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Ne pas vivre comme des porcs c’est refuser la domination. C Delarue

vendredi 1er janvier 2010, par Amitié entre les peuples

Ne pas vivre comme des porcs c’est refuser la domination.

Suite de Contre l’autre misère : Réification, reconnaissance et construction du sujet acteur et décideur

Titre pastiche de L’homme pour qui la résignation était ringarde
Relire Marcuse pour ne pas vivre comme des porcs

annivChristianeLucas1juil08 016

Évoquer la domination n’est pas exercice aisé. Comment dégager des critères théoriques et pratiques qui permettent de dévoiler les rapports de domination au niveau global ou sectoriel en vue d’une émancipation individuelle et collective. Nous en donnerons une brève trame mais le mieux est de renvoyer à une économie critique ou à une sociologie critique et pour 2009 au récent ouvrage « De la critique Précis de sociologie de l’émancipation » de Luc Boltanski (éd Gallimard). Ici la théorie est latente, le propos est aléatoire, en recherche.

DOMINATION GLOBALE

Il semble plus aisé de reconnaitre la situation de classe dirigeante aux « grands élus » qui se sont autonomisés par rapport à leurs citoyens de par effet de distance et surtout de non contrôle à l’instar du subordonné qui ne contrôle pas son supérieur hiérarchique . Cette autonomisation constitutive de la constitution en classe « à part » est issue d’un droit spécifique, d’un droit de classe qui permet le cumul des mandats horizontaux (en types de mandat) et verticaux (en nombre d’années ) mais aussi du fait du niveau des rémunérations attribuées. C’est ainsi que la classe dirigeante devient dominante. Il s’agit des « grands élus » pas de tous les élus. Le phénomène s’accroît d’autant plus que ladite classe politique dirigeante fréquente les grands dirigeants économique, les PDG et autres « compétents » des grandes sociétés transnationales ainsi que les riches des grandes familles, autrement dit à peu de chose près ce que l’on nomme bourgeoisie, la classe dominante. Un volume important de propriété multiforme ainsi qu’ une position élevée dans la hiérarchie sociale qui permet de conforter un réseau relationnel conséquent fort utile. Néanmoins, il est plus difficile à certains de reconnaître la situation de classe dominante à la bourgeoisie. Peut-être parce qu’elle est peu connue malgré les ouvrages écrits à son sujets. Peut-être aussi parce que le regard porte sur les relais, les « cadres et compétents », ceux qui conçoivent les dispositifs technico-juridiques (notamment l’informatique et les statistiques) de la domination. Derrière ces grands dispositifs abstraits se manifeste le pouvoir de contrôle, de soumission et de domination intermédiaire de la couche d’appui de la bourgeoisie. Ceux que l’on nomme les cadres supérieurs. Ce ne sont pas des bourgeois à proprement parler mais des grands exécutants . Pour ce faire, ils sont très bien rémunérés. Ici, point de salaire à moins de 3500 euros par mois et souvent beaucoup plus entre 7000 et 15000 euros. Mais ce n’est pas le revenu qui importe le plus. Renvoyons ici à Bourgeoisie : état d’une classe dominante chez Syllepse.

**En fait, le plus souvent, en matière de domination on regarde habituellement plutôt du côté du sexisme et du racisme mais aussi au sein des rapports de travail ou la domination dépasse les rapports de pouvoir ordinaires. Les rapports de pouvoir sont ceux que l’on perçoit et les rapports de domination que l’on sent ou ressent mais pour lesquels les mots manquent ou que par gêne l’on refuse, l’on nie. Évidemment la façon de les percevoir est différente selon la position de l’acteur dans les rapports sociaux de nationalité (sans papiers), de classe, de hiérarchie, de genre, d’ethnie. Il peut y avoir cumul de positions dominés - exemple : ouvrière, femme, noire - ou au contraire mélange asymétrique qui rend difficile l’analyse : la femme est cadre supérieure et noire par exemple.

AU TRAVAIL

Les rapports de pouvoir sont courants puisqu’au travail l’immense majorité du salariat subie le fait d’être en subordination. Il doivent obéir aux ordres. Mais la subordination ne s’arrête pas là. La modernité va plus loin puisque sous couvert d’autonomie, elle ne commande plus. La subordination passe par les normes et par le contrôle. Les travailleurs doivent aussi effectuer un travail performant tant au plan quantitatif que qualitatif. Ils doivent accepter d’être contrôlé, parfois au heure par heure, parfois sur des espaces de temps plus importants. Ils doivent justifier la moindre action, la moindre abstention. Tout cela n’est pas de la persécution même si cela y ressemble parfois mais de la domination. Ou commence la domination ? Elle est dans le détail. C’est dans les petits gestes du pouvoir hiérarchique que se manifeste la transcroissance du rapport de pouvoir légitime en rapport de domination. La domination commence quand le compétent abuse de ses connaissances/habiletés et/ou de son pouvoir de contrôle pour mépriser son subordonné. Bourdieu parlait du racisme de l’intelligence. Cela peut dégénérer en harcèlement.

N’oublions pas que le supérieur hiérarchique dans le privé ou le public a un rôle pédagogique qu’il doit assumer et que souvent il néglige. Il se contente du minima sur ce terrain pour se consacrer au contrôle. Plus les entreprises sont grandes, transparentes et soumises à la concurrence et plus l’aspect contrôle hiérarchique de la performance s’accroit au détriment du soutien au travail . Le rôle de soutien vise à expliquer ce qui n’a pas été compris ou ce qui a mal été exécuté mais en se gardant de parler « de haut », y compris quand il y a répétition. Le propre des « compétents » est leur capacité à assimiler et retenir rapidement des dispositifs techniques très complexes. Ils doivent s’attendre à ce que d’autres « les moins compétents » le fassent plus lentement ou avec des erreurs. Un bon chef est toujours en rapport officiel et structurel d’inégalité mais à la différence du mauvais il se place pour son exercice en rapport relationnel d’égalité. Mais pas une égalité de superman ou superwoman, une égalité modeste, à la mère Thérésa. Il admet aussi la réponse en réciprocité. En ce cas il y a bien une compétence « nourrissante » du supérieur qui vient grandir la compétence du subordonné.

HORS TRAVAIL

Les rapports de pouvoir sont courants aussi hors du travail. La police vous arrête, vous demande vos papiers. Cela peut se dérouler avec respect et sans problème particulier même si une crainte peut surgir au cas ou quelque chose quelque part ne soit pas conforme à la loi. Il en va ici comme le contrôle au travail. Même le plus soigneux peut toujours oublier quelque chose. Le rapport de pouvoir peut se transformer en rapport de domination. Il suffit que les contrôles soient répétés, effectués sur un ton dur, voir avec quelques petites remarques qui en disent long sur les préjugés du policier. Ici on retrouve les deux grandes sortes de dominations : la domination ethnique et raciste, la domination sexiste.

Hors du travail on a aussi les rapports de pouvoir et les dominations relationnelles et affectives. Dans une relation affective et sexuelle celui qui est moins amoureux et plus distant a le plus de pouvoir. Il peut faire montre de plus d’autonomie mais ne domine pas pour autant. D’autres facteurs entrent en jeu. Il peut tenir à la relation et continuer à entretenir l’amour de l’autre qui lui plait.

NE PAS ROMPRE COMME DES PORCS !

Lors de la rupture sentimentale les rapports de pouvoir et de domination peuvent être écartés par un accord, des comportements cordiaux. Ce n’est pas toujours le cas comme nous le savons tous. La domination peut être changeante, passant de l’un à l’autre, surtout quand un tiers-sauveteur s’en mêle. Elle peut être aussi relativement équilibrée chez l’un et chez l’autre. Elle passe alors par des mécanismes de maltraitement plus ou moins forts qui sont entretenus.

La libération qui mène à la sérénité est tout à la fois personnelle (paix en soi) mais aussi relationnelle (paix avec l’autre). Le dévoilement de la domination pour être réellement libérateur ne doit pas se retourner en son contraire mais se limiter à une tâche qui tend vers l’égalité, la réciprocité et la fraternité (adelphité). Pour autant cette tâche peut être très conflictuelle car sortir de l’oppression ne se fait pas toujours sereinement. Il y a souvent des crises, des confrontations privées ou publiques qui permettent de franchir une étape, un seuil.

Christian Delarue