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« Manifeste pour une re-fondation de la Fondation Copernic »

vendredi 27 janvier 2017, par Amitié entre les peuples

« Manifeste pour une re-fondation de la Fondation Copernic »

Nous ne nous résignons pas aux défaites sociales, écologistes et féministes. Ce que l’histoire récente a fait, l’histoire prochaine le changera. Nous n’avons pas encore perdu.

Une Bourse du travail intellectuelle

La Fondation Copernic a 18 ans. Nous appelons à sa re-fondation, à sa re-fabrication.
Depuis 18 ans, elle arme les critiques contre le libéralisme, contre les culpabilisations que l’univers concurrentiel accentue, contre la lutte entre les plus proches qu’il organise. Depuis 18 ans, Copernic s’emploie à tirer vers la gauche le curseur des débats publics avec des dizaines de Notes et par l’intervention dans les médias (plusieurs centaines de tribunes de presse cosignées).
Mais face à la puissance des mécanismes du marché, devant la coalition de ceux qui les célèbrent et sont hautement rétribués, difficile de faire contrepoids. Depuis 18 ans, la Fondation Copernic œuvre à des campagnes unitaires : pour l’avenir des retraites, le « Non » au TCE, les services publics ; contre les privatisations, l’austérité, la précarité qui gagne, les logements chers et les lois Macron ; pour défendre le code du travail et s’opposer aux déréglementations qui tuent impunément ; pour les droits des femmes toujours discriminées, l’accueil des migrants, l’égalité homos-hétéros...
Tant reste à faire. Et nous restons si séparés, si cloisonnés malgré l’utilité de chacun, si peu mêlés, que nous n’opposons pas aux néolibéraux, une force intellectuelle suffisante, la force sociale d’un intellectuel collectif à la hauteur de ce qu’il faut. L’enjeu n’est pas de témoigner, l’enjeu est de transformer.
C’est pourquoi nous appelons, avec nos diversités, à travailler ensemble davantage. À une « maison commune intellectuelle ». Nous l’inventerons ensemble.
Nous voulons une « Bourse du travail intellectuelle », pour que s’y rencontrent sans hiérarchie (ce qui est très rare) salariés, chômeurs, retraités, syndicalistes, historiens, sociologues, économistes, juristes, etc… où chacune et chacun partagera ce qu’il sait. Sans hiérarchie mais sans populisme, sans indifférencier les savoirs. Davantage de critiques sociales en sortira, en davantage de domaines.

De plus en plus d’organes de presse, de maisons d’éditions, de télévisions sont propriétés d’industriels ou de banquiers. Les experts officiels sont sans cesse convoqués, dans les lieux de haute légitimité médiatique, pour nous convaincre de consentir au monde tel qu’il va et qu’il faudrait, à les suivre, libéraliser davantage.
Ce n’est que réunis (dans l’autogestion de notre regroupement), en mutualisant nos savoirs, que nous pourrons faire valoir d’autres diagnostics, d’autres solutions et les indignations indispensables.

Car nous vivons une situation paradoxale et dangereuse. Le mouvement social contre la loi travail, largement soutenu, a montré l’ampleur et la vigueur du refus des dogmes néolibéraux. Nuit debout exprima haut et fort l’aspiration à davantage de débats démocratiques, davantage d’élaborations d’alternatives, pour fabriquer une citoyenneté concrète, « en continu ». Et pourtant, ni ce mouvement social, ni la dynamique citoyenne n’a réussi, et surtout n’a voulu, se poser la question de son existence sur le terrain partidaire et électoral. La cassure entre le social et le politique persiste. Ce qui favorise les jeux d’appareils, les petits calculs et l’autonomisation des trajectoires et des ambitions individuelles, avec pour effet un éclatement politique de la gauche critique.
Cette situation s’accompagne d’une désintégration idéologique. Le consensus minimal sur les valeurs démocratiques et républicaines est en train de se dissoudre. Commencée lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, cette tendance, loin de s’inverser avec François Hollande, s’est au contraire renforcée. La porosité entre la droite et l’extrême droite se double d’une porosité entre une grande partie de la « gauche de gouvernement » et la droite, voire l’extrême droite, comme le montrent diverses déclarations de Manuel Valls, les lois sécuritaires, le traitement indigne des réfugiés, la déchéance de nationalité, « l’affaire » du Burkini… Au nom de la lutte contre le terrorisme, les stigmatisations et les contrôles infondés des musulmans ou supposés tels, se développent et se banalisent. La conception d’une société homogène traquant la diversité s’affirme et se dissémine. Le « chacun pour soi » qu’impose la nouvelle organisation libérale du travail se prolonge dans l’exaspération des « haines de l’autre » : racismes de classes, banalisations des actes islamophobes et depuis longtemps mais toujours constamment des actes antisémites, agressions homophobes…

Montée du chômage et de la précarité, développement de la pauvreté, dérèglementation du droit du travail, recul du pouvoir d’achat, décomposition du tissu industriel, destructions des éco-systèmes et de la biodiversité, violences faites aux femmes (économiques, symboliques, physiques…), se combinent avec une offensive idéologique qui remet en cause les droits conquis et les fondements de l’État de droit. Le FN n’a pas besoin de faire campagne pour exister, les autres le font pour lui et il peut se présenter tranquillement comme candidat au pouvoir.

Nos chantiers

Dans cette situation, la bataille des idées est une priorité. Les idées élaborées et portées en commun, peuvent devenir forces matérielles. C’est pourquoi nous appelons à une « maison commune intellectuelle », à une sorte de « Bourse du travail intellectuelle ».

Autour de quels chantiers ?

1) Produire des contrefeux et des solutions anti-libérales (notes, tribunes, campagnes unitaires). En des groupes autogérés, pour répondre, mais à temps ou en les précédant, à chacune des déconstructions sociales que les libéraux inscrivent dans les têtes et dans les faits. Il faut se l’avouer : pour le moment, tous et chacun, nous travaillons trop peu de dossiers. Et trop peu ensemble.
2) Diffuser les savoirs critiques et monter des dispositifs de co-construction de savoirs. Nous voulons et nous allons, faire circuler aussi large qu’il faut et tellement plus large qu’aujourd’hui, les savoirs qui dérangent, parce qu’ils dévoilent l’arbitraire des hiérarchies, les mécanismes de leurs reproductions et leurs justifications. Ce qui aidera à résister aux dominations de toutes espèces, dans les entreprises, les industries culturelles, en politique, à l’école, dans l’existence quotidienne. Et nous voulons parallèlement inventer des dispositifs, des ateliers, où syndicalistes, usagers, universitaires, élus, se mêlent et puissent s’écouter. Ces ateliers permettront de lutter contre les résignations : résignations aux inégalités, résignations à « rester à sa place », résignations au fait d’être exclu des « mondes » qui parlent et qui décident. Sur quels thèmes ? Nous le déciderons collectivement. Mais par exemple : pour réinventer des services publics désormais cassés, articuler social et écologie, inventer une école non-ségrégative, une santé non marchandisée, une protection sociale élargie, un impôt qui redistribue, ou pour démocratiser la démocratie, etc…
3) Faire entendre « directement » les indignations de ceux qui subissent. Et qui doivent « la fermer » face aux licenciements, face aux réorganisations forcées des collectifs de travail, face aux discriminations, aux exploitations, à l’insupportable, face au sexisme partout installé. Trop longtemps, l’expression des paroles « ordinaires », des paroles jugées illégitimes, a été étouffée. Avec leurs mots, leurs urgences, leurs forces, nous allons les faire entendre.
4) Nous réapproprier l’histoire de nos luttes. Trop de militants disparaissent et s’en vont avec eux les archives des luttes, qui forment notre patrimoine. Les conserver est essentiel, nous allons y contribuer. Non par souci d’antiquaire mais pour leurs forces vives, vivantes. Et puis, chantier parallèle, en des ateliers d’histoire collective, nous voulons également écrire notre propre histoire : l’histoire de nos combats (même minuscules), sans plus longtemps être dépossédés du pouvoir de dire directement les rapports de force, les difficultés, les souffrances, les solidarités, les bonheurs, les colères, les galères, qui font le monde social et nos existences. Si chacun.e se réapproprie son histoire et perçoit à quel point elle s’entremêle à l’histoire des autres, alors la connaissance ne restera plus un instrument de pouvoir, réservé aux élites. Elle deviendra arme critique à disposition de toutes et tous.
5) Mieux comprendre les relations internationales et les configurations économiques et sociales « à l’étranger ». Parce que nous y contraignent l’interconnexion des économies, les effets dominos des conflits locaux, leurs causes imbriquées, les interventions des puissances occidentales, la persistance et les conséquences du néocolonialisme et du passé colonial, les « grands marchés libéraux », la puissance renforcée des firmes transnationales au capital multinational, les ravages d’une finance mondialisée et folle, la destruction sans frontières du vivant, etc…Comprendre « là-bas », c’est comprendre ici. Comprendre les résistances « là-bas », aide à résister ici.

Cette « maison commune » intellectuelle, nous voulons et nous allons l’inventer et la fabriquer ensemble, le samedi 28 janvier, en une AG conviviale de « re-fondation » de la Fondation Copernic.

Nous y appelons.

Autogestion et réseau

La Fondation Copernic existe pour étendre les zones d’accord dans la gauche antilibérale et écologiste, sociale, féministe, syndicale et politique. Nous ne fonctionnons et nous ne fonctionnerons qu’au consensus, avec abstentions amicales si cela est possible, en cas de désaccords.
La Fondation Copernic refuse le pyramidal. Nous proposons que s’autogèrent les groupes, ateliers et chantiers, mis en réseau et qui constituent Copernic.