Accueil > Entente entre les peuples > Multitude - communauté - peuple - société civile - humanité-classe > Mondialisation, communauté et immigration - C Delarue

Mondialisation, communauté et immigration - C Delarue

dimanche 16 novembre 2008, par Amitié entre les peuples

Mondialisation, communauté et immigration.

Note pour une réunion du groupe « migration » du Conseil scientifique d’ATTAC France du 22 nov. 2005

Par Christian DELARUE secrétaire national du MRAP

Délégué co-fondateur d’ ATTAC - syndicaliste CGT.

(article publié sur ATTAC France le 31/05/2006)

http://www.france.attac.org/spip.php?article6358

*

Asile, immigration et désordre du monde

Nous sommes à ATTAC pour brider la liberté de circulation du capital sous ses trois formes financière, productive (IDE) et marchande (échange inégal) mais nous hésitons à défendre la liberté de circulation et plus encore celle d’installation des immigrés. Il nous faut avancer sur ce paradoxe car qui n’avance pas recule surtout dans une période marquée par la remontée du racisme.

Nous avons au sein de ce groupe « migration » les uns et les autres produit des analyses historiques et économique-sociales globales et continentales (Europe) montrant les contraintes de tous ordres qui poussent à l’immigration économique ou à l’asile politique (au sens large du terme).

Je pointe ici quelques pistes pour une alternative :

 pour une autre Europe et contre l’Europe forteresse de Rome à Schengen

 pour la liberté de circulation et d’installation contre le livre Vert et l’Europe des charters

 pour la solidarité entre les peuples, la protection des réfugiés et les libertés collectives et individuelles.

 pour l’unité des travailleurs salariés européens ou non-européens contre le patronat qui surexploite la main d’ouvre étrangère.

 pour le développement social et l’insertion économique-sociale des immigrés contre le tout sécuritaire.

 pour l’égalité de traitement entre français et résidents étrangers

 pour la défense et amélioration du service public d’insertion des immigrés et du FASILD

Il faudrait débattre et préciser ce que nous refusons et ce que nous voulons.

*

Mais le groupe a en fait discuté de plusieurs autres questions qui ramènent implicitement aux possibles capacités d’intégration de l’Europe et de la France des flux d’immigration qui se sont mondialisés.

1 - Individu , salariat, peuple, nation, Etat.

La chaîne identificatoire a de nouveau fait l’objet de débat mettant en présence trois positionnements succinctement décrits :

 Certains se réclamant de T Négri pour annoncer la fin prochaine de la Nation, pour critiquer cette chaîne assimilatrice et oppressive voire totalitaire et faire l’apologie des petites solidarités, des communautés culturelles fortes de rites et de liens riches qui les distinguent des habitants isolés des cités et des quartiers déculturés (Nike) et déshumanisés (sans lien autres qu’aliéné par la marchandise)

 D’autres se réclamant de la Souveraineté, de la République et de la Nation. Un corps politique sur un territoire donné offre une expression citoyenne et démocratique et ce faisant permet d’assumer un projet politique pouvant faire pièce à la destruction sociale et écologique de la mondialisation néolibérale.

 D’autres enfin prenant en compte chaque élément de solidarité de ces regroupements humains et voyant en premier lieu le moment fort de la socialisation dans l’unité du salariat (ce que je nomme le cercle syndical celui de la solidarité de classe) puis au-delà dans un cercle plus large faisant intervenir le peuple en mouvement ou l’amitié entre les peuples (le cercle de la solidarité). Lorsque le salariat trouve des conjonctures pour se forger consciemment et pratique comme classe sociale il gagne à sa dynamique les autres couches sociales indépendantes dominées comme les paysans et les artisans . Le peuple ne comprend pas ici les couches dominantes internes qu’elles aient pour nom, au nord, bourgeoisies, en Chine ou à Cuba bureaucraties, au sud, bourgeoisies compradores ou les élites tribales .

2 - Le pouvoir au peuple : Souveraineté, République.

Pour aller plus loin que ces premiers positionnements, les alter mondialistes - au sens de ceux qui militent pour un autre monde post capitaliste démocratique, solidaire et écologique - se posent la question du pouvoir du peuple, et ce afin de ne pas rester en position de contre-pouvoir laissant ainsi le pouvoir aux élites, aux dirigeants et dominants.

Un bon angle d’introduction en France consiste à rappeler des formules civiques et citoyennes auxquelles on ne pense plus lorsqu’on évoque la République : « La souveraineté appartient au peuple » et « La République est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. » Peut-on dire qu’il en va de la République comme du socialisme, qu’il convient d’abandonné les références mensongères et mises à toutes les sauces ? Que doit-on alors préciser à chaque fois ?

 Pouvoir du peuple : Démocratie populaire ou démocratie nationale ?

Premières questions : Exit la bourgeoisie ? Le peuple comprend-t-il les dirigeants et les élites politiques qui le trahissent ? Que faire pour éviter la trahison ? Pour éviter coupure et délégation de pouvoir ? Si l’on refuse la « fin de l’Histoire » (Fukuyama) : quid de l’autogestion et de l’émancipation ?

L’histoire a-t-elle définitivement tranché à l’Ouest, à l’Est et au Sud ? Le peuple (ou le prolétariat) y a bien été récupéré par les couches dominantes et/ou dirigeantes soit par des méthodes autoritaires soit par des formules de légitimation faisant appel à une conception du compromis fondamentalement au service de ses « intérêts bien compris » c’est-à-dire consciente de devoir élargir sa base sociale en cédant à diverses couches moyennes (variable selon les formations sociales) donc en divisant le peuple et même en divisant le salariat.

Incise de droit international : souveraineté nationale et droit des peuples :

Les notions de peuple (au singulier) et de peuples coloniaux sont apparues avec la domination coloniale, avec l’émancipation des territoires sous tutelle, l’occupation étrangère et le régime d’apartheid . Des droits collectifs y sont rattachés comme celui du droit à l’autodétermination, ou du droit à disposer d’eux-mêmes (cf CADHP) qui peuvent s’opposer à la souveraineté.nationale. La raison d’Etat n’est pas la raison solidaire .

 Raison solidaire ou raison d’Etat.

L’assimilation du peuple à la nation et à l’Etat opère un élargissement nettement plus incertain et plus ambigu . Positivement on peut la voir d’une part comme lieu politique et démocratique potentiellement protecteur de l’intérêt national contre la mondialisation libérale (propos d’ André BELLON) et d’autre part comme espace de l’unité et de l’égalité de tous sur un territoire notamment pour les service publics (conception jacobine largement partagée chez les fonctionnaires et les usagers ). Plus négativement cette assimilation peut être vue comme vecteur idéologique de cette mondialisation néolibérale et donc masque derrière cette notion abstraite et englobant de Nation de la diversité des intérêts sociaux en présence et notamment des intérêts de classe radicalement antagonique lorsque l’on pense au salariat et au patronat.

Pour suivre le propos de Jean ZIEGLER on pourrait dire que cette assimilation peuple - nation -Etat fait subrepticement passer de la raison solidaire à la raison d’Etat. Et l’Etat chargé de défendre l’intérêt général défend bien souvent en premier lieu les intérêts de « l’entreprise » (portée au nue dans les années 1983) et des couches sociales dominantes. La bourgoisie nationale trouve d’ailleurs, avec ou sans pantouflage l’appui de la haute administration pour accomplir au nom de l’intérêt général les réformes anti-populaires et anti-salariales.

Promouvoir la démocratie du peuple pourrait être le moyen de dépasser la distinction raison solidaire - raison d’Etat sans passer par la Nation ?

La Nation peut avoir un sens variable soit de communauté ethnique ou de sang soit de communauté politique et citoyenne n’excluant pas la reconnaissance des cultures diverses.

3 - Repli identitaire, multiculturalisme, métissage, et universalisme.

Les replis identitaires résultent de la contre-réforme libérale et de « l’universalisme du marché ». La logique marchande mondialisée a confisqué l’universalisme pour promouvoir de l’uniforme plus que de l’universel . Et « les réactions à cette uniformisation des cultures et à l’écrasement des diversités prennent souvent une tournure identitaire. » (D BENSAID in « Fragments mécréants » p16)

Il en va de l’universel comme du cosmopolitisme sans frontière ou comme de l’intérêt général : nombreux ont vu avec la montée des politiques libérales destructrices des garanties sociales et des équilibres écologiques « une universalité confisquée par une humanité blanche, virile et conquérante.

Pour Marie-Hélène BOURCIER, l’universel est ainsi nécessairement homogénéisant, uniformisant, normatif. L’alibi de la domination et la négation de toute différence. » (DB p 17)

C’est pousser loin le bouchon. Et c’est faux sauf à confondre diversité culturelle et diversité religieuse dans l’espace publique. La liberté, l’égalité ou la justice sont des « universalisables » et non le privilège exclusif de l’Occident . Pour Abdellali HAJJAT « les dominés ont intérêt à l’universel ». Et l’intérêt général peut être fondamentalement celui du peuple, celui de la satisfaction des besoins sociaux de la grande majorité. Mais on change de conception de dynamique sociale. On part d’en-bas et notamment du noyau dur de la communauté d’intérêt des salariés français-immigrés, hommes-femmes, jeunes-moins jeunes, privé-public. Perspective socialiste d’émancipation. L’urgence est alors de lancer « l’ascenseur social ».

André BELLON observe que la reconnaissance du multiculturalisme est aussi un discours universaliste . Cette reconnaissance du multiculturalisme ne pose pas problème tant que l’on s’en tient à une diversité culturelle se déployant et respectant un espace commun laic . La diversité culturelle s’en tient aux pratiques ayant des bornes celles qui ne posent pas des droits politiques ou pire encore qui ne cherche pas à les imposer à la communauté locale ou nationale. Plus exactement, le corps politique crée un espace citoyen avec des droits pour tous et aucun(e) ne peut en être privé(e) par référence à un droit supérieur de la communauté de référence.

La juxtaposition de groupes culturels n’est pas le brassage et le métissage des cultures, chacune conservant la sienne mais s’ouvrant à l’autre (Paul ORIOL).

Références :

Le GISTI, la LDH, le MRAP, le collectif UGFF-Immigration et d’autres organisations indépendantes ont critiqué la politique française et européenne d’immigration et la réforme de l’asile comme gestion par la clandestinité (CGT MAE section OFPRA/CRR)

Sur les positions de la CGT UGFF lire le dossier-document objet de la conférence de presse du 8 avril 2005 (voir site) et renseignement auprès de :

CGT OFPRA [Email]

CGT Préf police de Paris [Email]

[Email]

CGT FASILD [Email]

GCT SD Naturalisation à Rezé [Email]

CGT OMI (devenu ANAEM) [Email]

CGT Travail Emploi et formation professionnelle [Email]

Sur la République lire « La République dans la tourmente » de Christian PICQUET Sylepse

Fragments mécréants - Mythes identitaires et république imaginaire par Daniel BENSAID

Également auteur d’une critique de la multitude avec le texte : « Les multitudes ventriloques » Pour le lire cliquez sur : http://www.lagauche.com/lagauche/

Sur le site d’ATTAC Christophe RAMAUX a aussi fourni quelques développements sur « Empire »