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POPULISMES (au pluriel) - Christian DELARUE

lundi 2 avril 2018, par Amitié entre les peuples

  • POPULISMES (au pluriel) - Christian DELARUE

Il y a plusieurs populismes, pas un seul.

J’ai critiqué jadis ce mot au pluriel (1) mais c’était surtout l’usage qu’en faisait le « centre politique » qui fustigeait et fustige encore les populismes (sans plus de précision) avec néanmoins un sous-entendu, un serait celui d’extrême-droite et l’autre celui d’extrême-gauche. L’arrivé de Jean-Luc Mélanchon a renforcé cet usage journalistique et politicien . J’ai dénoncé cela comme une manipulation politique. Je maintiens d’autant plus qu’un auteur P Manent a pu parler lui de « populisme du centre » (le centre de la raison du « juste milieu » et de l’alternance). D’autres aussi, comme Jacques Rancière (qui lui dit que le populisme n’existe pas).

Il n’en reste pas moins vrai qu’il existe plusieurs types de populismes. M Wiévorka en avait distinguer trois (sur site amitié-entre-les-peuples.org) . Moi aussi mais uniquement ceux réactionnaires à propos d’un chapitre (le titre) du livre inter-associatif « Urgence antiraciste - Pour une démocratie inclusive » (Ed du Croquant mars 2017).

Cette contribution ne prétend pas être définitive. Il s’agit juste d’avancer vers une position plus juste. On pourra toujours compléter.

I - Populisme au singulier.

Le populisme a très longtemps été employé en France au singulier. Longtemps on a qualifié de populiste les groupes de droite-extrême ou les régimes politiques crypto-fascistes. Le peuple ethno-national est invoqué. Quand il s’agit du peuple social, c’est une instrumentalisation.

Mais depuis quelques années le débat a fait état d’une plus grande diversité de sens et notamment d’une distinction entre des populismes de droite et populismes de gauche. C’est que défendre le peuple et notamment le peuple-classe contre les classes possédantes, dominantes et privilégiées apparait quand même comme un souci de gauche. Et ce souci a une histoire et une géographie. Sauf instrumentalisation (bis repetita). Ce n’est d’ailleurs pas forcément un populisme. Notamment si l’on est en présence d’un projet de pluri-émencipation(s) : ni classisme, ni racisme, ni sexisme, ni intégrisme religieux.

II - Populisme de droite-extrême

Il vise des groupes ou régimes crypto-fasciste. Peut-être que ce terme flou mais prudent a eu pour but d’ éviter de perdre des procès devant les tribunaux. M Le Pen a aimé les procès...

Ce terme de crypto-faciste visait des groupes politiques ou ces régimes installés autoritaires et réactionnaires qui se rapprochaient beaucoup du fascisme historique. C’est une facilité de langage.

Ces groupes soutenaient des politiques économiques de type communautaire avec patrons et travailleurs agissant ensemble comme dans une même grande famille, sans conflit interne reconnu, car sous l’autorité incontesté du patron. Ils refusaient donc les syndicats de travailleurs de type « lutte de classe » et ils interdisaient les grèves au profit des seules négociations menées par le patron. Les dictatures du Portugal de Salazar , de l’Espagne de Franco de la Grèce des Colonels usaient en plus de la religion comme ciment conservateur ou réactionnaire. On retrouve cela de nos jours en Pologne. Cette vison communautaire et hiérarchisante se retrouvait pareillement à propos de la famille ou le « pater familias » restait le chef de famille . L’égalité n’est pas dans l’ordre de la nature ni dans l’ordre des religions, du moins sous les interprétations les plus réactionnaires. Les emprunts variables à une idéologie communautaire inégalitaire - couplage des deux traits - permettait pareillement de défendre une « patrie » entendue elle aussi comme une pyramide nationale (communautarisme national) à défendre sans critique contre les autres, les étrangers frappés de xénophobies.

Le volet xénophobe prend un contenu raciste variable puisque tantôt ce seront les juifs qui seront visés et tantôt les musulmans sans à distinguer ici les intégristes des autres. Tout dépend du contexte et de la période. Geert Wilders aux Pays-Bas ne visent pas les juifs comme le FN de 72 de Jean-Marie Le Pen mais les musulmans. Wilders serait plutôt en soutien d’Israel simplement par refus de l’Islam, un islam unifié et mauvais.

Dans l’absolu on pourrait dire qu’au sein des classes dirigeantes - élites politiques - on trouve des rapports différents entre élites (et notamment élites économiques) et peuples.

III - Tentons une typologie justifiant le pluriel :

Il peut y avoir des groupes qui veulent honnêtement et positivement satisfaire prioritairement les besoins sociaux des couches populaires et plus largement le peuple-classe, quitte à ce que les intérêts économiques et financiers des classes dominantes soient nettement amoindris. C’est rare mais c’est concevable . La défense des dominés économiques, les 99% disent les Occupy Wall Street puis d’autres groupes Indignés.

Cela fait d’ailleurs parti du débat à gauche en 2016 et 2017 , débat qui a rebondi à gauche en termes de « bloc social » et « division du eux » : alliance avec quelle élite ? La classe dominante serait bipolaire (pour évoquer Jacques Bidet), une nettement au coeur de la propriété capitalisme et une autre autre en soutien proximal avec des revenus conséquents pour la « tenir ». Cette distinction ne signifie pas qu’une des deux têtes soit immédiatement pro-peuple, pro-sociale, vraiment socialiste. Elle peut le devenir. Tout çà est complexe.

Ce populisme - si le nom convient car ce n’est pas obligé que ce soit un populisme (point important) - de très forte redistribution du haut vers le bas apparaît comme étant de gauche voire socialiste ou communiste. Un communiste authentique s’attaque aussi à la propriété du capital . En tout cas, il est manifestement et radicalement contraire à populisme de droite extrême ou même du centre qui sous les théories du ruissellements ou celle de l’entreprise-france maintiennent au contraire un régime politico-économique d’enrichissement constant des riches.

IV - Passons à deux autres formes de populisme.

Il peut y avoir des groupes élitaires qui instrumentaient la référence au peuple ou aux classes populaires pour maintenir le système productif dominant et sa hiérarchie sociale. La notion de populisme se rattache beaucoup à l’idée d’une instrumentalisation du « peuple« ou du « social » (de la »société salariale" et de ses institutions).

Cela peut se faire avec nationalisme xénophobe plus du racisme et on trouve alors tous les groupes politiques populistes d’extrême-droite. Mais cela peut se faire aussi sous l’idéologie d’un européisme néolibéral vaguement rapporté à quelques normes sociales de peu d’effet face au rouleau compresseur qui casse partout les services publics et les protections sociales. Car sous le régime néolibéral (privatisation, marchandisation, libéralisation, financiarisation, et concurrentialisme) les riches du 1% d’en-haut peuvent se passer de protection sociale, de services publics fonctionnant avec des bas tarifs et de la gratuité. Ils peuvent avoir intérêt à mener des politiques de privatisation.

Christian DELARUE