PLURI-EMANCIPATION : Combattre sur plusieurs fronts - Annie COLL et Roger EVANO

PLURI-EMANCIPATION : Combattre sur plusieurs fronts - Annie COLL et Roger EVANO

Il s’agirait, pour moi, de relier rapidement ici et faire en quelque sorte une synthèse de type « double impasse » (pour parler comme Sophie BESSIS), ainsi que j’ai pu le proposer pour le MRAP (1) entre Annie COLL et Roger EVANO, entre leur deux livres respectifs. Avec ma propre spécificité : altermondialiste et antiraciste universaliste critique des intégrismes religieux.

L’idée, déjà défendue, est que les humains doivent combattre les forces destructrices sur deux flans au moins, voire plus. Je reprends ici la thématique d’Erich Fromm sur la logique régressive et destructrice . Il nous faut combattre, pour construire un monde civilisé, tout à la fois du côté du « çà » soit du côté la dérive des pulsions lâchées et débridées qui mènent au capitalo-patriarcat (prostitution et porno-hard) que du côté du « surmoi » soit de la dérive autoritaire et hyperpatriarcal, largement portée par les intégrismes religieux de toute nature, haineux des femmes, de la séduction, de la sexualité tant hétérosexuelle qu’homosexuelle. Si un socialisme doit être défendu comme perspective de sortie de cet ordre du monde néolibéral, il ne saurait admettre un capitalo-patriarcat ni un hyperpatriarcat voileur de femmes et sexoséparatiste.

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Annie COLL et Roger EVANO ont écrit l’un et l’autre chez L’Harmattan, en 2016, dans la même collection « Questions contemporaines » :

– POUR EN FINIR AVEC LE LOUP LIBÉRAL, Annie Coll
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=49668&razSqlClone=1

– LA DÉMOCRATIE FACE AU DÉFI DE L’ISLAMISME, Roger Évano
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=50528

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Commençons par Annie COLL, philosophe à Dinan, ancienne membre d’AC (contre le chômage) puis d’ATTAC, aujourd’hui au NPA. Elle focalise sa critique contre le capitalisme, son obsession de l’argent et de l’accumulation, sa marchandisation comme d’autres, à l’inverse, ne critiquent que l’islamisme ou sa variante la plus guerrière.

Contrainte de partir d’un mal totalitaire et destructeur elle écrit : « Coulibaly et les frères Coachi, chez nous, Al Quaïda et Daesch ailleurs, incarnent les forces du mal » mais, à peine cette reconnaissance faite, c’est très rapidement pour poser cette question : « Le mal le plus abominable est-il celui qui se montre ou celui qui se cache ?  » dans son article : « Un mal peut en cacher un autre »

Il convient dès lors de recentrer le regard contre le seul mal qui nous détruit - selon elle - et de relativiser la peste djihadiste : « Fixer leurs crimes des yeux, c’est détourner notre regard de tous les crimes silencieux perpétrés au nom de l’argent. Ils sont le symptome du mal, ils n’en sont pas la cause. »

Comment peut-on oublier de combattre l’islamisme ? Comment ne pas voir aussi, au-delà du djihadisme, la montée des intégrismes religieux qui sévit à plusieurs niveaux. Il ne faut pas voir que les plus barbares !

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Roger EVANO, ex militant de la LCR, comme Edwy PLENEL, comme je le fus aussi (Christian DELARUE), altermondialiste aussi, ne saurait lui se monter a-critique de l’islamisme. L’islamisme et plus largement les intégrismes musulmans de divers niveaux, sont un danger pour les libertés et pour la démocratie. Roger EVANO n’évoque pas tant dans son livre une critique du capitalisme qu’un souci de la démocratie, de la laïcité, de la liberté de conscience.

Avec les années, peu à peu, il s’est trouvé en opposition avec Edwy PLENEL sur Mediapart (depuis 2008) qui a fait en quelque sorte allégeance a-critique avec l’islam conservateur et ses représentants. Comme le dit Roger EVANO, la compassion pour les opprimés ne doit pas aller jusqu’à la complaisance avec l’islamisme et les islamistes. Il y a assurément une ligne à ne pas dépasser lorsque l’on défend un projet humaniste de gauche , un humanisme porteur d’émancipation multiple.

Tout comme Roger EVANO, je critique cette « mise en communauté forcée » sous le drapeau des musulmanes voilées, voire des musulmans conservateurs ou intégristes. Il s’agit d’un faux « nous » . Ce communautarisme est vivement critiqué. Il y a là comme une guerre des modèles de la musulmane émancipée (qui s’émancipe toute seule - la chose est entendue ) : l’un, d’émancipation, par des femmes de culture musulmane qui jettent leur voile pour se libérer des diktats des intégrismes religieux sexoséparatistes (ici musulman) - comme le « voile blanc » en Iran en décembre 2017 - et l’autre qui assume au contraire l’aliénation de la religion et sa soumission hiérocratique, quitte à la renommer « féminisme musulman », et qui veut garder son voile comme une sorte de relique identitaire contre « l’islamophobie républicaine ». Pour certaines musulmanes voilées ce voile (avec parfois des tuniques « cache-fesses ») est un outil de protection contre le capitalo-patriarcat et sa concupiscence généralisée alors que d’autres musulmanes assument d’être féminines et non voilées sans pour autant abandonner l’idée de liberté et d’égalité hommes-femmes. C’est même ce qu’elles opposent tant au « patriarcat restreint » de la modernité qu’à l’hyperpatriarcat qui sévit dans plusieurs pays musulmans.

Christian DELARUE

participation avec d’autres auteurs aux livres : Pour une politique ouverte de immigration - Ed Syllepse 2009 et Urgence antiraciste : Pour une démocratie inclusive - Ed du Croquant 2017

1) MRAP : un antiracisme tenant compte de la « double impasse ».
Contribution d’un altermondialiste membre du MRAP : Christian DELARUE
http://amitie-entre-les-peuples.org/MRAP-un-antiracisme-tenant-compte-de-la-double-impasse

Un mal peut en cacher un autre A Coll
https://blogs.mediapart.fr/annie-coll/blog/200215/un-mal-peut-en-cacher-un-autre

R Evano a plusieurs textes sur Mediapart
Roger EVANO écrit ceci en novembre 2017 : Pourquoi s’opposer à l’islamisme ? je réponds que je me bats pour une société laïque, plus libre, plus égalitaire, plus fraternelle. Or l’islamisme, loin d’être un courant émancipateur, loin de soutenir la cause des opprimés, est tout-à-fait compatible avec l’impérialisme, l’oligarchie, l’exploitation des travailleurs, l’accaparement des richesses, le pillage des ressources, le racisme, les inégalités et les injustices que développent les régimes capitalistes. L’islamisme ne se trouve ni à gauche ni à l’extrême gauche mais à droite par son conservatisme et à l’extrême droite par ses visées totalitaires.