Accueil > Entente entre les peuples > Vers la paix... ou la guerre. > Paix, désarmement, progrès écologique social, une trilogie à imposer.J-C (…)

Paix, désarmement, progrès écologique social, une trilogie à imposer.J-C Bauduret

lundi 3 août 2009, par Amitié entre les peuples

Paix, désarmement, progrès écologique social, une trilogie à imposer.

Jean-Claude Bauduret. Juillet 2009.

L’industrie d’armement est-elle une industrie comme les autres ?

L’Industrie d’armement n’est évidemment pas une industrie comme les autres, puisque c’est la seule activité humaine vouée à produire des engins de destruction et de mort. Elle est cependant de plus en plus traitée comme telle : le néolibéralisme est passé par là….

Dans un monde armé, chaque pays doit assurer sa défense, et pour ce produire des armes pour ses besoins nationaux. Il y a longtemps cependant, au moins depuis la seconde guerre mondiale que le marché intérieur ne suffit plus à cette industrie, il lui faudrait exporter. La justification de l’exportation est purement économique : les investissements sont tels qu’il est nécessaire d’atteindre une « masse critique » de production qui dépasse largement les besoins nationaux. L’extraordinaire essor des industries d’armement au cours de la seconde guerre mondiale a donné naissance, dans les puissances concernées à un complexe militaro-industriel agissant pour son propre compte et poussant à la course aux armements débouchant sur, l’escalade nucléaire, la dissémination et les risques de déflagration mondiale. Les deux plus grands dangers menaçant l’espèce humaine sont certainement le réchauffement climatique et le risque de guerre nucléaire[ii].

Depuis quelques années les dépenses mondiales d’armement battent chaque année le « record » de l’année précédente. En 2008 elles ont atteint 1 464 milliards de dollars[iii]. Les dépenses étatsuniennes représentent un peu moins de la moitié de celles-ci. Moins du dixième de cette somme, consacré annuellement au développement, suffirait, d’après l’ONU pour réduire de moitié la pauvreté en 10 ans, conformément à l’« Objectif du Millénaire pour le Développement », adopté par tous les chefs d’Etats.

Les principaux producteurs d’armes.

Parmi les dix plus grandes entreprises d’armement au monde, 7 sont américaines, 3 sont européennes.

Les principaux exportateurs d’armes.

Il est à remarquer que parmi les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU quatre, la Russie, les USA, la France et le Royaume Uni sont les plus grands pourvoyeurs d’insécurité.

La Russie est le principal exportateur, dont les deux principaux pays destinataires sont selon, le rapport 2006 du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), la Chine à hauteur de 43% et l’Inde pour 25% [4].

Cumulées, les exportations des États membres de l’Union européenne (UE) vers les États non-membres font de l’organisation européenne le troisième exportateur d’armes du monde avec 27% de part de marché [4].

La Russie, les USA et l’Union Européenne réalisent 87% des ventes mondiales d’armes

Les principaux pays acheteurs d’armes en 2004

Les principaux acheteurs en 2004 sont :

* l’Inde
* la Chine
* l’Égypte
* l’Algerie

Il est clair que le désarmement ne peut se concevoir qu’au niveau mondial, de façon progressive et contrôlée. Les données manquent pour essayer d’estimer ce qu’apporterait une telle hypothèse. Nous allons essayer de l’établir pour la France, mais auparavant il est bon de s’interroger sur les raisons de cette montée en puissance de la production et des exportations d’armement.

Le Complexe militaro-industriel français et son évolution

Pierre Marion, patron de la DGSE[iv], définissait ainsi les complexes militaro-industriels : « Ce sont des groupes d’hommes dont les credo, la puissance et les intérêts sont intimement liés à une lecture « militariste » de l’histoire. Ils sont implantés aussi bien dans les pays développés que dans ceux en voie de développement, dans les démocraties que dans les Etats totalitaires. Ils tirent l’essentiel de leur réussite ou de leur richesse de la tension internationale, de la production, du commerce et quelquefois de l’usage des armes. Ils entretiennent entre eux, par-dessus les frontières, souvent par des canaux occultes, des relations suivies. Ces groupes constituent les complexes militaro-industriels. »[v]

Dans le complexe militaro-industriel français les groupes ont tous un statut de société par actions. Dans la plupart d’entre elles l’Etat a une participation minoritaire, voire nulle (Dassault Aviation). Quant à celles où l’Etat est encore majoritaire, le Ministère de la Défense presse SAFRAN d’absorber la SNPE, (détenue à 100 % par l’Etat). Il est favorable à un rapprochement de DCNS (Etat 74 %) avec l’allemand TKNS, à une montée du capital de Thalès dans DCNS, à des alliances avec des sociétés anglaises et allemandes pour Nexter. Un accord entre l’Etat et Dassault Aviation donne de fait à ce dernier le pouvoir dans Thalès. Hervé Morin est aussi favorable à un accord Safran-Thalès.[vi]

Le projet gouvernemental illustré par la Loi de programmation militaire 2009/2014 est clair : privatiser les dernières sociétés d’armement où l’Etat est encore majoritaire, faire de la société privée Dassault Aviation le pôle central du complexe industriel français d’armement, nouer des alliances avec d’autres sociétés européennes.

Un bon nombre de sociétés ont à la fois des activités militaires et civiles qu’il est difficile de distinguer pour l’analyse, sauf approfondissements Le processus de privatisation est toujours le même : transformation en SA, nomination d’un président chargé de « rationaliser » .pour rendre la société « profitable » puis partage du capital , soit avec d’autres sociétés privées, françaises ou européennes (pour l’instant pas encore d’accord avec les sociétés américaines, mais on en parle..) ou avec des actionnaires individuels privés, y compris les salariés. Hervé Morin estime qu’il n’est pas nécessaire que l’Etat garde une minorité de blocage dans le capital[vii].

Le néolibéralisme et la relance de la course aux armements.

Le mouvement néolibéral a gagné l’industrie d’armement mondiale. Celle-ci, entièrement privée aux USA, est en passe de l’être dans l’Union Européenne, à l’exemple de la Grande Bretagne, sous l’impulsion de Peter Levenne[viii]durant l’ère Thatcher (1979/1990) :

« En effet, on sait que depuis le milieu des années 80 un mouvement profond de privatisation des industries d’armement s’est développé à partir des propositions de Peter Levene en Grande-Bretagne touchant la plus grande part des entreprises (Ferranti dès 1980, puis British Aerospace, les Royal Dockyards, les Royal Ordnance Factories, Rolls-Royce pour les plus importantes). Ce mouvement s’est étendu à la Suède (Celsius), l’Italie (regroupement dans Finmeccanica et lancement de la privatisation), l’Espagne (CASA, INDRA), la France (privatisation totale ou partielle de Thomson-csf (Thales), d’Aérospatiale (EADS), d’Alcatel (ex- CGE), Snecma, Eurocopter, Sextant avionique, RVI, Hispano-Suiza, Messier-Bugatti, Auxilec, Socata. » [ix]

En toute logique la détente inaugurée par Gorbatchev et Reagan à Reykjavik (1986), l’accord de retrait en 3 ans de tous les missiles nucléaires étatsuniens et soviétiques de l’Europe (1987) et la fin de la guerre froide matérialisée par la disparition de l’Union Soviétique aurait dû se traduire par une réduction spectaculaire des dépenses d’armement dans le monde. Il en a bien été ainsi de 1988 à 1996. Mais l’escalade a repris de plus belle. De 1998 à 2008 elles ont augmenté de 58% !

Le commerce des armes n’est théoriquement pas libre, il est soumis aux autorisations des Etats. Ceux-ci ont signé entre eux des accords de type « code d’éthique » garantissant que les armes exportées ne seront utilisées que « légitimement ».

* Le conseil de Sécurité de l’ONU l’a fait en 1991 pour les armes conventionnelles, pour ses membres. Ceux-ci sont toujours par ailleurs les plus importants fabricants d’armes au monde et les plus gros exportateurs.
* L’OSCE[x] l’a fait également pour les armes classiques
* L’Union Européenne a adopté en 1998 un « Code de conduite européen sur les exportations d’armement » basé notamment sur les principes suivants :

° respect des engagements internationaux des États membres, notamment des sanctions décrétées par le conseil de sécurité des Nations-Unies et par l’Union, des accords de non-prolifération et autres, ainsi que des autres obligations internationales.

° respect des droits de l’homme dans le pays de destination finale.

° situation interne dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés).

° préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales.

° comportement du pays acheteur à l’égard de la communauté internationale et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature de ses alliances et le respect du droit international.

° existence d’un risque de détournement du matériel à l’intérieur du pays acheteur ou d’une réexportation dans des conditions non souhaitées.

Mais, néolibéralisme oblige, ces principes moraux ne résistent pas à la logique de gestion des entreprises privées, basée sur le profit à court terme[xi].

Non seulement elles font tout pour contourner ces règles, mais les Etats eux-mêmes les y encouragent. Les 3 missions officielles de la DGA[xii]consistent à équiper les forces armées, préparer l’avenir (recherche) et promouvoir les exportations d’armes. Le ministre lui-même s’est réjoui d’avoir dépassé en 2008 l’objectif de 6 milliards qu’il avait fixé et vise 7 milliards d’exportation pour 2010. La crise que nous connaissons ne peut qu’encourager ce comportement puisque, sur le plan « purement économique » les ventes d’armes, en France comme à l’exportation sont créatrices de valeur ajoutée donc contribuent à la sacro-sainte « croissance », occupent des emplois et contribuent positivement à la balance commerciale.

Les rapports d’Amnesty, Oxfam et d’autres ONG signalent régulièrement les violations des engagements pris par les pays exportateurs d’armes dont la France :

En 2003, malgré l’embargo de l’Union Européenne, la France a permis des exportations en Myanmar (ex Birmanie), au Soudan et en Chine. (Rapport Amnesty 2004)

En 2004 les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, qui ont de grands progrès à faire en matière de Droits de l’Homme ont été ses principaux clients.

En 2006, le Maroc (de Sidi Ifni !) est venu s’ajouter aux deux précédents. Des exportations ont eu lieu vers des pays désignés comme responsables de violations des droits humains – de façon directe ou indirecte, par le biais des réexportations - tels que la Colombie, la Chine, Israël, le Pakistan, la Russie et le Tchad.(Amnesty 2007)

A partir de 2008 la procédure d’autorisation d’exportation a été « simplifiée ». Le gouvernement français a renié son engagement de transparence du rapport annuel présenté à l’Assemblée Nationale notifié dans les accords internationaux. La surveillance démocratique du respect de ces accords ne dispose plus d’un certains nombre de données essentielles.

Il faut évidemment ajouter à ces chiffres « officiels » ceux des trafics illégaux qui utilisent abondamment les paradis fiscaux.

Ces faits, extrêmement graves sont peu connus. Cela n’a rien d’étonnant puisque les « marchands de canons » comme Lagardère ou Serge Dassault ont une position dominante dans la presse, l’édition et leur diffusion. [xiii]

Le risque d’une guerre nucléaire.

Malgré le traité de non-prolifération nucléaire (TNP), signé par 189 Etats, neuf pays possèdent aujourd’hui l’arme atomique et les missiles porteurs. L’Irak au temps de Saddam, et aujourd’hui l’Iran sont ou ont été soupçonnés de vouloir s’en doter.

Parmi les puissances nucléaires signataires il est remarquable de constater que, 40 ans après leur signature pour les uns, 17 ans après celle-ci pour les autres, ces pays possèdent toujours un arsenal nucléaire considérable alors que l’article 6 du TNP prévoyait son élimination. La France, comme d’autres puissances nucléaires, non seulement ne désarme pas mais modernise comme l’illustre les essais du missile M 51 à Biscarosse.

Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que l’Inde, face à la Chine, le Pakistan face à l’Inde, les pays musulmans face à Israël s’en soit doté ou veuillent s’en doter.

Le nouveau rôle de l’OTAN.

En toute logique l’OTAN aurait dû être dissout après la dissolution du pacte de Varsovie (1991)[xiv]. Non seulement il n’en n’a rien été mais il s’est renforcé de dix anciens membres du Pacte de Varsovie[xv]puis de la France qui est revenue dans le commandement militaire intégré en 2009.

En effet la réflexion des stratèges américains sur le rôle nouveau de l’OTAN aboutit à en faire l’organisme de la gouvernance mondiale sous hégémonie des USA : « tout appartient potentiellement à la zone OTAN….l’OTAN est en train de développer ses capacités et les perspectives politiques nécessaires pour s’attaquer aux problèmes et aux éventualités qui surviennent dans le monde entier. »[xvi]

Condolezza Rice avait dit les choses plus crument encore : « le club des démocrates demandé par Madeleine Albright nous l’avons, c’est l’OTAN ! Une organisation globale pour à terme remplacer l’ONU et son Conseil de Sécurité toujours susceptible d’être bloqué par un véto. »

Le sommet de l’OTAN à Strasbourg, la position du président Obama sur l’Afghanistan et le Pakistan n’indiquent pas de changements fondamentaux dans cette orientation : établir sur le Monde la « Pax Americana ».

La première action de cet OTAN « new style » fut l’intervention en Yougoslavie en 1999. Pour la première fois le pacte de défense se transformait en pacte d’agression. L’OTAN intervenait militairement dans un pays non membre du pacte, sans mandat de l’ONU. Officiellement il s’agissait de mettre fin aux atrocités (certaines réelles, d’autres imaginaires[xvii]) de l’ »épuration ethnique ». Mais fallait-il pour cela bombarder des hôpitaux, des ponts, des routes, un train, deux bus, les usines, les raffineries de pétrole, l’immeuble de la télévision de Belgrade, l’ambassade de Chine, neutraliser la distribution d’électricité avec des bombes au graphites, utiliser les bombes cancérigènes à l’uranium appauvri ? Les objectifs des bombardements étaient déterminés la veille pour le lendemain mais en réalité les troupes US allèrent bien au-delà de ce qui avait été convenu primitivement avec leurs alliés (dont la France), c’est-à-dire des objectifs purement militaires, sans même les consulter ni les prévenir. Selon le témoignage à Strasbourg de Zévanelli Ivanovitch, ancien ministre, cette guerre a fait 3 500 morts, plus de 10 000 blessés, des centaines de milliards de dollars de dégâts matériels

Il est probable que ces destructions massives ont donné lieu à de juteux contrats de reconstruction pour les firmes occidentales (à vérifier). . Les puissances occidentales s’affairent autour de projet d’oléoduc reliant la mer noir à l’adriatique pour exploiter des gisements que l’on estime équivalent ou supérieurs à ceux de la mer du nord. Cette guerre a permis aux USA d’établir au Kosovo le camp de « Bondsteel »[xviii] , l’un des plus grands camps militaires étatsuniens (750 ha), base arrière pour les opérations en Afghanistan. La base militaire permanente que Nicolas Sarkozy vient d’inaugurer à Abou Dhabi (mai 2009) entre également dans cette nouvelle stratégie de l’OTAN

Dans son nouveau rôle, l’OTAN considère qu’un de ses membres est agressé dès qu’une de ses sources d’approvisionnement essentielles est compromise et donc qu’il peut intervenir militairement Toutes les interprétations sont possibles, pillage et gaspillage des ressources mondiales peuvent se poursuivre sous l’aile protectrice de l’OTAN !

Il faut ajouter que si un cataclysme nucléaire était déclenché, le « premier pas » ne proviendrait pas nécessairement d’un Etat dit « voyou » : cinq généraux de l’OTAN[xix], américain, allemand, hollandais, français et britannique ont adressé à l’OTAN un « Manifeste pour une force nucléaire préventive » où il est écrit : « L’emploi en premier des armes nucléaires doit être conservé dans l’arsenal de l’escalade comme l’instrument ultime pour prévenir l’emploi des armes de destructions massives »

Neuf secondes suffisent pour déclencher l’arme nucléaire.

Le scénario d’une France démilitarisée.

Il est évident que le désarmement ne peut être que général, progressif et contrôlé. Il s’agit forcément d’un processus long dans lequel l’ONU, doit jouer le rôle essentiel.

Le traité de non-prolifération nucléaire date de 1968. Son article 6 est le suivant

« Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »

Six pays ont liquidé leur arsenal nucléaire : l’Afrique du Sud, la Biélorussie, l’Ukraine, le Kazakhstan, le Brésil et l’Argentine.

Le traité a été partiellement appliqué par les puissances nucléaires à partir de 1987, mais uniquement pour le retrait d’Europe des missiles nucléaires des USA et d’URSS. Où en serait-on aujourd’hui s’il avait été appliqué totalement, c’est-à-dire jusqu’au désarmement général et complet de la planète ?

Il semble logique que la première phase concerne tous les outils d’intervention à l’extérieur du territoire national : Armes nucléaires stratégiques puis tactiques, y compris les vecteurs (missiles, avions et sous-marins lanceurs d’engin), puis l’aviation, la marine et en dernier l’armée de terre. En termes de « missions » des forces armées cela revient à supprimer d’abord la mission de « dissuasion » puis celle de « projection-action ». Mais la mission de « protection civile », assurée par le Génie est à conserver, de même que celle de police assurée par la Gendarmerie.

Le scénario qui suit a pour but d’illustrer théoriquement ce que pourrait être une France démilitarisée. Il n’est évidemment pas question dans la pratique de désarmer du jour au lendemain tant pour des considérations internationales que pour des raisons sociales : il faudra du temps pour reconvertir les hommes et les femmes affectés à des emplois militaires ou de fabrication d’armement.

Ce Scénario est basé sur une étude annuelle du Ministère de la Défense « La défense dans l’économie nationale »[xx] et le rapport de la commission du Sénat sur le budget de la défense 2005[xxi]. Il suppose donc que le mouvement de désarmement ait commencé bien avant, comme l’aurait permis le Traité de non-prolifération.

1°) Au ministère de la Défense.

Le budget du Ministère de la Défense est de l’ordre de 33 milliards d’€. Mais la suppression à terme de celui-ci n’entrainera pas une économie d’autant.

Les effectifs concernés. 357 mille militaires et 97 mille civils, au total donc 454 mille emplois..

Les militaires sont des fonctionnaires et bénéficient d’un statut. Celui-ci ne serait pas remis en cause, ils maintiendraient leurs avantages mais conserveraient aussi leurs obligations de mobilité en les transférant à d’autres ministères. En ce qui concerne les civils leur reconversion ne pourrait se faire que sur la base du volontariat. En 2 006 l’INSEE recensait plus de 1,9 millions d’emplois dans la seule fonction publique d’Etat (militaires non compris).

A titre d’exemple :

· Les 100 mille emplois de gendarmerie (dont 2 000 civils) pourraient poursuivre leur mission de police au Ministère de l’intérieur.[xxii]

· Une petite( ?) partie des 55 mille hommes et des 146 bâtiment de la marine, mis à la disposition de l’ONU, pourrait contribuer à une force de police internationale dédiée à la protection des espèces en danger (baleines, requins etc…) et accessoirement à la lutte contre la pollution (les principales sources de pollution marines viennent de terre.)

· Idem en ce qui concerne l’Armée de terre et la lutte contre le braconnage sur la base d’accords internationaux ou bilatéraux.

· Les 13 mille hommes et femmes du Service de Santé des Armées (7 400 militaires et 5 600 civils). Pourraient être transférés au Ministère de la Santé

· Les 22 mille hommes du Génie pourraient poursuivre leur mission de protection civile, y compris sur le plan international, notamment lors des catastrophes naturelles ou non (Inondations, séismes, incendies de forêt etc..) au Ministère de l’environnement.

Il resterait donc 300 mille emplois environ à reconvertir et réaffecter à terme. Une réaffectation progressive principalement au Ministère de l’environnement dans des « emplois verts » et accessoirement dans d’autres ministères (Transports, Industries, Coopération etc…) pourrait être envisagée : luttes contre la pollution, économies d’énergie, diminution des gaz à effet de serre, aide au développement etc…générateurs à terme d’économies dans d’autres secteurs comme la santé, la consommation énergétique par exemple.

Ne soyons pas angéliques : l’Histoire de l’Humanité a démontré que l’on pouvait faire la guerre avec des épieux, des glaives, des machettes ou des fusils de chasse. Il faudra bien créer une force de police internationale, sous l’égide d’une ONU démocratisée où les grandes puissances ne feront plus la loi, capable d’imposer la Paix. Un certain nombre de militaires français et d’autres pays devraient également être mis à sa disposition.

Aucune économie importante n’est envisageable sur la masse salariale.de 14,17 milliards d’€ en 2005, sauf à considérer, sur une période longue, le non remplacement des départs en retraite.

Mais de très importantes économies sont à réaliser sur le budget d’équipement des forces de défense[xxiii] Le budget d’équipement de la Gendarmerie 2006 est de 0,58 milliards €, soit un ratio de 0,0058 milliards pour 1000 hommes. Appliqué aux forces de défense reconverties celui-ci serait de

0 ,0058x334 = 1,94 milliards

Il était en réalité en 2006 de 14,9 milliards. L’économie possible serait donc de 13 milliards €

Les seuls achats d’armement, qui seraient pour l’essentiel supprimés se montaient à 10,6 milliards € en 2004 et à près de 9 milliards € en 2 005, dont 42% pour la construction aéronautique et spatiale. Les crédits 2005 alloués au nucléaire et au spatial (les premiers armements à disparaitre) se montent à 3,6 milliards €. Les importations d’armement se sont élevées à 1,1 milliards € en 2 004 et 1,3 en 2 005.

Le budget de fonctionnement se monte à 3,6 milliards €. Il y aurait là aussi des économies à réaliser, notamment sur les carburants. Le service des essences des armées avait en 2005 un crédit de 117 millions ‘€. Il approvisionne les 3 armes et la gendarmerie pour 1,2 à 1,3 millions de mètre-cubes de carburants et 5 000 tonnes de lubrifiants chaque année.[xxiv]. Il serait intéressant de déterminer la quantité de CO2 que cela représente et qui pourrait être non émis pour une bonne partie.

Depuis 2002 (2e mandature de J.Chirac) le coût réel des opérations extérieures de l’armée (« OPEX ») présent une tendance à l’augmentation : 526 M€ en 2001 , 678 en 2002 , 648 en 2003, 613 en 2004, 532 en 2005 , 627 en 2006, 681 (estimation sénat) en 2007, 875 millions € en 2008 (Ministère de la Défense.)

2°) Dans les industries d’armement.

Dans les industries d’armement : les branches d’industrie concernées (Construction navale, Aéronautique et spatial, Armes et munitions) occupent 101 mille emplois. Mais, comme le précise l’étude déjà cité (xxi) la production de ces branches est à la fois militaire et civile.

· Dans l’aéronautique (58 000 salariés dans la branche « aéronautique et spatiale) EADS réalisait 66% de son Chiffre d’affaires dans le civil en 2 004 et Dassault Aviation 61%.

· La SNPE (matériel énergétique et explosifs) 70%

· Thalès et Safran respectivement 30 et 26%.

· Seuls la DCNS ( 13 000 salariés sur 30 000 dans la branche « Construction Navale »et Nexter (3 000 salariés sur 10 000 de la branche « Fabrication d’armes et munition » se consacrent exclusivement à l’armement.

Entre 1980 et 1990 la restructuration de la sidérurgie française a porté sur 100 000 emplois directs, plus les emplois induits[xxv]. Ce dernier type d’emploi existe vraisemblablement aussi dans les industries d’armement, mais il ya de fortes chances pour qu’ils soient inclus dans les branches citées plus haut. En tout état de cause c’est bien moins de 100 000 emplois qu’il faudrait reconvertir sur une durée probablement bien plus longue que 10 ans, 17 ans jusqu’à aujourd’hui si la France avait respecté sa signature au bas du traité de non prolifération.

On peut raisonnablement penser que, dans une première phase ceux qui fabriquent ces armes seraient les plus qualifiés pour les démonter ou les détruire, ce qui laisse du temps pour mieux préparer leur reconversion. On peut également envisager raisonnablement que cette reconversion du militaire vers le civil puisse se faire, pour un certain nombre, au sein du même groupe industriel, simplifiant ainsi les questions de changement de statut.

L’impact de la suppression de ces activités sur le PIB

Toujours selon cette même étude (XXI) la valeur ajoutée[xxvi] dégagée par les industries d’armement s’est élevée à

* 3,5 milliards € en 2004
* 2,6 en 2005[xxvii]

Soit un manque à gagner au niveau du PIB de :

* 0,21% en 2 004
* 0,15% en 2005

Impact sur la balance commerciale.

Il y aurait là aussi un manque à gagner. D’après les données citées plus haut il aurait été de :

* 7,1- 1,1 = 6 milliards en 2 004
* 5,7- 1,3 = 4,4 milliards en 2 005

Conclusion.

Il est clair que la démilitarisation de la France aurait apporté des économies substantielles, de l’ordre de 13 à 15 milliards en 2 004/2 005. Malgré le manque à gagner du à la disparition des industries d’armement, le solde serait resté très nettement positif.

Il serait vain de vouloir refaire l’Histoire et de bâtir un budget 2 004 ou 2 005 en fonction d’une nouvelle affectation des ressources. Néanmoins, à titre de comparaison, il faut savoir qu’en 2 005 le budget de la Santé était de 7,5 milliards, celui de la recherche[xxviii] et de l’enseignement supérieur de 9,4 et celui de l’enseignement scolaire de 58,3.

Au travers cet exemple tout théorique il apparait clairement cependant que l’on peut à la fois :

* Diminuer le PIB, donc perdre des points ou des fractions de points de croissance
* Mettre des moyens financiers et humains considérables au service du progrès social et de l’écologie.

Contrairement à ce que veulent nous faire croire les diaforus « économistes sérieux » qui placent la croissance en préalable à tout, la décroissance n’est pas synonyme de régression. La « croissance verte » est une fausse piste, c’est du coté des dépenses parasitaires qu’il faut d’abord regarder.

[i] L’expression a été utilisée pour la première fois par le président Dwight Eisenhower à la fin de son mandat. C’est un lobby constitué par les industries d’armement, des chefs militaires et des parlementaires des commissions de la Défense Nationale. Joan Robinson (1903 1983), économiste anglaise disciple de Keynes s’opposa à d’autres keynésiens qui banalisaient l’industrie d’armement pour n’y voir que sa contribution à la croissance, l’emploi, la balance commerciale et le progrès technique.

[ii] Selon Michael McGwire, ancien planificateur de l’OTAN et penseur stratégique de la guerre froide « Le résultat d’une guerre nucléaire totale dépasserait de beaucoup les effets progressifs du changement climatique parce qu’ils seraient instantanés et ne peuvent pas être modérés. L’ironie de la situation réside dans le fait qu’il est en notre pouvoir d’éliminer la menace d’une guerre nucléaire totale mais qu’il n’est pas possible d’escamoter le changement climatique »

[iii] D’après le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute)

[iv] DGSE : Direction Générale de la Sécurité Extérieure

[v] Pierre MARION, Le pouvoir sans visage. Le complexe militaro-industriel, Calmann-Lévy, Paris, 1990, 268 pages, p.21

[vi] Interview d’Hervé Morin à « La Tribune » du 12 Juin 2009.

[vii] [vii] Réponse aux recommandations de la Cour des Comptes « Les Industries d’armement de l’Etat »

[viii] Actuellement président de la Lloyd, sa carrière est faite d’aller et retour entre l’industrie d’armement, le gouvernement britannique (20 ans) et la finance.

[ix] –J P Hébert, Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Paix et d’Etudes Stratégiques « L’autonomisation des producteurs d’armement : mythe ou réalité ? »10/12/06.

[x] OSCE : Organisation pour la Sécurité Collective en Europe. Elle groupe actuellement tous les Etats d’Europe, d’Amérique du Nord, du Caucase et d’Asie Centrale, au total 56 pays représentés.

[xi] En 2008 Dassault aviation a réalisé un bénéfice opérationnel de 434 Mns €(11% du CA civil et militaire), Thalès de 718 Mns (6,5% du CA), Nexter de 71 Mns (12% du CA), en 2007 la DCNS de 203 Mns (7% du CA) et Safran une capacité d’autofinancement de 1221 Mns (10% du CA).

[xii] DGA : Direction Générale de l’Armement, une des directions du Ministère de la défense

[xiii] Serge Dassault est propriétaire du Figaro. Le groupe Lagardère domine le monde de l’édition. Il contrôle 61 sociétés d’édition dont Hachette, Dunod, Calman-Lévy, Armand Collin, Hatier, J C Lattès, Stock, Larousse. Il contrôle également 4 radios dont Europe 1, Virgin Radio (ex Europe 2), et RFM, 10 chaines de télévision dont Canal J et Virgin 17 (ex Europe 2), 14 site internet. Il est leader mondial de la distribution de la Presse et des livres avec notamment « Relay » et « Lagardère Service ((ex « Hachette Distribution Service).

[xiv] [xiv] L’OTAN a toujours été présentée comme la réponse au pacte de Varsovie (1995) bien qu’il ait été conclu six ans avant (1949)

[xv] La Tchéquie, la Hongrie et la Pologne en 1999, l’Estonie, la Lettonnie, la Lithuanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie en 2004. Il est remarquable que l’adhésion à l’OTAN des dix anciens membres du Pacte de Varsovie se soit toujours faite avant leur intégration dans l’Union Européenne. Garantie pour celle-ci ou pour les gouvernements concernés de l’irréversibilité du retour au capitalisme ? Il est bon de ne pas perdre de vue que ces pays, à l’exception de la Tchéquie et de la Pologne furent des dictatures alliées de l’Allemagne nazie durant la seconde guerre mondiales, notamment la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie.

[xvi] Daniel Field secrétaire d’Etat adjoint US aux affaires européennes et eurasiennes. Avril 2007

[xvii] Voir le témoignage de Robert Fisk « Mensonges de guerre au Kosovo » Le Monde Diplomatique d’août 1999.

[xviii] D’après « Wikipédia » il y aurait, dans le monde 88 bases militaires US. Ce nombre est en diminution, notamment en Europe ex-« occidentale », en corrélation avec l’évolution de l’OTAN.

[xix] John Shalikashvili,ex commandant en chef de l’OTAN en Europe,Klaus Naumann, ex président du comité militairede l’OTAN, Henk van den Breemen, ancien chef d’état major hollandais, amiral Lanxade, ancien chef d’état major français, Lord Inge, ancien chef d’état major britannique.

[xx] Annuaire statistique de la défense nationale Décembre 2006 et idem 2007/2008. Fait très significatif pour cette étude annuelle : le complexe militaro-industriel y est traité exactement comme n’importe quelle branche industrielle

[xxi] Projet de loi de finances pour 2005-Nucléaire et services communs. Commission du Sénat

[xxii] Dans une démocratie, la loi est faite pour protéger le citoyen. Dans notre système la loi est plutôt faite pour protéger ceux qui la font. La répression policière résulte d’une volonté gouvernementale de criminaliser toute action citoyenne s’opposant à ses desseins, y compris en faisant voter par le Parlement des lois répressives et liberticide. Le fait que la police soit utilisée dans ce sens est un dévoiement total de son rôle.

[xxiii] Jacques Le Dauphin. Budget de la Défense par mission, loi de finance 2006

[xxiv] Un avion « Rafale » consomme 2 200 litre de carburant par heure de vol, un char « Leclerc » 309 litres aux cent kilomètres

[xxv] Collectif, « Sidérurgie : l’Europe au service de la désindustrialisation », L’idéologie européenne (http://www.idéologie-européenne.fr)

[xxvi] Le langage comptable est trompeur. S’agissant d’engins de destruction il vaudrait mieux parler de « Valeur soustraite » et comptabiliser le potentiel de destruction de valeur qu’ils représentent !

[xxvii] On ne compte pas ici la valeur ajoutée du Ministère de la Défense, constitué pratiquement uniquement par les salaires, puisque ce scénario ne prévoit pas de diminution d’effectif ni de masse salariale.

[xxviii] Ne pas perdre de vue la reconversion de la recherche militaire en recherche civile.

Trilogie5Annexe