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Monde commun, écart de revenus , méritocratie, égalité des chances.

mardi 9 février 2010, par Amitié entre les peuples

Monde commun, écart de revenus , méritocratie, égalité des chances.

Les deux premiers rapports renvoient aux deux seconds : méritocratie et égalité des chances. Trop d’écart de revenus crée des mondes sociaux séparés. Deux France sont non seulement séparées mais opposées. Cinq ans après la révolte des banlieues délaissées de la République ces dernières demeurent éloignées de l’emploi et des richesses alors qu’ailleurs les riches sont encore plus riches, très riches, trop riches. Trop signifie que l’égalité des chances ne saurait légitimer une tellle situation.

1) Monde commun et écart de revenus maxi : 1 à 5, 1 à 10, 1 à 40.

Trois grandes propositions d’écart de revenu sont repérables. Proposer le 1 à 40 signifie ne pas vouloir aller vers un monde commun. Le 1 à 10 qui admet encore de fortes dominations de classe ne produit pas un tel « effet de monde différent ».

Ici la base est le SMIC revendiqué à 1500 euros perçus (net) ce qui modifie les calculs.

Si le SMIC revendiqué est de 1500 euros (1)

*l’écart souhaitable des revenus allant de 1 à 5 passe sur cette base à 7500 euros . Cette somme constitue la base de départ des revenus des 21 catégories de dirigeants. L’écart de 1 à 5 est clairement anticapitaliste.

* L’écart de 1 à 40 ( 60 000 euros par mois !!!) évoqué il y a peu par Marianne ne touche que l’hyperclasse mondialisée et protège la bourgeoisie nationale tant sa composante rentière que capitaliste. Cette formule légitime ce qu’elle veut combattre. Vouloir un monde commun ne saurait s’accomoder d’un tel écart.

* Un écart de 1 à 10 (1500 à 15 000 euros par mois) parfois proposé frappe l’hyper-classe et une partie de la bourgeoisie mais protège les « grands élus », les professions libérales et les capitalistes entre 7500 et 15000 euros. Il s’agit là d’une formule intermédiaire de type social-démocrate fondée sur une alliance de classe entre le gros du salariat (moins de 3000 euros) et les cadres supérieurs et une fraction de la bourgeoisie nationale. Elle est jugée « réalisable » car susceptible d’être soutenue démocratiquement au plan national.

*

2) Méritocratie républicaine, néolibéralisme et égalité des chances.

Globalement il est possible de distinguer deux conceptions de la méritocratie dans les grandes entreprises : d’une part l’une fondée sur l’arbitraire patronal nommée compétence ou performance et l’autre fondée sur le diplôme national et la qualification. Les deux peuvent s’inscrire dans le mode de production capitaliste mais la première est de facture néolibérale quand la seconde relève de l’Etat social.

* La méritocratie comme son nom l’indique défend l’idée de placer sur les postes de la division hiérarchique du travail les individus compétents. Mais dans un régime républicain social ces compétences sont d’une part validées au titre de la qualification (2) et d’autre part ne seront pas prétexte à sursalaire. Autrement dit la méritocratie républicaine attribue des fonctions et des postes à des travailleurs qualifiés, mais pas une affectation très étalée des revenus. S’ajoute un autre argument : ce serait plutôt le travail pénible qualifié ou non qui devrait lui être bien payé et gratifié d’un moindre temps de travail. Tout cela n’épuise pas l’arbitraire mais le limite très fortement. Le management contemporain « à la performance » et au « mérite » a largement cassé ce dispositif social.

* C’est le système capitaliste qui inverse l’ordre des choses, ce n’est pas la méritocratie républicaine. Le néolibéralisme a renforcé cette dynamique inégalitaire. Il a détruit ce que le régime républicain social avait pu construire contre le capital dans une période favorable. Cela ne signifie pas que la république sociale d’alors avait radicalement circonscrit et encore moins éliminé le capitalisme.

* L’égalité des chances, discours apparu avec le néolibéralisme, vient casser l’ascenseur social et légitimer la prédation des riches. Les néolibéraux ont cassé les normes juridiques protectrices sous le terme de libéralisation et privatisation. Tous est soumis à la logique marchande, ce qui intégré au marché comme ce qui ne l’est pas. Les grandes firmes profitent de cette marchandisation néolibérale. Dans cette anarchie de marché le thème de l’égalité des chances vient autoriser les forts à devenir prédateurs et cupides et les faibles à ne recevoir que la charité et la comùpassion.

* Confrontation avec François Dubet. Cet universitaire sympathique et fort compétent sur ces questions (3), n’a pas le même point de vue. Il écrit : « L’égalité des chances et la méritocratie qui lui ressemble comme une sœur sont les seules figures de la justice acceptables dans une société où nous sommes égaux tout en occupant des positions sociales inégales ». Sont-elles vraiment si ressemblantes ?

Il ajoute : « L’ensemble des recherches sociologiques conduites en France et ailleurs montre que ni l’école ni le marché du travail ne parviennent à effacer les effets des inégalités sociales ». Surtout pas le marché ! L’école républicaine s’y emploieen vain face au marché.

« L’égalité des chances ne vise pas à produire une société égalitaire, mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans la compétition visant à occuper des positions inégales ». « Le principe de l’égalité des chances n’est acceptable que si l’on prend soin de le situer dans un espace des inégalités sociales elles-mêmes acceptables. Sans cela, l’égalité des chances peut n’être qu’une idéologie de vainqueurs justifiant leur succès au nom de leur mérite ». Certes.

* F Dubet semble ici placer le marché à la place de la logique méritocratique républicaine : Dans le monde du marché, la croyance est la même : la prise de risques, les responsabilités et le travail doivent être sanctionnés parce qu’ils mesurent le mérite de chacun. On croit d’autant plus à l’égalité des chances et au mérite que l’on pense souvent que cette forme de justice est efficace : les élites sont les meilleures possibles, chacun est à la place qui lui convient, chacun a intérêt à être efficace, ce qui contribue à l’efficience collective et à « la richesse des nations ».

L’ambigüité tient au montant de la « sanction » : si très très élevée en terme de rémunération alors il s’agit du marché mais pas du mérite puisque la méritocratie ne pose que des affectations de postes mais pas des affectations financières. Certes il y a une hiérarchie des salaires et traitements mais cette dernière s’effectue de façon progressive sans grand saut qui soudainement place les « compétents » dans un autre monde, celui des grands possédants.

Christian Delarue

1) Des syndicats proposent 1600 euros mensuels pour le smic.

On peut aussi plaider pour un revenu minimal de mi-carrière entre 40 et 45 ans autour de 2000 euros perçu. Une idée à creuser.

2) Le fondement républicain de la qualification.

3)Redoutable égalité des chances par François Dubet , Libération, 12 janvier 2006