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Populisme et néolibéralisme : La reprise du peuple contre les élites. Christian DELARUE

jeudi 8 février 2018, par Amitié entre les peuples

Populisme et néolibéralisme : La reprise du « Peuple contre les élites »

La question du populisme a été discutée en 2017 assez largement. Celle du « peuple contre les élites » qui apparait s’en rapproche. Mais ici c’est l’opposition qui est fortement soulignée. Il y a une contradiction sociale qui réapparaît.

Après avoir préalablement distingué les diverses élites dans un article récent, j’en viens à la question présente : La reprise du « Peuple contre les élites »
Lire Elites intellectuelles et autres élites.

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Le populisme c’est vouloir donner la priorité au peuple. Quelle priorité ? Priorité démocratique ? Priorité sociale ? Priorité culturelle ? Quelles autres questions se posent ? De quel peuple s’agit-il ? Quid des élites ? D’emblée, avec ces quelques questions - il y en a d’autres - l’esprit critique est requis. Car on ne saurait se contenter de reprendre sans prudence le thème du peuple contre les élites. On notera en défense de la prudence critique que le thème est évoqué tant à l’extrême-droite qu’à l’extrême-gauche. Ce qui est assurément problématique. Tout comme le « bloc élitaire » centriste façon Macron est problématique, notamment avec son « en même temps » pour les riches et pour les pauvres ! Duplicité !

Le thème du « peuple contre les élites » a évidemment une certaine pertinence avec le contexte de la mondialisation du capitalisme financiarisé. On ne comprend rien à cette opposition si l’on oublie ce que l’on nomme depuis plusieurs années le néolibéralisme. Derrière ce terme, ce qui est visé c’est le processus de privatisation des biens publics, l’entreprise éhontée de casse de l’Etat social (démantèlement du statut du fonctionnaire, du code du travail, des services publics, de la protection sociale, de la fiscalité redistributive, etc) et in fine la forte prédation des riches du 1% d’en-haut. Mais est-ce bien de cela qu’il s’agit pour l’extrême-droite ? Le FN vise aussi bien les élites étrangères que les pauvres migrants contre le peuple français, élites comprises. C’est donc autre chose comme position.

D’emblée il convient donc d’aller derrière l’apparence des chose. La chose devrait être admise, eu égard aux nombreux débats sur la question en 2017. Question principale : De quel peuple s’agit-il ? Quelle alliance interne au peuple-classe préconiser ? Quelle alliance externe avec une élite ? Il faut bien poser les questions et aller lire - ensuite et en ayant en tête ces questions - les programmes de la gauche pro-socialisme (FI et JLM) et d’extrême-gauche (NPA notamment). Il faut aussi relier le programme aux discours pour voir si le programme est fort de sens ou un catalogue de promesses.

A l’extrême-droite il s’agit de protéger le peuple nation contre les étranger . Dans le format du peuple nation on trouve la classe dominante, les élites nationales de tout type (sauf exception limitée) et le reste du peuple nation moins les résidents qui travaillent en France depuis 5 ou 10 ans, voir beaucoup plus. Le FN ne s’attaque en rien à la Finance et ne défend en rien l’Etat social. Le « populisme de droite » c’est opposer un nationalisme contre les élites pro-européennes (Droite et centre), un nationalisme contre l’oligarchie de l’Union européenne qui fonctionne aussi à la prédation mortifère au profit des 1% d’en-haut. Le champ territorial est certes différent mais la politique de classe est la même. Le « classisme » national reproduit quasiment, à quelques différences près, le « classisme » européen. Dans les deux cas les riches du 1% d’en-haut sont avantagés.

A gauche il en va différemment avec le « populisme de gauche », incarné en France par Jen-Luc Mélenchon (JLM) puis la « France Insoumise » (FI) et en Espagne par Podémos .

Ce « populisme de gauche » a eu ses appuis de philosophie politique en termes de - 1) concevoir positivement le populisme comme promotion du peuple d’en-bas : les 99% (tous, pas que les nationaux ou les « entrepreneurs » ou les classes moyennes ) - 2) concevoir la société politique et la démocratie comme « agonistique », donc un « nous/eux » (opposition civilisée), et ce contre « l’illusion du consensus » (livre de Chantal Mouffe) - 3) concevoir nécessité de « construire le peuple » soit construire un peuple-classe face à l’oligarchie (ce qui suppose une élite ou du moins des acteurs militants dévoués, instruits, actifs) .

Ce populisme de gauche a eu ses détracteurs face à Fabrice Flipo (Mediapart 2017) et d’autres. Lisez Pierre Khalfa de la Fondation Copernic, Samy Joshua du CS d’ATTAC, Philippe Corcuff sociologue et altermondialiste libertaire. Et d’autres encore . Plusieurs questions se posent : quelle est la place du projet ? N’y a-t-il pas de nuisance à montrer des élites et à justifier la conflictualité agonistique ? Quid de la lutte des classes ? Pourquoi monter un sauveur ?

Si la dictature du prolétariat n’est plus à l’ordre du jour ni sa copie en termes de « souveraineté du peuple-classe » (théorisation personnelle de type marxiste révolutionnaire) alors il faut fatalement penser en termes d’alliance entre le peuple-classe et une élite. Et que ce soit explicite et vérifiable . Nombre de projets n’en disent rien. Jadis (PS des années 70) on parlait de « front de classe » mais la théorisation abstraite ne permettait pas de voir ou se situait l’alliance, car qui dit alliance dit aussi compromis (sauf période révolutionnaire) et un compromis peut aisément être trop favorable aux élites du 1% d’en-haut et pas assez favorable au peuple-classe. Il faut bien alors des acteurs d’en-bas semi-professionnalisés (demi-élite) particulièrement vigilants sur ce point. A défaut on se retrouve avec un bloc élitaire (1).

On trouve aisément un « bloc élitaire » opérant un rassemblement autour des classes sociales libérales ou d’encadrement plutôt aisées et même très riches et, de plus, en position de pouvoir dans la société, dans les divers rapports sociaux (capital-travail ou propriétaires-locataires ou vendeurs-consommateurs ou etc). Mais dans ce bloc social d’en-haut très néolibéral les couches sociales modestes sont malmenées et les riches s’enrichissent. C’était le cas avec Sarkozy puis aujourd’hui avec Macron. Les choses furent différentes avec Hollande plus social-libéral, mais in fine il n’a pas fait mieux que Sarkozy et Macron. Il était moins cynique dans le verbe (propos des « sans dent » mis à part).

Christian DELARUE

1) Jérôme Sainte-Marie : « Bloc élitaire contre bloc populaire, tel est le nouveau clivage ».
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/04/28/31001-20170428ARTFIG00082-jerome-sainte-marie-bloc-elitaire-contre-bloc-populaire-tel-est-le-nouveau-clivage.php

NB Les théorisations philosophico-politiques de C Mouffe et E Laclau orientent un marxisme de l’hégémonie (Gramsci) plus orienté vers la démocratie radicale en termes de pluralité des demandes populaires . Lire :

Laclau et Mouffe connaissent impeccablement l’œuvre de Marx et se font continuateurs des travaux d’Antonio Gramsci. S’ils ne nient nullement l’identifiant de la classe sociale, ils le relativisent et, en s’intéressant à la production discursive des identités politiques, donnent quelques clés qui permettent d’analyser comment le bloc historique néolibéral s’impose et comment les forces progressistes peuvent développer des stratégies contre-hégémoniques. À une « révolution », produit direct d’une lutte des classes, ils préfèrent donc une démocratie radicale fondée sur une articulation de demandes diverses.
in Qui est Chantal Mouffe, la penseuse qui inspire Hamon et Mélenchon ? | Slate.fr
http://www.slate.fr/story/138602/chantal-mouffe