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Piège identitaire : Intersectionnalité non identitaire

dimanche 25 avril 2021, par Amitié entre les peuples

Piège identitaire : Intersectionnalité non identitaire

Bref post avant retour

Doit-on lutter, comme altermondialiste par exemple, contre un ensemble coordonné de dominations que l’on dira, en mode simplifié (plus de trois) « Classisme, sexisme, racisme » ou est-on nécessairement placé et positionné dans des rapports sociaux imbriqués qui sont « Classe, sexe, race » ?

Pour les non avertis mais néanmoins lecteurs occasionnels la notion d’intersectionnalité semblait marqué par une logique d’enfermement identitaire par de l’identitarisme (surtout racial). A l’heure ou se discute la place d’un antiracisme universaliste dans l’espace ouvert entre les mâchoires de la tenaille identitaire il est bon de noter que même la notion d’intersectionnalité peut se dégager de l’identitarisme .

Ainsi Philippe Corcuff écrit (sous Généalogie des théories intersectionnelles de Marc Tertre sur Médiapart) « ce sont deux grands usages d’ »intersectionnalité« , l’un non-identitaire (en termes de croisement de discriminations de différents types, ce qui m’intéresse ) et l’autre identitaire (ce dont je me défie ), en association avec les »politics identity« qui ont aussi un certain écho dans les campus américains. »

Il ajoute : Kimberlé Crenshaw a navigué entre les deux et il cite un texte de 1989 non contaminé par un enfermement identitaire et un texte de 1994 qui est contaminé et il met le lien.

Anti-racisme et féminisme lié au peuple-classe

Cela recoupe la formule générale « Ni classisme, ni racisme, ni sexisme » (incomplète en la forme car il y a aussi homophobie, lesbophobie, carnisme, etc ), formule qui vise en fait la lutte contre toutes les dominations et pour toutes les émancipations.

Le féminisme du peuple-classe s’emploie à défendre et conquérir des droits pour les femmes (de toute ethnie ou conscience) du peuple-classe (99%), soit des classes sociales dominées d’une société structurée par le capitalisme dominant (sa logique ne recouvre pas tout), le sexisme (qui perdure), le racisme (aussi), donc par de multiples inégalités de classes sociales, de genre, de racisme systémique, celui caché « en-dessous de la surface de l’iceberg » ( formule de C Delarue - cn mrap).

Défendre un féminisme du peuple-classe, sans identitarisme ni racisme, ce n’est pas nécessairement adopter un féminisme fustigeant de façon dure et sectaire un « féminisme blanc bourgeois » , lequel a pour fonction de disculper d’emblée l’ensemble du patriarcat non blanc ou plus précisément parfois le patriarcat arabo-musulman (et musulman non arabe avec) , lequel patriarcat est particulièrement durci (hyper-patriarcat) par les intégrismes religieux musulmans que l’on sait fort actifs dans le monde.

Il ne s’agit pas non plus, avec la formule « féminisme du peuple-classe » (et donc féminisme des classes sociales dominées) de nier le sexisme au sein des classes dominantes du 1% ou sévissent des hommes de pouvoir (surtout blancs en France ) ayant donc de forts pouvoirs pour brider l’ascension des femmes cadres supérieures pourtant très compétentes mais, comme syndicaliste (CGT pour ma part) ce n’est pas notre premier souci, d’autant que les rares femmes en position dominante (capitalistes ou assimilées : sommet de caste bureaucratique) peuvent être aussi particulièrement dures contre les membres des différentes classes sociales dominées (du peuple-classe). « Pas premier souci militant », ne signifie donc pas abstention d’intervention si on sait.

Comme anti-raciste universaliste maintenant, le Mrap intervient aussi bien au sein des classes sociales dominées (du peuple-classe) qu’au sein des classes dominantes, aussi bien pour des injures racistes (au-dessus de la surface de l’iceberg) que pour des discriminations racistes plus cachées, (en-dessous de la dite surface de l’iceberg) . Il va alors pointer des victimes d’un racisme systémique (souvent des Noirs ou des Arabes et non les Noirs, les Arabes, etc).

Le Mrap ne va pas s’abstenir d’intervention lorsque des membres hommes ou femmes des classes dominantes du 1% font preuve de racisme soit par injures racistes (au-dessus de la surface de l’iceberg) soit par des pratiques plus cachées et systémiques (en-dessous de la surface de l’iceberg) plus difficiles à montrer et démontrer.

Christian Delarue

Extrait de 1)

Puissances et impuissances de l’intersectionnalité comme programme normatif

Parce qu’elle permet de lutter contre la monopolisation politique et symbo- lique de la représentation minoritaire, notamment lorsque cette dernière est liée à des inégalités de ressources, et parce qu’elle questionne constamment le « deux poids, deux mesures » cognitif qui fait percevoir certaines positions comme plus complexes que d’autres, la critique intersectionnelle renvoie à un souci univer- saliste qui pointe un horizon d’équité – en un sens proche de Jacques Derrida lorsque celui-ci écrivait que « la déconstruction est la justice 26 ». Mais lorsque, de critique de la représentativité comme domination politique, la perspective intersectionnelle cherche à se muer en politique positive, elle fait émerger une série de questionnements. Nous en examinons trois. D’abord, le paradoxe qui voit l’intersectionnalité elle-même fonctionner comme un nouveau cadre à part entière dans le jeu politique, se rendant donc en partie inadéquate analytique- ment pour penser la position des groupes qu’elle désigne et auxquels elle offre une possibilité d’expression. Ensuite, les débats autour de l’autorité spécifique de la parole des minorités intersectionnelles dans le champ politique et des usages de cette légitimité aussi bien par les pouvoirs que par les mouvements de résis- tance. Enfin, les limites de l’ambition totalisante qui chercherait à problématiser au sein d’un seul et unique mouvement toutes les dominations possibles en oubliant d’une part que les intérêts contradictoires qui font les sociétés démo- cratiques ne peuvent se résoudre dans un tout homogène, et d’autre part que la politique est une affaire de projets collectifs normatifs et non le simple reflet d’intérêts objectifs préexistants, qui varient inévitablement d’individu à individu.

1) http://sebastienchauvin.org/wp-content/uploads/Chauvin-Jaunait-Intersectionalité-contre-intersection-RP2015-PUB.pdf