PIR, un essentialisme théorisé et politiquement revendiqué - C Delarue
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PIR, un essentialisme théorisé et politiquement revendiqué
Le Parti des Indigènes de la République semble s’orienter vers la revendication d’un essentialisme théorique avec cet article : "Faire vivre son essence", par Norman Ajari, 22 juin 2016, http://indigenes-republique.fr/faire-vivre-son-essence/
Il y a là un nouveau pas de fait en distance non seulement du mouvement social antiraciste (non seulement universaliste - "ancien" - mais aussi "nouveau" - cf Débat avec L Joffrin) mais aussi des sciences sociales. Ce texte promeut en effet, contre les sciences sociales anti-essentialistes, ici réputées "blanches" (oubliant la contribution des travaux sur le racisme et sur le colonialisme, comme des études post-coloniales, à la critique de l’essentialisme en sciences sociales) un "essentialisme décolonial".
I - Pour une critique des analyses du PIR du point de vue anti-essentialiste on trouvera :
1) "Indigènes de la République, pluralité des dominations et convergences des mouvements sociaux - En partant de textes de Houria Bouteldja et de quelques autres" par Philippe Corcuff - 10 juillet 2015 - https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/100715/indigenes-de-la-republique-et-convergences-des-mouvements-sociaux#_ftn38
Étymologiquement, « philosémitisme » signifie « amitié pour les juifs », et cela renverrait donc dans ce cas à une supposée « amitié de l’État colonial pour les juifs ». Transparaît ici une proximité sémantique avec la thématique antisémite traditionnelle du « lobby juif », réactivée entre autres aujourd’hui par Dieudonné et Alain Soral, avec des glissements fréquents entre « lobby sioniste » et « lobby juif », en visant notamment l’État. Ainsi la notion de « philosémitisme d’État » n’est pas suffisamment débarrassée des connotations essentialistes et conspirationnistes de la figure du « lobby juif », avec des effets des composantes antisémites du contexte actuel d’extrême droitisation, pour pouvoir s’en démarquer assez clairement. Cela apparaît donc particulièrement dangereux dans une période de remontée de l’antisémitisme, comme les discours laïcards (à distinguer des idéaux laïcs de séparation des pouvoirs politiques et religieux et de garantie publique de l’exercice des croyances et des incroyances dans un cadre commun) prenant à parti l’islam en général apparaissent dangereux dans un moment de consolidation de l’islamophobie.
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L’hypothèse de « la construction étatique d’une hiérarchisation des racismes », défendue par Saïd Bouamama[42], me semble plus juste, car davantage dégagée de des connotations équivoques de la notion de « philosémitisme d’État », tout en rendant compte du fait que les institutions étatiques n’accordent pas la même légitimité aux différents combats antiracistes. La lutte contre la romophobie et celle contre l’islamophobie apparaissent ainsi pour les acteurs politiques et technocratiques moins légitimes que celle contre l’antisémitisme, alors que des politiciens d’extrême droite, de droite et de gauche font des usages électoralistes de thèmes romophobes et islamophobes. Prendre acte de ce processus n’implique pas de mettre le doigt, même indirectement à travers les ambiguïtés des termes utilisés, dans les pseudo-explications conspirationnistes et antisémites en termes de « lobby juif ». Malheureusement, Bouamama fait une petite référence positive à la notion de « philosémitisme d’État » chez Bouteldja à la fin de son texte, ce qui fragilise un peu l’originalité de son hypothèse.
Comment réagir alors face à la notion de « philosémitisme d’État » ? L’organisation antiraciste MRAP a eu raison de s’inquiéter du recours dans le contexte actuel au slogan « Non au philosémitisme d’État » dans l’en-tête d’un tract du PIR :
« Ce slogan désigne les juifs comme les privilégiés de la République. Il alimente la thèse antisémite d’une mainmise de leur part sur l’appareil d’État et s’inscrit dans les fantasmes complotistes de Dieudonné, entre autres. »
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Houria Bouteldja ne met guère de distance critique, ne serait-ce que sous la forme de l’auto-ironie à la manière du sous-commandant Marcos, entre elle en tant que porte-parole et ceux dont elles portent la parole : pas seulement les quelques centaines de membres de son organisation, mais l’ensemble des postcolonisés… et même à un moment d’humilité extrême de « la Oumma » musulmane en son entier (plus d’un milliard de personnes, rappelle-t-elle).
L’intégralité de l’article (dont seulement des extraits sont donnés ici) se trouve sur le site de réflexions libertaires Grand Angle : http://www.grand-angle-libertaire.net/indigenes-de-la-republique-pluralite-des-dominations-et-convergences-des-mouvements-sociaux-philippe-corcuff/
2) " Bouteldja, ses "soeurs" et nous ", par Mélusine 2, 20 juin 2016, https://blogs.mediapart.fr/melusine-2/blog/200616/bouteldja-ses-soeurs-et-nous
Parce qu’il n’est question ni de taire la charge antiféministe à laquelle se livre Bouteldja dans Les Blancs, les Juifs et nous, ni de laisser cette critique aux réactionnaires de droite ou de gauche, qui ne se découvrent des velléités antisexistes que lorsque l’accusation porte sur des racisés.
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Il est étonnant de retrouver sous la plume décoloniale de Bouteldja un tableau semblable à celui peint ailleurs par Daoud et aussi péremptoire qu’un sondage du Point : les hommes racisés sont, en France, plus machos que les blancs, et d’un machisme spécifique, d’un machisme arabe, noir, musulman. Ce n’est pas seulement les expressions de leur masculinité agressive qui diffèrent, c’est sa nature même : certains l’expliquent par la biologie, d’autres par la culture ; pour Bouteldja c’est parce que ce « patriarcat indigène » est la réaction violente des hommes racisés contre le système raciste. Ce n’est certainement pas un caractère structurel de la société dans laquelle ils vivent et de celles dont certains sont issus.
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Bouteldja prétend utiliser la catégorie « indigène » comme une production socio-historique et refuser tout déterminisme biologique. Elle l’affirme prudemment en préambule de son livre, mais ne s’y tient pas. Contrairement à ce qu’elle croit, ce n’est ni le sang ni l’identité, ni la culture qui rassemble les racisés, c’est une condition partagée : une condition matérielle, car les processus de racialisation qui nous constituent en groupe n’ont que faire de nos individualités. Ils nous homogénéisent, nous prêtent des comportements, des pratiques, des caractéristiques semblables, atemporelles et naturelles.
II - De façon plus générale on lira avec profit un guide spécialisé dans la revue d’ATTAC France "Les Possibles" (et sur ce site ) :
Guide politique de vigilance anti-essentialiste
Contribution à la critique du national-étatisme montant et d’autres dogmatismes dans la gauche radicale et les mouvements sociaux critiques
mardi 28 juin 2016, par Philippe Corcuff
Ch Delarue
Contre le binarisme de compréhension des religions