appartiennent aux mêmes organisations, sont les uns pour l’abrogation de la CSG, les autres pour son extension. Essayons de clarifier le débat de façon à identifier les points d’accord et de désaccord pour tenter de les surmonter.
La CSG est-elle un impôt ou une cotisation ?
Le débat dure depuis longtemps. Officiellement - site Vie Publique - : « c’est un impôt destiné au financement de la protection sociale » ; même appréciation du Conseil constitutionnel.
La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu l’arrêt « de Ruyter » interdisant de prélever la CSG à un contribuable domicilié fiscalement en France et travaillant à l’étranger, ce qui l’oblige à la considérer comme cotisation sociale. Elle n’avait guère le choix, sinon il aurait eu un double prélèvement. C’est la conséquence des règles européennes et des ruses de Michel Rocard pour tromper les salariés et la gauche sous l’affichage « gauche » de faire « payer les revenus du capital ».
Cependant, les différences majeures entre la CSG et la cotisation sont :
La CSG à la différence de la cotisation n’ouvre aucun droit. Maintenant la CSG augmentée de 1,7 point (montant 22 milliards !) commence à être affectée en dehors de la Sécu comme tout impôt. Elle risque fort d’être fusionnée avec l’impôt sur le revenu. Au-delà de la définition, l’enjeu c’est des gros sous, une perte de pouvoir d’achat pour les salarié-e-s, pour la population !
De 1,1 % à l’origine la CSG passera le 1er janvier 2018 à 9,2 % pour les revenus des salariés.
La fiscalisation représente maintenant 37 % des ressources de la Sécu dont 20,7 % pour la CSG. 37 % de fiscalité c’est beaucoup…mais il reste 63 % de « potentiel » : le combat continuera.
Qui paie réellement la CSG ?
CSG activité 70 344 69,7%
CSG remplacement 19 561 19,4%
CSG patrimoine 5 009 5,0%
CSG placement 5 724 5,7%
CSG sur jeux 370 0,4%
Majorations pénalités 249 0,2%
Conso CSG PAJE - 353 -0,3%
CSG brute 100 904 100%
source comptes Sécu sept 2017
Bravo pour la communication de Rocard et ses successeurs : la majorité de la population accepte la CSG car elle est convaincue qu’on fait « payer le capital » alors que c’est l’inverse. Le capital est le grand bénéficiaire de la CSG.
Les revenus « du capital » (« capital » des seuls foyers, pas des entreprises) ne représentent que 10 %. Pour la plupart, ce ne sont pas des « capitalistes » : nombre de salariés… ont quelques assurances vie, un PEA… sans être des « riches » qui eux, d’ailleurs, y échappent comme au reste. Idem pour les jeux.
Les salarié-e-s et retraité-e-s paient 90 %.
.
Qui bénéficie de la CSG ?

De 1983 à 2010, les cotisations sociales patronales ont diminué de 18 points. Elles ont été transférées des entreprises vers les ménages sous forme de CSG et impôts et taxes tous azimuts (y compris sous affichage « écologique » alors qu’il n’y a aucun but écologique).
Les entreprises gagnent 50 milliards, les salarié-e-s perdent 50 milliards par an !
On comprend le MEDEF – ce fut encore le cas à la dernière fête de l’Humanité – qui demande sans cesse d’augmenter le transfert vers la CSG (ou la TVA, « sociale » ou non, le résultat est le même).

Macron avec sa baisse des cotisations salariales et l’augmentation de la CSG refait du Rocard (c’était aussi la proposition du FN pour soi-disant augmenter les salaires alors que la cotisation « salariale » est une partie du salaire !)
Il faut revendiquer non seulement l’augmentation du salaire brut, mais aussi l’augmentation du taux de cotisation, notamment de la part dite patronale. Sinon ce sont les ménages qui subissent à 100 % la flambée des complémentaires et à 90 % ou plus l’augmentation de la CSG.

C’est très possible : pour ne prendre qu’un élément, la baisse très importante de la part des salaires dans la valeur ajoutée se retrouve en dividendes, paradis fiscaux...
PLFSS 2018 : la baisse des cotisations salariales et patronales, la hausse de 1,7 point de la CSG
La hausse de la CSG, si elle est votée, sera permanente et pour tous, actifs, retraités, chômeurs, public, privé.
Pour les retraité-e-s c’est une baisse supplémentaire de pouvoir d’achat.
Pour le privé et les fonctionnaires les « compensations » sont en trompe l’œil. Elles se substitueront rapidement à des augmentations de salaire, y compris pour le privé présenté comme « gagnant », mais victime – sauf retrait - des ordonnances dont le but est de baisser les salaires.
L’ensemble du patronat, des indépendants… est le grand gagnant avec des exonérations massives en 2018 et 2019 (accroissement prévu de plus de40 milliards au total !)
La baisse des cotisations fondatrices de la Sécu n’est pas une hausse du pouvoir d’achat. C’est la casse de la Sécu, vers le retour à l’assistance !

Quelques prises de position syndicales  :
CGT : « augmentation de la CSG : Un impôt injuste financé par les salariés et les retraités, les patrons profitent »
FO : « le gouvernement réinvente la solidarité inter-générationnelle et transforme le salaire différé en salaire remboursé »
Solidaires : « La CSG ayant une assiette plus large que les cotisations salariales, faire contribuer plus justement l’ensemble des revenus au financement de la sécurité sociale ».

Les chiffres, les décisions qui peuvent paraître abstraites se traduisent dans la vie quotidienne en matière de soins, de pensions de retraite, de politique familiale, d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles…