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Philosophie et religion - Libre savoir

samedi 15 octobre 2016, par Amitié entre les peuples

Philosophie et religion

Dimension religieuse par excellence, le Sacré est l’objet de vénération et de respect dans la mesure où son caractère tout puissant et parfait contraste avec l’impuissance et l’imperfection humaine. Alors que dans le monde profane, né de la sanction divine (1), ne règnent que divisions, déceptions, échecs, le « Royaume de Dieu » est le lieu de la communion, de la réconciliation et de la plénitude. Celui-là n’est que problème quand celui-ci offrent les solutions. Aussi l’esprit religieux est-il animé par le besoin impérieux de s’affranchir du Mal. L’espoir de cette délivrance implique une double fuite : d’une part, il s’agit de se libérer d’une nature humaine corrompue par le péché (par exemple, en mourant à la vie corporelle par le biais des mortifications), ce qui permet d’abandonner une nature finie au profit de l’infini de Dieu ; d’autre part, il convient, par la prière, de se défaire de la réalité infernale dans la quelle nous vivons pour accéder à la vérité paradisiaque. Autrement dit, l’esprit religieux vise à la fois à s’oublier en se mortifiant pour vivre en Dieu et à se détacher de toute vanité humaine pour accéder à la béatitude céleste.

Il apparaît ainsi, à travers ce double mouvement, que l’esprit religieux a son principe et sa fin hors de lui. Ce qui entraîne au moins trois conséquences. D’abord, au plan de l’existence, l’homme religieux vit par procuration puisque, s’il lui est permis de vivre et de se sauver, cette permission pourrait tout aussi bien lui être refusée. Et la prière confirme donc sa dépendance et sa reconnaissance. Par ailleurs, au plan de l’action et de la pensée, l’homme religieux est soumis à Dieu et le respect de la loi divine le conduit à concevoir Dieu comme la mesure absolue de ses actions et de ses pensées. Enfin, le sentiment aigu de sa dépendance conduit inévitablement l’être humain à atténuer voire à déconsidérer sa propre originalité. Dès lors, vraiment, « Je est un autre » et « la saison en enfer » s’achève. En bref, l’attitude religieuse est faite d’acceptation (« Que votre Volonté soit faite » psalmodie la prière) et l’obéissance - fondée sur la conception d’un style de vie futur subordonnant la liberté individuelle à l’autorité divine - prend le pas sur la révolte.

Au contraire, l’attitude philosophique se caractérise par le refus. Et dire non, c’est se séparer, se distraire de tout ce que l’autorité et la tradition proposent. Refus et mise en question sont en effet l’expression d’un moi qui s’affirme et qui ne veut pas s’abolir. C’est, par exemple, le refus de Platon à l’égard du prestige des mondes sensibles. C’est encore celui de Descartes d’accepter tout ce qui est naturel. On peut noter aussi que si l’attitude religieuse est par essence démocratique en ce que, par l’acceptation, l’esprit religieux atténue les différences et finit par se fondre dans la communion des croyants puisque la loi est faite pour le peuple de Dieu et non pour les sujets en particulier, l’attitude philosophique est plus aristocratique dans la mesure où le refus qui la caractérise exprime la revendication d’un moi à l’égard des coutumes qui uniformisent. D’un côté, par son respect de l’autorité, le croyant est conduit à la communion ; de l’autre, au nom de la liberté de refuser, le philosophe est guidé vers la solitude. C’est ainsi que le philosophe apparaît toujours de trop dans le commerce des autres : homme de la patience, il irrite les politiques qui prennent des décisions rapides ; homme du doute, il indispose le dogmatisme l’homme d’une église ou d’un parti. Toutefois, le pessimisme du philosophe à l’égard des relations sociales a pour contrepartie chez lui un optimisme de la réalité. C’est par le discours que le philosophe communique en réduisant la part de l’affectif : l’attitude religieuse, dans son désir de communion, tend, à l’inverse, à abolir les différences et privilégie le sentiment.

Mais quelle soit religieuse ou philosophique, l’attitude de l’être humain exprime la même nostalgie d’une unité perdue. Tandis que la religion veut la restaurer, la philosophie entend plutôt la comprendre. Autrement dit, si la religion satisfait le désir d’être, la philosophie répond au désir de connaître. La question se pose : peut-on choisir entre le salut et la connaissance ? Tout choix conduirait à préjuger de la raison ou de Dieu. Deux vérités s’affrontent : il y a une urgence de Dieu que la raison délaisse ; il y a une patience du philosophe que le religieux ignore. En bref, l’un est amour de Dieu quand l’autre est souci de l’être. Dès lors, il faut en admettre les deux conséquences : soit le philosophe est hérétique, soit le religieux est naïf.

Extrait de Originalité de la philosophie (Libre Savoir), un texte qui va plus loin sur d’autres aspects à lire sur

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