Néofascisme ou fascisme un vieux débat : Pierre-Yves Salingue - Christian Delarue
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Néofascisme ou fascisme un vieux débat : Pierre-Yves Salingue - Christian Delarue
Certains historiens distinguent les dictatures réactionnaires de notables refusant la République et fondées sur un retour à la prééminence de la tradition, de la religion, de l’ordre national autoritaire du fascisme proprement dit qui est lui issu de la contestation de la démocratie . L’Italie de Mussolini a pu servir de modèle à des partis politiques fascistes hors d’Italie. Mais ce n’est pas toujours simple à déterminer. Il y a parfois des alliances entre l’autoritarisme réactionnaire à base de la tradition et l’autoritarisme nettement fasciste.
Comme militant du MRAP depuis la fin des années 80 (le MRAP est né en 1949 et a changé de nom en 1977 deux ans avant mon adhésion) je commence souvent mes interventions publiques à partir de 1945 avec ce qui perdure et se déploie tant en France qu’ailleurs comme forme de fascisme ou de néo-fascisme. Il y a un ensemble de luttes à mener.
I - Néo-fascisme, vieux débat : Pierre-Yves Salingue - Christian Delarue
Dans les années 80 (en 86-88) il y a eu déjà à Rennes un débat sur néofascisme ou fascisme : J’évoquais alors, au nom du MRAP, un néo-fascisme pour les mouvements et organisations voulant instaurer un Etat autoritaire et raciste en passant par la voie électorale et Pierre-Yves Salingue (pas Julien S-) me répondait qu’il n’y avait rien de "néo" car le fascisme emploie toutes les voies possibles pour accéder au pouvoir et imposer à la société sa dictature .
Reste alors à mesurer l’aspect "dictature". Je distinguais alors le nazisme, le fascisme de Mussolini et d’autres formes que je regroupais sous le vocable de néo-fascisme dont les dictatures crypto-fascistes : Portugal de Salazar, Espagne de Franco, Grèce des colonels. Le FN avait la même flamme que le MSI italien mais avait aussi des liens avec les trois autres dictatures citées, dont il approuvait pleinement le joug contre le mouvement ouvrier (syndicats pervertis, grèves et manifestations interdites), et contre le mouvement féministe, le mouvement laïque, le mouvement antiraciste.
II - Fascisme : Julien Salingue et Ugo Palhéta
Voici maintenant, 30 ans plus tard, ce que dit Ugo Palhéta interrogé par Julien Salingue (pas Pierre-Yves S) sur site NPA.
"Le fascisme comme régime désigne un pouvoir capitaliste en ce sens qu’il sert les intérêts des fractions du grand capital industriel et financier, mais un pouvoir capitaliste d’un genre particulier puisqu’entre autres choses il ne cherche pas à intégrer mais à annihiler totalement le mouvement ouvrier. Mais même si le fascisme a évidemment besoin du soutien de la classe dominante pour parvenir au pouvoir, en particulier à travers des alliances passées avec ses représentants politiques, on ne comprend rien à la manière dont il se développe comme mouvement si on s’imagine qu’il n’est qu’un jouet dans les mains de la bourgeoisie. Dans toute sa période d’ascension, le fascisme conquiert une audience de masse en obtenant des soutiens venant de toutes les classes sociales, même si son cœur sociologique se situe au sein de la petite bourgeoisie au sens large (petits patrons, professions libérales, salariat intermédiaire, etc.), où il recrute l’essentiel de ses cadres. C’est à ce titre que le fascisme dispose d’une autonomie relative vis-à-vis de la classe dominante et qu’il peut développer sa propre critique du système capitaliste : une critique opportuniste (les fascistes n’ayant aucun scrupule à s’allier avec les capitalistes au moment où cela leur est nécessaire), nationaliste (ce qui est critiqué ce n’est pas l’exploitation patronale en elle-même mais la dimension financière et mondialisée du capitalisme), et inoffensive (ils ne remettent jamais en cause les fondements de ce système, à savoir la propriété privée des moyens de production). Mais une critique tout de même, et c’est précisément pour cela que, dans des périodes où le capitalisme entre en crise (économique et politique), le fascisme peut gagner l’audience de couches sociales qui, pour des raisons diverses, se sentent lésées voire désespérées. Il le fait en développant un projet politique qui a des accointances avec certaines franges des droites mais qui lui est spécifique : un projet de régénération nationale passant par le rétablissement fantasmatique de l’unité politique, de l’homogénéité ethno-raciale et de l’intégrité culturelle du corps national, et cela en écrasant, par une combinaison de violence étatique et extra-étatique, les « ennemis » et les « traîtres », autrement dit les mouvements de contestation (en premier lieu le mouvement ouvrier, son ennemi le plus dangereux) et les minorités (notamment ethno-raciales). »
III - Critique commune de la notion de populisme
La suite de l’entretien Salingue-Palhéta réfute la notion de populisme.
J’en dis un mot : Comme Yorgos Mitralias (texte sur CADTM, Médiapart et amitie-entre-les-peuples.org) et Ugo Palheta je critique aussi la notion de populisme pour caractériser les formations politiques néo-fascistes . Je vois, au mieux, pour le dire rapidement, le populisme comme étant plutôt « de gauche » (et pas de droite et d’extrême-droite) dans la mesure ou il s’agit d’une doctrine au service du peuple-classe conçu comme ensemble des classes sociales dominées, soit les 99% d’en-bas sans racisme ni sexisme. Les droites, identitaires ou non, sont elles foncièrement classistes, c’est à dire au service des classes sociales dominantes, le 0,1% et tout le 1%.
Le PS de Hollande, à l’exception du courant de Gérard Filoche, fut classiste. Le PS du congrès de l’Arche de 1991 indiquait que le capitalisme est l’horizon indépassable de notre temps. Et il n’y a pas de capitalisme sans classe(s) sociale(s) dominante(s). On peut débattre si la classe dominante est bicéphale (branche publique et branche privée) ou non.
Les formations économico-politiques ne relevant pas du capitalisme néolibéral dominant, comme la Chine par exemple, ont aussi une classe dominante spécifique à ce genre de formation. Je parle donc aussi de classisme pour la Chine qui mélange capitalisme privé, régulation publique et bureaucratisation autoritaire par un parti unique ;
Il y a d’ailleurs universalisation du classisme. Aucun pays de la planète n’y échappe, y compris dans les formations sous domination d’un impérialisme ou l’on trouve souvent une bourgeoisie nationale à côté d’une bourgeoisie compradore. La tendance du monde contemporain depuis les années 1979 est à la montée forte des inégalités sociales avec des ultra-riches toujours plus riches sous l’effet de la « thatchérisation du monde » qui se transforme en "fascisation du monde »
Christian Delarue
NB sur classisme : Suivant le fameux propos de Warren Buffet sur la guerre des classes (menée et gagnée par la sienne), je ne réduis pas le classisme à de la simple pauvrophobie ni à du seul mépris de classe, ni à de la discrimination de classe, bien que ces aspects existent.
Par ailleurs, le classisme comme domination de classe ne passe pas que par l’exploitation de la force de travail car la casse de l’Etat social et de ses services publiques en est aussi une dimension importante. La casse de la Sécurité sociale aussi. La casse de la retraite par répartition pour y placer progressivement des fonds de pension relève aussi d’un classisme au bénéfice de la bourgeoisie assurantielle. Macron fait bien ici un job classiste et destructeur de dispositifs sociaux favorables au peuple-classe et au monde du travail public et privé. Il participe aussi à la fascisation ou à l’extreme-droitisation de la société si vous préférez dans la mesure ou il combat plus les gauches que le RN (cf son tacle d’E Borne sur RN pétainiste)
1) Les dictatures européennes d’André et Francine Demichel : plan du livre de 1973.
https://blogs.mediapart.fr/edition/1973-annee-charniere-une-retrospective-collective/article/130223/les-dictatures-europeennes-d-andre-et-francine-dem
2) Entretien de Julien Salingue avec Ugo Palheta sur le fascisme et la fascisation
« Ce qui rend le fascisme possible, c’est une crise d’ensemble des médiations politiques, idéologiques et institutionnelles »
https://www.pressegauche.org/Ce-qui-rend-le-fascisme-possible-c-est-une-crise-d-ensemble-des-mediations